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Les nouvelles technologies au service des géants des pesticides et des semences

octobre 3, 2016 16:40, Last Updated: octobre 3, 2016 16:40
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Le summum des prouesses de l’agriculture américaine moderne réside dans le pari que les fusions d’entreprises vont permettre la mise au point de puissantes et nouvelles technologies de modification des gènes, qui alimenteront la croissance tellement nécessaire.

En 2015, une seule des « Six Grandes » entreprises de semences et d’agro-technologie, parmi lesquelles le numéro un mondial Monsanto Co., avait échappé à la baisse de ses revenus. Avec la chute des revenus agricoles des États-Unis de l’ordre de 30 % par rapport au pic de 2013, les agriculteurs achètent moins de semences et moins de pesticides chimiques.

L’augmentation des parasites et la résistance des mauvaises herbes face aux semences génétiquement modifiés (GM) a également commencé à inquiéter les agriculteurs. En effet, les rendements des cultures ont commencé à stagner sur les dernières années. Pour la première fois depuis l’introduction des semences biotechnologiques, en 2015, la superficie des zones plantées a diminué de 1% à l’échelle mondiale, selon un organisme à but non lucratif qui enregistre ces données.

Après le succès de l’officialisation, le 14 septembre dernier, du projet d’acquisition par la société allemande Bayer AG du groupe Monsanto, basé aux USA, cinq des « Six Grandes » viennent d’annoncer des méga fusions, évaluées à environ 145 milliards de dollars.

Si ces rapprochements sont validés par les régulateurs antitrust, un nouveau « Big Three » composé de Syngenta-ChemChina, Dow-Dupont et Bayer-Monsanto, verrait le jour. Avec son acquisition, l’entreprise ChemChina, spécialisée dans les produits chimiques, fait son entrée dans le marché des semences. Quant à BASF, déjà la plus petite des six, elle s’affaiblirait encore davantage.

Lors d’une récente audition au Sénat examinant la série de fusions et d’acquisitions, les représentants de cinq des six parties engagées dans ont témoigné (ChemChina était absente). Ils ont tous tenu le même discours : la nécessité des changements pour garantir la continuité de l’investissement et de l’innovation pour nourrir la population mondiale, qui ne cesse de croître. Ils ont tous déclaré vouloir faire profiter les agriculteurs des dernières découvertes scientifiques.

Les nouvelles technologies

Dans cette industrie, l’incroyable complexité de la technologie et l’accès aux marchés avantagent celui qui a la meilleure capitalisation. Dans une économie agricole en difficulté, ces géants agricoles placent leurs espoirs dans les technologies émergentes d’édition (ou couper-coller) génomique, pour rester au sommet.

Si jamais les consommateurs voyaient les nouvelles technologies différemment des cultures conventionnelles génétiquement modifiées (GE), cela permettrait à l’industrie de surmonter un autre obstacle majeur.

De toutes les nouvelles technologies de modification des gènes, la plus prometteuse et la plus célèbre se nomme CRISPR-Cas « Clustered Regularly Interspaced Palindromic Repeats » (courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement inter-espacées). Pour Science Magazine, c’était « La découverte de l’année 2015 ». Le magazine l’a qualifiée de « merveille moléculaire », capable de modifications rapides et précises du matériel génomique. Les scientifiques ont également fait la démonstration que cet outil pouvait ouvrir une nouvelle voie dans « la maîtrise du gène », qui permettrait par exemple de cibler et d’éliminer ou stériliser au besoin, un moustique porteur de maladies.

(De gauche à droite) James Collins, vice-président exécutif du secteur de l’agriculture de l’E. I.. DuPont de Nemours and Company. Tim Hassinger, PDG de Dow AgroScience Agriculture. Erik Fyrwald, PDG de Syngenta International AG. Jim Blome, PDG de Bayer CropScience Amérique du Nord. Robb Fraley, vice-président exécutif et chef de la technologie de Monsanto. Tous ont témoigné lors d’une audition au Capitole, le 20 septembre 2016. (Photo by Alex Wong/Getty Images)

Alors que le système CRISPR-Cas avait été très vite adopté par l’industrie pharmaceutique pour son potentiel dans le traitement des maladies chez les humains, les entreprises des semences envisagent à présent le potentiel pour créer des semences plus efficacement, avec pour bénéfice une réduction des délais de mise sur le marché des produits. Actuellement, il faut en moyenne environ 13 ans et quelques 136 millions de dollars avant de pouvoir présenter une nouvelle semence au marché, révèle CropLife International, un défenseur de l’industrie biotechnologique. L’essentiel du temps étant consacré à la Recherche et au développement des produits.

