Nouvelle-Calédonie : un mort lors d’une nouvelle nuit d’émeutes, les députés votent la révision constitutionnelle

Par Epoch Times avec AFP
15 mai 2024 08:30 Mis à jour: 15 mai 2024 09:02

Une personne a été tuée par balle dans la nuit de mardi à mercredi lors d’une deuxième nuit consécutive d’émeutes en Nouvelle-Calédonie, alors que les députés votaient à Paris la révision constitutionnelle du corps électoral à l’origine de la colère du camp indépendantiste.

Selon le représentant de l’État dans l’archipel français du Pacifique Sud, cette personne, touchée par des tirs avec deux autres personnes, est décédée des suites de ses blessures à l’hôpital de Nouméa. Le Haut-commissaire de la République, Louis Le Franc, a précisé devant la presse que la victime n’avait pas été victime « d’un tir de la police ou de la gendarmerie, mais de quelqu’un qui a certainement voulu se défendre ».

Au terme de la nuit, le représentant de l’État dans l’archipel français du Pacifique-Sud a fait état de « graves troubles à l’ordre public toujours en cours », dont de « nombreux incendies et pillages de commerces et d’établissements publics ». « Plusieurs dizaines d’émeutiers ont été placés en garde à vue et seront présentés à la justice », a précisé le Haut-commissariat de la République dans un communiqué.

« On est dans une situation que je qualifierais d’insurrectionnelle », a déploré M. Le Franc, « L’heure doit être à l’apaisement l’appel au calme est impératif », a-t-il insisté. « Je vous laisse imaginer ce qui va se passer si des milices se mettaient à tirer sur des gens armés ».

Un mur d’escalade brûlé est photographié dans le quartier de Magenta à Nouméa le 15 mai 2024. (Photo THEO ROUBY/AFP via Getty Images)

Le Haut-commissaire a fait état de plusieurs « échanges de tirs de chevrotine entre les émeutiers et les groupes de défense civile à Nouméa et Paita » et d’une « tentative d’intrusion à la brigade (de gendarmerie) de Saint-Michel ». Les forces de l’ordre ont procédé à un total de 140 interpellations dans la seule agglomération de Nouméa, selon un nouveau bilan dressé par Louis Le Franc.

La révision constitutionnelle adoptée par 351 voix contre 153

En métropole, l’Assemblée nationale a adopté dans la nuit de mardi à mercredi par 351 voix contre 153 le texte qui élargit le corps électoral. La réforme devra encore réunir les trois cinquièmes des voix des parlementaires réunis en Congrès à Versailles.

Dans un courrier adressé mercredi aux représentants calédoniens condamnant des violences « indigne(s) » et appelant au « calme », Emmanuel Macron a précisé que le Congrès se réunirait « avant la fin juin », à moins qu’indépendantistes et loyalistes ne se mettent d’accord d’ici là sur un texte plus global.

Le projet de loi constitutionnelle vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l’archipel. Les partisans de l’indépendance jugent que ce dégel risque de « minoriser encore plus le peuple autochtone kanak ».

Devant la presse, le président indépendantiste du gouvernement du territoire, Louis Mapou, a « pris acte » de la réforme votée à Paris mais déploré une « démarche qui impacte lourdement notre capacité à mener les affaires de la Nouvelle-Calédonie ».

« Nous lançons un appel au calme », a poursuivi Louis Mapou. « Les mobilisations doivent se passer dans un cadre », a enchaîné le président du sénat coutumier Victor Gogny, « Depuis deux jours on est sorti de ce cadre et le pays est en feu. Il faut revenir dans ce cadre et que tout se calme ».

Dans un courrier adressé au chef de l’État, la principale figure du camp non-indépendantiste, l’ex-secrétaire d’État Sonia Backès, a demandé de son côté au chef de l’État de déclarer l’état d’urgence, « notamment en engageant l’armée aux côtés des forces de police et de gendarmerie ». « Nous sommes en état de guerre civile », a-t-elle déploré.

De nombreux incendies, pillages et  échanges de tirs

Malgré l’instauration d’un couvre-feu dans l’agglomération de Nouméa mardi dès 18h00 locales (9h00 à Paris), les actes de vandalisme y ont repris de plus belle dès la nuit tombée. Plusieurs infrastructures publiques de la capitale ont brûlé dans la nuit, a constaté un correspondant de l’AFP. Des voitures accidentées ou calcinées étaient également visibles un peu partout dans les rues, alors que des camions transportant des gendarmes mobiles, entre autres forces de l’ordre, sillonnaient la ville.

Des personnes marchent à côté d’une voiture incendiée après qu’un supermarché a été pillé et des magasins vandalisés dans le quartier de N’Gea à Nouméa, le 14 mai 2024. (Photo DELPHINE MAYEUR/AFP via Getty Images)

Mercredi matin, faute d’approvisionnement des commerces, les pénuries alimentaires ont provoqué de très longues files d’attente devant les magasins. Certains à Nouméa étaient pris d’assaut, d’autres étaient quasiment vides, n’ayant plus de pain ni de riz à vendre.

Dans les quartiers, la débrouille s’organise. « Nous nous sommes organisés spontanément », a expliqué à l’AFP David, un habitant du quartier de Ouema qui a souhaité garder l’anonymat. « Hier en fin de journée, des gens ont essayé de faire entrer quatre barils d’essence. Nous filtrons la circulation la journée », a-t-il indiqué, alors que certains habitants se sont « armés » de clubs de golf ou de cannes de croquet.

À Tuband, un autre quartier de Nouméa, des habitants patrouillaient armés de bâtons ou de battes de base-ball, encagoulés ou casqués. « Nous sommes là depuis hier pour protéger la ville », a affirmé Sébastien, 42 ans, habite la Vallée des Colons, près de Tuband. « Les flics sont débordés alors on essaye de se protéger et des que ça chauffe, nous prévenons les flics pour qu’ils viennent nous aider. On essaye de faire en sorte que chaque quartier ait sa milice », a-t-il expliqué à l’AFP.

Tranchant avec les tensions à quelques kilomètres à peine de là, de rares touristes regardaient, incrédules, un patrouilleur de la Marine nationale croisant au large des baies de l’Anse Vata et des Citrons, et observaient le ballet des hélicoptères de l’armée au-dessus de l’archipel.

Des gendarmes gardent l’entrée du quartier de la Vallée-du-Tir, à Nouméa, le 14 mai 2024. (Photo THEO ROUBY/AFP via Getty Images)

« Une centaine » de policiers et gendarmes blessés

Des « centaines » de personnes ont été blessées dans les violences en Nouvelle-Calédonie, dont une « centaine » de policiers et gendarmes, a déclaré mercredi le ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer Gérald Darmanin sur RTL.

Les premières altercations entre manifestants et forces de l’ordre avaient commencé dans la journée de lundi, en marge d’une mobilisation indépendantiste contre la réforme constitutionnelle.

Dans la crainte d’un enlisement, des éléments du GIGN, du RAID (son équivalent pour la police), quatre escadrons de gendarmes mobiles et deux sections de la CRS 8, une unité spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines, ont été mobilisés. D’autres renforts étaient en cours d’acheminement dans l’archipel, selon Gérald Darmanin.

Cinquante membres du GIGN vont être envoyés en Nouvelle-Calédonie d’ici la fin de la semaine, a précisé une source proche du dossier à l’AFP, ce qui portera à une centaine les effectifs de l’unité d’élite de la gendarmerie dans l’archipel.

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