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Oubliés du monde, les bébés en prison avec leurs mères au Burkina

novembre 14, 2018 14:20, Last Updated: novembre 14, 2018 14:21
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« La prison ma maison, nul n’est à l’abri de l’écrou » est inscrit en grandes lettres à l’entrée de la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou (Maco). Même les nouveau-nés n’échappent pas à l’avertissement.  Dans la section femmes de la prison, 13 nourrissons et jeunes enfants vivent avec leurs mères, cohabitant dans une « surpopulation carcérale » avec des détenues condamnées ou accusées de « meurtres, vol, excision », souligne la gardienne Ruth Jenssien.

« Quand elles (les détenues) n’ont pas quelqu’un à qui les remettre, les enfants sont obligés de rester. Bien sûr que c’est un problème pour nous », déplore-t-elle. En tout, on estime qu’une trentaine d’enfants vivent dans les cellules du Burkina Faso, pays sahélien parmi les plus pauvres au monde, où sont incarcérées quelque 300 femmes. S’il existe des bébés en prison partout dans le monde, y compris dans les pays occidentaux, au Burkina la faiblesse des moyens de l’Etat fait que leurs conditions de vie sont des plus inquiétantes.

A la Maco, Pascaline Ouedraogo partage sa cellule avec 16 autres femmes et trois enfants. Elle tient dans ses bras Alia, 6 mois, yeux cernés par la fièvre et visiblement malade. « Le bébé dort avec moi. Elle pleure la nuit, elle ne dort pas. Elle est née par césarienne, je n’ai pas de lait. Elle a de la fièvre, je n’ai pas de médicaments, puisqu’elle n’est (officiellement) pas détenue », raconte la maman, à qui l’administration ne peut fournir que du paracétamol en cachets pas adapté aux nourrissons. Par manque de moyens et en raison de leur non existence officielle dans l’univers carcéral, les enfants n’ont ni couches, ni bouillie, ni médicaments pédiatriques.

A la Maco, les cellules qui accueillent 66 prévenues et condamnées sont ouvertes sur une petite cour couverte intérieure dans lesquelles les femmes discutent ou s’occupent par petits groupes. Certaines tissent des sacs qui seront vendus à l’extérieur, d’autres lavent d’innombrables habits, étendus ensuite sur des cordes à linge. Des dizaines de seaux d’eau savonneuse s’alignent devant l’unique robinet de la cour. Par terre, du maïs et du mil sèchent au soleil. Deux bambins courent dans tous les sens.

Pascaline dit avoir été arrêtée pour « complicité d’un crime commis par (son) mari commerçant » en fuite et qui a quitté le pays. « On ne sait pas où il est. En tout cinq personnes, toute la famille, est en prison ici. Sa maman, sa sœur, son neveu… Personne ne pouvait garder le bébé. Je n’ai pas le choix« , confie-t-elle. Quand Pascaline a été incarcérée, sa fille Alia avait deux mois. Quatre mois ont passé depuis, mais « on ne nous a pas encore auditionnés. Personne ne sait quand on sortira », se lamente-t-elle.

« J’ai deux enfants dehors avec la bonne. Une a quatre ans, le plus grand sept ans. Je ne sais pas comment ils vivent, ils ne vont pas à l’école: c’est pas facile pour une mère d’être ici et ses enfants dehors », dit-elle en réprimant des larmes. Quant à Alia, « elle souffre! Regardez dans quel état elle est! Elle a de la fièvre, je vais faire comment ? » Dans la même cellule, une jeune femme qui préfère garder l’anonymat a un enfant de 3 ans. Villageoise venue en ville faire des ménages, elle est incarcérée pour un avortement illégal, abandonnée par presque toute sa famille à l’exception d’une sœur. « Je n’ai personne à qui donner mon enfant. Il va bientôt avoir l’âge de l’école. Ce n’est pas une vie pour lui mais je ne peux rien faire. »

En prison, les enfants sont exposés, déplore Pascaline Simporé (bien Pascaline aussi,), accusée de faux et usage de faux: « Le petit garçon de trois ans… les femmes se mettent nues devant lui », critique-t-elle, dénonçant une promiscuité qui met les nerfs à vif. « Il y a des problèmes d’hygiène, ça pue… ». Par ailleurs, les auteures de crimes et de délits sont « mélangées » en cellules, où il y a aussi « des malades mentales ». « Il y a des bagarres. Ce n’est pas un endroit pour les enfants », dit-elle. « La dernière fois, j’ai tapé un enfant parce qu’il était en train de jouer avec le robinet », reconnaît-elle. « L’éducation n’est pas facile au milieu de ces femmes ».

Pascaline rêve qu‘ »on trouve une place pour les enfants, que les mères purgent leur peine et qu’elles retrouvent leurs enfants après ». Et à défaut, qu’on donne à ces enfants « des jouets, du coton, un cadre spécial pour eux… » Car « c’est la femme qui est incarcérée, pas le bébé ! ». Le chanteur Freeman Tapily, star du reggae burkinabè et promoteur du festival « Un vent de liberté » qui organise des concerts au bénéfice des détenus, en convient à regret: « Les bébés qui ne sont pas censés être en prison y sont. La réalité est là. »

Il faudrait en tenir compte et adapter la nourriture et les médicaments pour les jeunes mamans, « mais dans la dotation ça n’existe pas! », déplore-t-il. Il relève que les conditions carcérales sont dures pour tout le monde. « On essaie de soigner, d’aider en apportant de la nourriture, des savons, des médicaments, des draps moustiquaires… » Mais à l’extérieur de la prison, « il y a les mêmes problèmes », souligne-t-il. « Nous sommes un Etat pauvre. »

D.C avec AFP

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