Dans un courriel, le docteur Tom Adams, directeur de biotechnologie chez Monsanto, s’est réjoui : « La rapidité avec laquelle ces outils nous aident à déployer l’amélioration des cultures, qui nécessitent traditionnellement une sélection des plantes, est très enthousiasmante. » Et d’expliquer que dans un processus de sélection traditionnel, de grandes quantités de « graines » doivent être testées sur les caractéristiques souhaitées. Avec les technologies d’édition de gènes, « au lieu de chercher une aiguille dans une botte de foin, nous pouvons concevoir directement l’aiguille ou réduire la taille de la botte de foin », a imagé Adams.

En outre, si jamais les consommateurs voyaient les nouvelles technologies différemment des cultures conventionnelles génétiquement modifiées (GE), cela permettrait à l’industrie de surmonter un autre obstacle majeur à l’adoption des produits par les consommateurs. Les cultures biotechnologiques sont interdites dans de grandes parties du monde, dont l’Europe et le Mexique, et les consommateurs se méfient avec obstination des aliments génétiquement modifiés.

L’histoire des renforcements

L’avalanche d’annonces de fusion n’a pas été une surprise pour la plupart des observateurs de l’industrie. Lors d’une récente audience de surveillance du Congrès consacrée aux rapprochements dans l’industrie des semences et des produits agrochimiques aux États-Unis, nombre d’acteurs du domaine ont fait part de leur résignation devant l’inéluctabilité de la tendance.

Depuis des décennies, la volonté de se renforcer a été constante, avec un Big Six qui a avalé plus de 200 entreprises plus petites du secteur des semences, de la biotechnologie et des pesticides. C’est dans les années 1990 que la tendance a décollé, avec l’introduction commerciale de la première graine GE brevetée. La graine GE était différente, car conçue en laboratoire. Cela a permis d’identifier les éléments spécifiques, introduits dans la graine par un organisme étranger.

Le génie génétique des semences fait partie du paradigme de l’agriculture moderne, qui implique le brevetage de la diversité génétique (appelée plasma germinatif) et celui des graines produites avec des techniques de croisement avancées — hybrides — qui ne peuvent être conservées, puisqu’elles ne se reproduisent pas à l’identique.

D’après Roger Johnson, président du Syndicat de l’Agriculteur National, la course au brevetage des semences a atteint un tel point en Amérique que les semences non transgéniques sont de plus en plus coûteuses ou difficiles à obtenir.

Avant l’essor de l’agro-industrie, les instituts fédéraux de concession de terres et les universités étaient la principale source d’aide pour les agriculteurs locaux. Les deux groupes travaillaient ensemble pour améliorer les stocks de graines et surmonter les difficultés. Aujourd’hui, les instituts de concession de terres s’alignent de plus en plus avec les intérêts de l’agro-industrie, qui favorise une dépendance aux herbicides et à l’utilisation des pesticides.

Pour Doug Gurian-Sherman, chercheur principal et directeur du programme d’agriculture durable au Center for Food Safety, une autre méthode connue existe sous le nom d’acroecology et commence à faire son chemin dans ce système de subvention de concessions de terres, mais les efforts doivent être renforcés dans le domaine.

L’acroecology en tant que système de culture, réduit la dépendance aux pesticides grâce aux techniques de rotation des cultures, à la diversité, à l’adaptation locale des semences et en mettant l’accent sur la fertilité des sols, qui peuvent lutter naturellement contre les parasites, en offrant la même productivité que les cultures transgéniques.

Surmonter les obstacles

Dr Robert Fraley, vice-président exécutif et directeur de la technologie chez Monsanto, a souligné dans son témoignage « les percées comme l’édition (modification ou couper-coller) de gènes » qui « ouvrent tout un nouveau monde de possibilités en biologie végétale ».

Monsanto fait des recherches sur l’édition de gènes depuis des années et dispose d’un certain nombre de licences et de collaborations en recherches et développement déjà établi. Au cours des derniers mois, le groupe a annoncé des collaborations avec TargetGene Biotechnologies pour leur nouvelle plate-forme de modification génomique « T-GEE » et Nomad Biosciences pour leur technologie plus efficace de modification des traits génomiques.

