La cheffe de la diplomatie française s’est attachée lundi à tuer dans l’œuf la polémique sur les raisons pour lesquelles le Maroc, actuellement en froid avec Paris, n’a pas saisi la proposition d’aide de la France après le séisme dévastateur survenu ce week-end.
Le gouvernement marocain a annoncé dimanche avoir accepté le soutien de quatre pays : l’Espagne, la Grande-Bretagne, le Qatar et les Émirats arabes unis. Lundi, Rabat n’avait toujours pas sollicité d’aide française, suscitant l’étonnement alors que le pays est reconnu pour son expérience en cas de catastrophe naturelle et que le président Emmanuel Macron a déclaré dimanche que la France était prête à intervenir « à la seconde » où les autorités marocaines le demanderaient.
Maroc: Catherine Colonna (@MinColonna), ministre de l’Europe et des Affaires étrangères annonce que la France va déployer 5 millions d’euros pour les ONG sur place pic.twitter.com/pg3D1P4Hqd
— BFMTV (@BFMTV) September 11, 2023
« C’est une mauvaise querelle, une querelle tout à fait déplacée », a déclaré la ministre Catherine Colonna, sur la chaîne BFMTV. « Le Maroc n’a refusé aucune aide, aucune proposition. Ce n’est pas comme ça qu’il faut présenter les choses », a-t-elle ajouté, martelant que « le Maroc est souverain ». Le pays « est seul en mesure de déterminer quels sont ses besoins et le rythme auquel il souhaite que des réponses soient apportées », a-t-elle ajouté.
L’épineux dossier du Sahara occidental
Pour Pierre Vermeren, historien et professeur à l’Université de la Sorbonne, il s’agit pourtant d’un « signe politique clair » d’un froid entre les deux pays. « Les Français ont l’habitude de travailler avec le Maroc », a-t-il déclaré à l’AFP, notant « la question de la langue ». « C’est évident que c’est plus facile pour des Français d’aller travailler au Maroc que pour des Britanniques voire pour des Espagnols en ce qui concerne le sud », poursuit-il.
Les relations entre le Maroc et la France, ancienne puissance coloniale, sont tendues depuis qu’Emmanuel Macron s’efforce de se rapprocher de l’Algérie – qui a rompu en 2021 ses relations diplomatiques avec Rabat, accusé d »actes hostiles ». Depuis des mois, il n’y a plus d’ambassadeur du Maroc en France. Et la visite du président français dans le royaume ne s’est toujours pas concrétisée.
Rabat s’impatiente également car Paris ne semble pas enclin à bouger les lignes sur l’épineux dossier du Sahara occidental. Pour le Maroc, le Sahara prend l’ascendant sur tout autre sujet. Rabat souhaite que la France reconnaisse la souveraineté marocaine sur le Sahara, à l’instar des États-Unis et de l’Espagne.
Sans présager de l’aide future qui pourrait être demandée quand des dizaines de milliers de personnes auront besoin de se reloger provisoirement, Pierre Vermeren voit par conséquent « un message » signalant que le Maroc préfère pour le moment « s’entourer de monarchies amies » plutôt que de se tourner vers la France qui entretient « de bonnes relations avec les Algériens » au « détriment » du Maroc. « On connait la diplomatie de Mohammed VI », poursuit Pierre Vermeren. « Il aime faire passer des messages, des coups de mentons clairs pour dire quand il est fâché ».
Sans nier les tensions bilatérales, Catherine Colonna a, elle, assuré que les relations étaient loin d’être rompues. Elle a fait savoir qu’Emmanuel Macron avait échangé « à de nombreuses reprises » au cours de l’été avec le roi Mohammed VI et que les deux pays travaillaient à trouver une date sur la visite du président français au Maroc.
5 millions d’euros pour aider les ONG
Elle a elle-même longuement échangé avec son homologue marocain dimanche. « Tous les contacts sont pris à tous les niveaux. Mettons ça (les tensions) de côté. Des gens souffrent. Des gens ont besoin d’aide », a insisté la ministre, en annonçant par ailleurs une aide de 5 millions d’euros pour aider les ONG actuellement « sur place ». Cette enveloppe est débloquée via les fonds de réserve du ministère des Affaires étrangères.
Au-delà des questions sur l’aide, cette tragédie qui a fait plus de 2100 morts et plus de 2400 blessés, selon un bilan provisoire, est une occasion pour Paris et Rabat de « reprendre langue », souligne Pierre Vermeren. Car « la brouille ne va pouvoir encore durer quatre ans ».
Autre possible facteur explicatif : les Marocains, qui ont déjà eu un tremblement en 2004, s’étaient « préparés de manière très sérieuse au suivant » et pourraient n’avoir pas immédiatement besoin de l’expertise française, avance le professeur.
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