Un nouveau modèle d’univers en expansion sans énergie noire

14 mai 2017 07:55 Mis à jour: 16 mai 2017 13:52

La structure singulière de notre univers avec des bulles de vides arrangées de manière étrange, surprend les astrophysiciens et le sujet ne cesse d’attiser un débat international.

Les scientifiques essayent toujours d’expliquer l’expansion du cosmos en analysant comment se manifeste la matière lumineuse, perceptible par l’homme, et la matière noire, invisible. Ils ont en effet ajouté cette autre composante, l’énergie noire qui, bien qu’inaperçue, s’est imposée. On la remet cependant aujourd’hui en question et des études récentes permettent d’établir un nouveau modèle de l’univers sans énergie noire.

Dans le modèle communément admis de l’univers, la science actuelle s’accorde sur le fait que l’énergie noire occupe environ 68% du cosmos, la matière noire 27% et la matière lumineuse environ 5%. Ce qui diffère du modèle connu comme « l’espace d’Einstein-de-Sitter » : Albert Einstein et Willem de Sitter en 1932 avaient présenté un modèle où l’énergie noire n’était pas prise en compte.

Donc une autre piste, une autre hypothèse a été proposée par un groupe de scientifiques dirigé par István Csabai, de l’Université Loránd Eötvös (ELTE) en Hongrie, le modèle Avera de l’univers, différent du modèle standard. Selon les déclarations du mois de mars de la Royal Astronomical Society, on y exclut à nouveau l’existence de l’énergie noire.

Une autre étude, de l’Université de l’Arizona en 2015, avait déjà mis de côté cette énergie invisible. Ici, les chercheurs avaient formulé une mise en garde en rappelant que par le passé les distances de l’univers étaient calculées grâce aux supernovas de type Ia [très visibles, on les appelle les « chandelles de l’univers »]. Il était admis que toutes étaient pareilles. Voilà pourquoi on aurait « aboutit à des conclusions erronées ».

Dans la photo qui suit, István Csabai et son équipe ont représenté les trois modèles de l’univers de la science aujourd’hui : l’univers selon le modèle standard (en rose), le modèle Avera (en bleu) et le modèle Einstein-de-Sitter (en vert).

Sur cette photographie du cosmos, un point représente un amas de galaxies. Les unités de longueur sont les Mégaparsecs (Mpc), où 1 Mpc est d’environ 3 millions de millions de millions de kilomètres, rappelle le Pr Csabai.

Selon la courbe obtenue à partir des calculs théoriques de l’accélération de l’univers, le modèle Avera est celui qui respecte au plus près la réalité observable (courbe bleue).

Les trois modèles de l’univers, standard (en rose), Avera (en bleu), Einstein-de-Sitter (en vert). Le modèle Avera s’ajuste à l’expansion de l’univers (courbe bleue). (Royal Astronomical Society)

Selon un bulletin de la Royal Astronomical Society, depuis les années 1920, les scientifiques considèrent que l’univers est en expansion et selon eux, à l’appui de cartes qui permettent de mesurer la vitesse du mouvement des galaxies, il a commencé à s’agrandir 13,8 millions d’années après le Big Bang.

« Il a été en constante expansion depuis. La preuve clé de cette expansion est la loi de Hubble, qui repose sur l’observation des galaxies. Cette loi indique que la rapidité avec laquelle une galaxie s’éloigne de nous est proportionnelle à sa distance », nous dit-on.

Pour savoir si une galaxie s’éloigne, les chercheurs observent les ondes qui se reflètent de ses rayons. Plus ces ondes deviennent rouges, plus on sait qu’elle recule.

Cependant, pour expliquer cet éloignement, cette expansion, sur le plan mathématique et théorique, les astronomes du milieu du XXe siècle, ont déclaré qu’il devait y avoir une matière noire. Ils ne pouvaient expliquer autrement les résultats de leurs calculs. Puis, dans les années 90, pour expliquer l’explosion des étoiles et la fin de leur cycle de vie, on en est venu à postuler l’existence de l’énergie noire.

Pour en venir à de telles conclusions, les astronomes se référaient à des études de supernovas résultant de l’explosion des étoiles binaires (deux étoiles autours d’un même centre gravitationnel).

Supernova 1572 (ou Nova de Tycho), image aux rayons X (ASA / CXC / Rutgers / J. Warren, J.Hughes et al.)

Selon la Royal Astronomical Society, le groupe de l’ELTE soutient actuellement que les modèles de cosmologie conventionnels sont basés sur des approximations qui ne tiennent pas compte précisément de la structure de l’univers, et où il est supposé que la matière a toujours la même densité.

Ces approximations – qui sont erronées selon l’équipe – résultent d’une mauvaise compréhension des équations théoriques d’Einstein de l’expansion de l’univers.

