Quand Paris se rêve en alternative à la City

octobre 12, 2016 9:08, Last Updated: octobre 12, 2016 9:08
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Si la capitale française est encore incapable de rivaliser avec Londres, l’exécutif et les acteurs économiques multiplient les signes de bienvenue aux banques et aux sociétés financières de la City.

«  La France redevient la cinquième économie mondiale », titrait lundi 4 octobre le Financial Times. Plus qu’un éloge à la nation tricolore, l’en-tête sonnait comme un avertissement adressé au Royaume-Uni et à sa Première ministre, Theresa May. Partisane d’un « hard Brexit », la Première ministre a annoncé sa volonté de garder une liberté maximale de commercer au sein de l’UE tout en gardant le contrôle de ses frontières. Une prise de position à rebours de ce qu’attendait l’UE, qui demande au Royaume-Uni une ouverture des frontières en échange de l’accès au libre échange. Conséquence, la livre sterling a perdu 15% de sa valeur sur les marchés, et le PIB anglais passe derrière le PIB tricolore.

Suivant la volonté de sa Première ministre, le Royaume Uni amorcera sa sortie de l’UE dès le début 2017. Une opportunité saisie par l’exécutif français, qui accumule les signes amicaux envers les sociétés de la City depuis juillet. « Le Brexit va contribuer au développement des activités financières en Europe continentale. Paris et Francfort me paraissent être les deux places les mieux placées pour en bénéficier », déclarait récemment Jean Lemierre, président de BNP Paribas, dans une interview accordée au Monde.

Des obstacles culturels

De plusieurs points de vue, le cœur de la finance européenne ne bat pas à Paris. Le premier des arguments – et sans doute celui qui reste le plus facilement gravé dans les esprits, se trouve dans la suite de mesures impopulaires entreprises par les différents gouvernements et visant la finance. Depuis François Mitterrand, qui a nationalisé les banques à son arrivée au pouvoir en 1981, jusqu’à François Hollande – déclarant « mon ennemi, c’est la finance », en passant par la volonté de Jacques Chirac de taxer les transactions financières, l’image de la France est écornée pour les grandes compagnies, aussi bien en Europe qu’outre-Atlantique.

Ensuite, les capacités des infrastructures font défaut : la capitale française accueille actuellement 180 000 emplois dans la finance, soit un peu plus de la moitié de ceux que compte la City (350 000), et deux fois plus que Francfort. Finalement, l’Hexagone affiche une certaine rigidité sociale. D’après l’économiste Charles Wyplosz, « une des caractéristiques de la finance est la rapidité de réaction. Les impacts de la conjoncture sont puissants et, pour survivre, les entreprises de ce secteur doivent s’adapter en un clin d’œil. On embauche et on débauche du jour au lendemain. Difficile d’imaginer ceci au pays de la CGT ! »

Séduire 30 000 banquiers de la City

À court terme, il sera difficile de changer les cartes. Toutefois, l’exécutif entend prendre en charge certaines problématiques touchant les sociétés financières souhaitant se faire une place dans l’Hexagone. À cet effet, depuis juillet, politiques et différents acteurs économiques travaillent leur copie à destination des banquiers et fonds d’investissements. Pour l’instant, l’un des objectifs affichés à court terme : faire venir sur le sol français 30 000 banquiers, gestionnaires d’actifs et patrons de Fintech basés à Londres.

Manuel Valls a ainsi annoncé une baisse progressive de l’impôt sur les sociétés, avec la suppression dès cette année de la contribution exceptionnelle et la baisse progressive de 33,33% à 28% du taux normal d’impôt sur les sociétés. Une baisse de la fiscalité locale sur les entreprises serait à l’étude. L’exécutif compte ensuite étendre le régime des impatriés de cinq à huit ans. « La prime d’impatriation sera exonérée de taxe sur les salaires. Une mesure pour tous ceux qui veulent venir travailler, innover, créer des emplois en France », a annoncé Manuel Valls, répondant ainsi à une demande de longue date. Également, l’agrandissement du parc de bureaux : 900 000 mètres carrés supplémentaires devraient être créés entre Saint-Denis, La Défense et Boulogne, soit l’équivalent de 60 000 postes de travail.

Accueillir les start-up

Conjointement, Valérie Pécresse a annoncé une mise à niveau linguistique, nécessaire dans un pays où la langue de Shakespeare est loin d’égaler celle de Molière dans les usages : une hotline en anglais pour les investisseurs ainsi que des plans de formations en anglais et l’accroissement de l’offre de lycées internationaux en Île-de-France seront créés. Anne Hidalgo, de son côté, a mis en place le « Paris landing pack », à destination des start-up désireuses de s’implanter en territoire parisien, incluant locaux dans un incubateur de la capitale, solution de logements et accompagnement spécialisé.

Comme pour confirmer l’offensive amicale/commerciale sur la City, une délégation française menée par Axelle Lemaire, secrétaire d’État au Numérique et comprenant la BPI, l’AMF et l’ACPR posait récemment ses valises à Londres pour participer à des conférences et débats autour de la FinTech. Le but : vendre l’écosystème de la FinTech française. Si, d’un point de vue diplomatique, le cabinet de la secrétaire défend qu’il serait « inélégant de débarquer en criant : « Youpi le Brexit » », certaines langues s’encombrent moins des rondeurs d’usages. « Sans mettre nos gros sabots, il s’agit de rapatrier notamment ceux qui auront un problème de « passporting ». Or les Anglais vont très probablement perdre le passporting. Délocaliser une banque ou une salle de marché c’est compliqué, une start-up, ça se fait presque en quelques clics ! », affirme Alain Clot, président de l’association France FinTech.

 

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