Crise dans l’Église. Dès la rentrée, le pape François compte imposer à l’institution de nouvelles orientations dont la nature éminemment « progressiste » conduit la presse à évoquer rien de moins qu’une « révolution ». Ordination d’hommes mariés, diaconat féminin, bénédiction des couples homosexuels, gouvernance décentralisée et partagée avec des laïcs… ces réformes suscitent la consternation des catholiques classiques.
Cette volonté de réformer l’Église coûte que coûte a été confirmée par le pape juste en amont des Journées mondiales de la jeunesse, qui se sont déroulées du 1er au 6 août à Lisbonne, au Portugal. Le 20 juin, le Souverain pontife a ainsi fait publier un « document de travail » (instrumentum laboris) constituant le fil d’Ariane du prochain synode réformateur sur la gouvernance de l’Église. Le 7 juillet, c’est la liste définitive des participants à cette assemblée, articulée sur deux sessions programmées en octobre prochain et un an plus tard, qui a été publiée. Elles réuniront 300 évêques et experts laïcs sélectionnés en majorité pour… leur opinion en faveur de la réforme.
Gouvernance, ligne théologique, élection du pape : la refonte des trois pouvoirs
Cette dernière doit se décliner en trois grands axes. Tout d’abord, une gouvernance que le Souverain pontife veut plus décentralisée et démocratique, dans laquelle prendraient part des laïcs de base, selon une méthode que d’aucuns qualifieraient plus « égalitaire ». Dans cette nouvelle configuration, Rome perdrait la centrale du pouvoir, laquelle pourrait alors se décliner au niveau local ou continental, selon les cas. En outre, des femmes devraient accéder aux responsabilités, mais également bénéficier d’un statut diaconal, dossier sur lequel une requête a d’ores et déjà été déposée. Un changement qui s’inscrit dans la seconde direction voulue par le pape François : une théologie catholique progressiste.
En ce sens, parmi ses nominations dans le cadre de ce synode, on retrouve James Martin, un jésuite américain leader de la défense de la cause LGBTQ+. Perçu comme un symbole de la réforme à venir, ce religieux sera à la manœuvre pour obtenir la bénédiction des couples homosexuels, une réforme demandée par ce synode. Le célibat sacerdotal sera également remis en question, ouvrant ainsi la voie de la prêtrise aux hommes mariés. Un bouleversement avec la tradition.
Dernier remaniement en vue : l’élection du pape. Un moyen pour le Souverain pontife de mettre au pas les cardinaux opposés à sa vision de l’Église, en les réduisant à une minorité congrue. C’est pourquoi il a créé le 10 juillet une nouvelle promotion de 21 nouveaux cardinaux pour s’assurer une majorité en phase avec sa ligne en cas de conclave. Désormais, 72% des cardinaux électeurs ont été sélectionné par ses soins. Alors que Jean-Paul II a lancé neuf promotions de cardinaux en vingt-cinq ans de pontificat, tout en veillant à maintenir un équilibre des sensibilités, lui en aura créé autant… en seulement dix ans, tous sur sa ligne, à de très rares exceptions près.
Une réforme à visée « irréversible »
Selon Le Figaro, tous les observateurs font le même constat : le pape François tient à rendre ses décisions « irréversibles », un terme qui revient régulièrement dans sa propre bouche. De quoi condamner à la déshérence la ligne catholique conservatrice classique au profit du bloc progressiste, créant ainsi des divisions inédites au sein de l’Église. Fait nouveau : prêtres modérés et bon nombre d’évêques se joignent aux critiques des conservateurs. Jusque-là peu critiques, ces clercs s’inquiètent de l’assaut progressiste autoritariste et volontariste lancé par le pape François. Le successeur de Benoit XVI se comporte en effet plus à l’image d’un politique qu’un homme d’Église. Vision stratégique, choix des hommes, éloignement des opposants, contrôle interne étroit des subordonnés… il ne laisse rien au hasard, rapportent ses collaborateurs.
Paule Zellitch, théologienne, présidente de la Conférence catholique des baptisé·e·s francophones (CCBF), revendique « 10.000 adhérents et sympathisants ». Cette association poil à gratter de l’épiscopat salue le projet synodal, bien qu’elle juge le texte romain trop « médian ». Pour la représentante, « la question est simple : il faut que l’Église s’adapte et avance avec le monde. Sans quoi le monde avancera sans l’Église ! Où était Jésus sinon avec le monde ?» Et de mettre en garde : « Les évêques ont besoin d’altérité même s’ils n’en veulent pas. Il n’y a plus, nulle part, un chef qui décide de tout, c’est fini ! »
La rentrée s’annonce donc mouvementée. Chez les laïcs comme chez les prêtres, le scepticisme, la défiance et la méfiance règnent. La peur des représailles aussi. Ceux qui s’expriment exigent l’anonymat. Une attitude éloignée de l’esprit synodal censé accueillir les avis contraires et promouvoir le débat contradictoire.
« La catastrophe de la déconstruction de l’Église »
Auprès du Figaro, plusieurs prêtres et laïcs témoignent de leur inquiétude. Un clerc d’expérience, modéré, rapporte que « ce synode génère énormément d’angoisse chez les gens qui s’intéressent à l’Église et une profonde indifférence chez les autres. » Il ajoute : « Si la participation des laïcs ne doit pas faire débat — ils doivent avoir leur place — l’ecclésiologie catholique s’articule sur les ministères dont celui du prêtre qui est un point central. Or, ce qui s’annonce est une désarticulation de cette colonne vertébrale de l’Église. »
La perte du caractère « sacré » de l’Église, là se situe la grande angoisse de nombreux prêtres et laïcs. « Beaucoup sont accablés à la lecture du document de travail du synode. Ils n’y voient pas le raffermissement de la foi mais la catastrophe de la déconstruction de l’Église. Quant aux forces vives du catholicisme, de sensibilité classique, traditionnelle ou d’origine africaine ou des départements d’outre-mer, elles ne se sentent pas concernées par ce synode dont ils ne suivront pas les orientations », confie un autre prêtre.
Selon Luc, un professeur universitaire, « la grande majorité des chrétiens est non seulement inquiète mais elle rumine un sentiment d’impuissance devant un processus qu’elle juge manipulé et artificiel par rapport à la réalité spirituelle de l’Église. Certes, les JMJ ont rassuré mais les réformes annoncées par le synode resteront… Et elles nourrissent encore la décrédibilisation de l’institution. »
Selon Philippe, un autre laïc, « les gens trouvent que la consultation qui a conduit au document préparatoire a été biaisée, comme une manœuvre en vue de parvenir à des conclusions écrites à l’avance. Dans les paroisses, on connaît ceux qui ont répondu aux questions du synode. Ils ont plus de 70 ans, leurs enfants ne pratiquent pas, leurs petits-enfants ne sont pas baptisés. Ces boomers ont donc sorti les vieilles recettes ! »
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