À quelques jours du référendum constitutionnel qui invitera les Ivoiriens à décider s’ils veulent ou non d’une nouvelle norme suprême, l’heure est à l’étude de texte. Que propose vraiment ce projet de Constitution ? Rien de moins qu’une Côte d’Ivoire pacifiée, cheminant avec confiance vers l’objectif qu’elle s’est fixé : atteindre l’émergence d’ici 2020. Et si l’on avait toutes les raisons d’y croire ?
Trois jours. Il n’aura fallu que trois petites journées aux députés ivoiriens pour découvrir, étudier, discuter et amender le projet de nouvelle Constitution. Les 184 articles avaient été déposés sur le bureau des parlementaires mercredi 5 octobre, à l’issue d’une allocution solennelle prononcée devant eux par Alassane Ouattara, durant laquelle le Président a présenté les principes fondateurs de la future 3e République de Côte d’Ivoire. Précédant son discours, l’intervention du président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, vantait une « réforme importante pour l’avenir » de la Côte d’Ivoire : « le temps est venu de faire preuve d’une audace dans les réformes et de laisser derrière soi les hésitations et autres procrastinations, qui sont autant de freins à notre évolution ».
L’examen des articles de l’avant-projet de Constitution, qui s’est achevé vendredi 7 octobre, peut paraître rapide. C’est oublier que la rédaction de cette nouvelle loi fondamentale intervient au terme d’une longue période de gestation – offrir aux Ivoiriens une nouvelle Constitution était une promesse de campagne du candidat Ouattara, et les travaux de consultation se sont échelonnés sur plus d’un an – mais aussi de transition, pour un pays traumatisé par la guerre civile.
Un nouveau pacte social, pour une stabilité durable
« Retour de la paix et de la sécurité, réconciliation nationale et cohésion sociale, normalisation institutionnelle, redressement et relance économique » : autant de défis, listés par le Président lors de son allocution devant l’Assemblée nationale, qui devaient être relevés préalablement à toute nouvelle Constitution. L’avant-projet de loi fondamentale accompagne donc idéalement l’évolution de la Côte d’Ivoire qui, après une longue période d’instabilité politique, renoue désormais avec la paix sociale et la croissance économique. En quelque sorte, la nouvelle Constitution clôt un chapitre de l’histoire ivoirienne autant qu’elle en ouvre un nouveau. « L’idée est de mettre une décennie de troubles derrière nous et d’avoir un nouveau contrat social dans lequel chacun se retrouve », explique ainsi le porte-parole du gouvernement, Bruno Koné.
Autrement dit, le projet constitutionnel entend poser des fondations solides sur lesquelles bâtir un avenir durable. Ces fondations reposent elles-mêmes, selon le vœu d’Alassane Ouattara, sur les accords de Linas-Marcoussis. Signés en France en janvier 2003, ces accords visaient à mettre un point final à la guerre civile, qui ravageait la Côte d’Ivoire depuis 2002. Mais surtout à édicter les conditions d’un retour durable à la paix et à la prospérité, toutes deux otages des divisions ethniques et religieuses, mais aussi d’un système politique non-adapté et n’assurant pas la continuité de l’État. Tous les partis ivoiriens présents en France, à l’exception de l’UPCI, avaient adopté cette vision, et apposé leur signature en bas des accords. Une quasi-unanimité qui, pourtant, n’a pas suffi à empêcher la crise consécutive au refus de Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir, à la suite de l’élection présidentielle de 2010…
Il fallait donc aller plus loin, une fois les chantiers de « l’amélioration des conditions de vie » des Ivoiriens et du « renforcement de (la) démocratie et de l’État de droit » avancés sous sa précédente mandature, comme l’a expliqué Alassane Ouattara devant les députés. Afin « que plus jamais, (la Côte d’Ivoire) ne retombe dans les travers du passé (…), que plus jamais, les Ivoiriens ne s’affrontent », le président Ouattara s’est fait fort d’associer « toutes les composantes » et « toutes les forces vives » de la société ivoirienne aux consultations préalables à la rédaction de l’avant-projet de Constitution. Quelles sont donc les principales innovations de ce que le président présente comme « un nouveau pacte social qui consacrera l’avènement de la troisième République » de Côte d’Ivoire ?
Vers une « Côte d’Ivoire nouvelle » ?
Première innovation, le fameux article 35 de l’ancienne Constitution, introduisant le principe d’ivoirité, passe à la trappe, laissant place à l’article 55 qui fixe les règles à remplir pour pouvoir se présenter à l’élection présidentielle. L’âge minimum pour se présenter est abaissé à 35 ans, et il n’y a plus d’âge maximum. Est également spécifié que « le candidat à l’élection présidentielle doit être exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père ou de mère eux-mêmes ivoiriens d’origine ». Contrairement à la précédente version, ses parents n’ont donc plus l’obligation d’être tous deux originaires de Côte d’Ivoire.
Tricéphale, l’exécutif proposé par ce texte constitutionnel est composé du Président de la République, de son vice-Président et du gouvernement. Second personnage de l’État, ce vice-Président sera appelé à suppléer le chef de l’État en cas de vacance du pouvoir, ou à présider le conseil des ministres à sa place s’il est, par exemple, retenu à l’étranger. Avant d’être élu en même temps que le Président dès de la prochaine élection, en 2020, celui-ci devrait être nommé par Alassane Ouattara dans les semaines à venir.
A l’avenir, le Parlement sera composé de deux chambres, l’avant-projet de Constitution prévoyant la création d’un Sénat, dont deux tiers des membres seront élus, pour cinq ans, au suffrage universel indirect et le dernier tiers nommé par le Président – un moyen d’assurer la plus grande représentativité de toutes les composantes de la société ivoirienne, sur le plan régional, socio-économique mais aussi au niveau des collectivités territoriales, de la diaspora et de l’opposition. En cas de désaccord sur un projet de loi, l’Assemblée nationale aura le dernier mot.
Enfin, ce projet de Constitution a été pensé pour accompagner l’essor économique important que connaît la Côte d’Ivoire depuis quelques années, sa croissance se situant autour de 8,5 % par an depuis 2012. Souhaitant consolider un climat des affaires au beau fixe et encourager toujours plus les investisseurs étrangers à apporter leurs capitaux, le texte a également pour ambition de favoriser l’initiative privée des Ivoiriens, ceci afin de poursuivre l’entreprise de diversification économique amorcée lors du premier mandat de Ouattara. L’idée étant de faire profiter chaque Ivoirien des fruits de la croissance du pays. Présent au US-Africa business forum organisé le 21 septembre à New York en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, Alassane Ouattara a ainsi vanté une « Constitution plus moderne et inclusive ».
Avec cette nouvelle Constitution, c’est, selon les termes d’Alassane Ouattara, « la Côte d’Ivoire nouvelle qui se met en place ». Encore faut-il que le peuple ivoirien souhaite faire sienne cette « Côte d’Ivoire nouvelle ». Réponse aux alentours du 30 octobre dans les urnes.
Consultant en géopolitique et relations internationales, possédant une forte expertise Afrique, Philippe Escande intervient essentiellement dans ce périmètre, où il aide les entreprises internationales à acquérir une vision à la fois globale et précise de leur environnement-métier, ainsi qu’à mesurer les risques sur le patrimoine humain et économique.
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