Le 22 septembre, Monsanto a annoncé avoir conclu un accord de licence mondial pour l’utilisation de la technologie d’édition du génome CRISPR-Cas dans l’agriculture avec le Broad Institute du MIT et Harvard. Broad détient plusieurs brevets américains et fait partie des pionniers dans ce domaine de recherche.

Le docteur Adams estime que les technologies d’édition des gènes ont le potentiel d’améliorer un certain nombre de cultures dans le portefeuille actuel de Monsanto, avec des améliorations potentielles de la résistance aux maladies à l’amélioration des saveurs, mais sans livrer de détails, déclarant que les éléments de recherche n’avaient pas encore été déployés dans le circuit de recherche et développement de l’entreprise.

CRISPR-Cas est l’un des nombreux outils nouveaux d’édition génétique plus précis, qui permettent des changements ciblés à des endroits prédéfinis dans l’ADN de la plante. Beaucoup de ces nouvelles techniques impliquent des changements induits au sein du même organisme, mais les technologies peuvent également servir pour l’ingénierie transgénique classique de manière plus précise.

Plus tôt cette année, une semence de maïs modifié par CRISPR-Cas et développé par DuPont Pioneer a été autorisée par l’USDA, sans approbation légale. La technologie utilisée ne répondait pas aux critères d’un organisme génétiquement modifié telles que décrites dans l’article 7 CFR part 340 de la loi de protections des plantes (the Plant Protection Act).

Pour Gurian-Sherman, il ne faut pas trop interpréter la décision de l’USDA, parce qu’il y’a une faille dans la loi qui pourrait être comblée. Plus d’une trentaine de produits ont dans le passé été autorisés par l’USDA, alors même qu’ils étaient issus des techniques classiques, polémiques.

Les scientifiques et les autres acteurs de l’industrie ont néanmoins bon espoir que les législateurs traiteront différemment l’édition des gènes.

CropLife International a fait connaître sa position officielle, déclarant que les nouvelles techniques, « fournissent des produits qui sont similaires ou indiscernables des produits développés grâce aux méthodes de sélection traditionnelles » et appelle à une approche indulgente et harmonisée à l’échelle mondiale. CropLife demande également aux législateurs de clarifier au plus vite leurs positions.

Des partenariats stratégiques

Dans un communiqué de presse, DuPont Pioneer a déclaré qu’elle s’attendait à ce que ses « grains de maïs hybrides » soient disponibles aux agriculteurs dans les cinq prochaines années. Ce serait l’un des tous premiers produits agricoles compatibles CRISPR-Cas à être commercialisé par l’entreprise.

« Ce n’est que le début », a déclaré dans le communiqué Neal Gutterson, vice-président de la recherche et du développement chez DuPont Pioneer. DuPont a signé des accords de collaboration de recherche et des licences de propriété intellectuelle avec l’Université de Vilnius et avec Caribou Biosciences.

En Août de cette année, Bayer a également signé un accord avec CRISPR Therapeutics pour investir 335 millions de dollars dans la création d’une joint-venture nommée Casebia Therapeutics, qui permettrait à Bayer d’avoir accès aux technologies CRISPR pour les applications agricoles.

Le docteur Fraley estime que pour suivre le rythme global du changement mondial actuel, les investissements dans la technologie agricole doivent augmenter de façon exponentielle.

« Notre industrie est en train de changer […] et il le fallait […] parce que les solutions dont nous avons besoin ne sont accessibles que si les entreprises adoptent de nouvelles technologies, accroissent leurs investissements et accélèrent la recherche et le développement », a déclaré Fraley dans son témoignage.

Maywa Monténégro, doctorant à l’Université de Californie-Berkeley, a déclaré qu’il sera important de connaître l’intention derrière l’utilisation d’une nouvelle technologie comme celle de CRISPR.

Servira-t-elle à promouvoir des cultures plus résistantes aux herbicides et à renforcer l’agriculture technologique? « De vives inquiétudes au sujet de la santé et de l’impact environnemental de cette technologie sont soulevées par certaines personnes. »

CLARIFICATION : Une version antérieure de cet article a mal dépeint le travail des instituts de concession de terres et des universités et l’a malencontreusement attribué à Doug Gurian-Sherman. Les instituts de concession de terres et les universités se concentrent sur les systèmes agricoles industriels, tandis qu’une petite mais importante partie de leurs de recherches porte sur un système d’exploitation alternatif, connu sous le nom d’acroecology. Epoch Times présente ses excuses pour cette erreur.

Version anglaise : New Technology Spurs Consolidation in Seed Industry

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