László Dobos, co-auteur de l’étude hongroise, explique que « les équations d’Einstein sur la relativité générale, qui décrivent l’expansion de l’univers sont si complexes mathématiquement, que, durant cent ans, on n’a pas trouvé de résultats qui répondaient aux structures cosmiques dans les faits. »

Le scientifique ajoute qu’on sait « grâce aux observations très précises des supernovas que l’univers s’accélère », mais au niveau théorique, on reste sur les explications qui reposent sur des approximations des équations d’Einstein.

En conclusion, ces approximations introduiraient « dans les modèles conçus pour joindre la théorie à l’observation, des erreurs, comme celle d’une nécessaire énergie noire ».

Ce que personne ne remet en question actuellement c’est le fait que les galaxies sont situées dans les fines parois de bulles de vides collées les unes aux autres, qui forment des grands ensembles d’amas de galaxies, les superamas.

Alignement surprenant des quasars dans l’univers (VLT-ESO)

Qu’y a t’il à l’intérieur de ces bulles ? On ne sait pas. Du vide, apparemment… c’est mystérieux. Peut-être faut-il y voir une analogie au vide apparent du ciel en plein jour, qui en réalité est rempli d’air. Autrement dit, nous ne décelons rien mais nous savons qu’il y a d’innombrables particules invisibles.

Concernant la matière noire

Les quatre téléscopes qui forment le VLT au Chili. (Wikipédia)

D’un autre coté, concernant la matière noire, l’autre composant de l’univers qui nous intrigue, il y a aussi bien des débats. Une publication du mois de décembre 2016 de l’Observatoire européen austral (ESO) indiquait que les résultats d’une vaste étude des galaxies avec le VLT (Very Large Telescope) du Chili suggéraient que « la matière noire pourrait s’avérer moins dense et être distribuée de manière plus uniforme dans l’espace qu’on ne le pensait ».

La matière noire est plus uniforme que ce que l’on pensait. (ESO)

Dans ce cas, on étudie comment la lumière de quelque quinze millions de galaxies très éloignées serait affectée par l’influence gravitationnelle de la matière sur les plus grandes longueurs de l’univers. Cette étude a été menée par Hendrik Hildebrandt, de l’Institut Argelander à Bonn (Allemagne) et Massimo Viola, de l’Observatoire de Leyde ( Pays-Bas), selon l’ESO.

« Les résultats semblent être en désaccord avec les résultats précédents observés par le satellite Planck », ont alors déclaré les observateurs.

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Pour en revenir à l’étude de l’équipe hongroise, qui présente un nouveau modèle de l’évolution de l’univers, László Dobos fait remarquer que « dans les faits, la matière normale et la matière noire semblent remplir l’univers en se structurant comme de la mousse, et les galaxies se trouvent dans les parois minces entre les bulles, le tout formant les superamas. L’intérieur de ces bulles contraste car elles sont presque vides des deux matières. »

En utilisant une simulation par ordinateur pour modéliser la distribution de millions de particules de matière noire, les scientifiques ont essayé de reconstruire l’évolution de l’univers, notamment les commencements de la matière en train de s’agglomérer et les débuts de la formation d’une structure à grande échelle.

« Contrairement à des simulations classiques avec un univers soumis à une expansion lisse, compte tenu de la structure, on en est venu à un modèle dans lequel les différentes régions du cosmos se développaient à des rythmes différents », signale l’étude.

« Cependant, ajoute-t-on, la vitesse moyenne de l’expansion est compatible avec les observations actuelles, qui suggèrent une accélération globale. »

Le Dr Dobos explique : « La théorie de la relativité générale est fondamentale pour comprendre l’évolution de l’univers, nous ne remettons pas en question sa validité, mais nous nous interrogeons sur la validité des solutions approximatives. »

« Nos résultats, ajoute-t-il, sont basés sur une conjecture mathématique qui permet une expansion différentielle de l’espace », ie. des vitesses différentes selon les types de structures.

Le scientifique affirme que ces conclusions sont conformes à la théorie de la relativité générale et montrent comment cette dernière affecte l’expansion des structures complexes de la matière.

« Ces questions avaient précédemment été mises de côté et déconsidérées, même si on en tenait compte, explique-t-il, ce sont elles qui peuvent expliquer l’accélération de l’univers sans qu’intervienne l’énergie noire. »

Selon la Royal Astronomical Society, si cette découverte est confirmée, « elle pourrait avoir un impact significatif sur les modèles de l’univers à venir et l’orientation de la recherche. Au cours des 20 dernières années, les astronomes et les physiciens théoriques ont spéculé sur la nature de l’énergie noire, cependant on ne pouvait résoudre le mystère. Avec le nouveau modèle, István Csabai et ses collaborateurs espèrent pour le moins animer le débat. »

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