Nouveau rebondissement judiciaire, Carlos Ghosn a fait vendredi l’objet d’un troisième mandat d’arrêt au Japon sur des charges supplémentaires, anéantissant ses espoirs d’une libération immédiate. L’arrestation du PDG de l’alliance automobile Renault-Nissan-Mitsubishi Motors, le 19 novembre à Tokyo, avait fait l’effet d’un coup de tonnerre, sa longue garde à vue avait ensuite étonné à l’étranger et le système judiciaire japonais s’était retrouvé sous le feu des critiques.
Les médias avaient annoncé qu’il resterait sous les verrous jusqu’à la fin de l’année, voire au-delà, mais le tribunal a désavoué jeudi le parquet, refusant d’étendre la garde à vue du dirigeant de 64 ans et rejetant ensuite l’appel des procureurs. Une libération sous caution semblait alors imminente, mais c’était sans compter sur la ténacité du parquet, furieux selon les médias d’avoir été désavoué la veille.
Le bureau des procureurs a ainsi décidé de l’arrêter de nouveau, ce qui lui donne 48 heures supplémentaires pour l’interroger sur de nouvelles charges, d’abus de confiance cette fois. La durée de cette garde à vue peut néanmoins être encore étendue. Selon un communiqué, Carlos Ghosn est soupçonné d’avoir « failli à sa fonction de PDG et d’avoir causé un préjudice à Nissan ».
Concrètement, le parquet lui reproche d’avoir « imputé sur les comptes de la société des pertes d’investissements personnels », ce qu’il nie selon la chaîne de télévision publique NHK. Pour le moment, le Franco-libano-brésilien a été inculpé le 10 décembre pour avoir omis de déclarer aux autorités boursières environ 5 milliards de yens (38 millions d’euros) de revenus sur cinq années, de 2010 à 2015. Son bras droit Greg Kelly, arrêté en même temps que lui, a aussi été mis en examen.
Les deux hommes sont également soupçonnés de minoration d’émoluments sur la période 2015-2018, pour un montant de 4 milliards de yens. Au cours des auditions, M. Ghosn aurait reconnu avoir signé des documents mentionnant des paiements qu’il était censé percevoir au moment de quitter Nissan mais il assure, selon la presse, que ces montants n’étaient pas définitivement établis et n’avaient donc pas à être inclus dans les rapports publics de l’entreprise.
M. Kelly ne fait pas, lui, l’objet d’un nouveau mandat d’arrêt et ses avocats ont déposé vendredi une demande de libération sous caution, a indiqué le tribunal de Tokyo. Pour Carlos Ghosn, qui séjourne actuellement dans une petite cellule d’un centre de détention de Tokyo, c’est une troisième étape qui s’ouvre sur le front judiciaire. Un imbroglio qui risque d’alimenter les critiques sur la justice nippone.
« Le système pénal japonais a été révélé au grand jour à l’étranger. Ce n’est pas forcément la meilleure face du Japon, ce n’est pas bon pour le monde des affaires », a commenté pour l’AFP Me Lionel Vincent, avocat du barreau de Tokyo. « Les dirigeants étrangers sont surpris de la brutalité de la procédure et craignent à tort d’être pris au piège de règles qu’ils ne connaissent pas et d’un système qu’ils ne maîtrisent pas », a-t-il ajouté.
Pendant ce temps, l’alliance Renault-Nissan est dans la tourmente. Les constructeurs japonais Nissan et Mitsubishi Motors ont déjà révoqué à l’unanimité M. Ghosn de la présidence de leurs conseils d’administration, mais le groupe français Renault l’a maintenu jusqu’à présent à son poste. De son côté, Nissan se prépare à une éventuelle libération de son ancien sauveur, qu’il accuse aujourd’hui de tous les maux, notamment d’avoir utilisé des résidences de luxe dans le monde entier aux frais de la compagnie.
Pour le groupe, qui a mené l’enquête pendant des mois en interne avant de transmettre les charges au parquet, « les preuves sont substantielles et convaincantes ». Selon une source proche du dossier, si Carlos Ghosn devait sortir de prison, Nissan lui interdirait l’accès à ses locaux même si en théorie il peut siéger au conseil d’administration. Seule une assemblée générale extraordinaire d’actionnaires peut le démettre de son titre d’administrateur.
D.C avec AFP
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