Le Pass culture est un totem de la politique culturelle d’Emmanuel Macron. Après son lancement en 2017 et des phases d’expérimentations dans plusieurs départements, il a été généralisé en 2021 à tous les jeunes de 18 ans sur l’ensemble du territoire français, puis étendu, en 2022, aux jeunes âgés de 15 à 17 ans. Il a concerné 4,2 millions de bénéficiaires depuis sa création.
La Cour des Comptes a publié récemment le premier bilan du Pass culture concluant en un dispositif cher, aux effets limités et devant être réformé. Avec un coût de 244 millions d’euros en 2024, ses 166 salariés ont déménagé à deux pas des Champs Élysées, avec une masse salariale de 11,3 millions d’euros fin 2023, payée par le contribuable.
Alors que l’on demande aux Français de se serrer la ceinture avec une loi sur le Budget 2025 dont on attend des nouveaux impôts dans le pays déjà le plus taxé au monde, ces dépenses sont jugées trop lourdes et à l’efficacité limitée, par la première juridiction financière de l’ordre administratif.
La Cour des comptes publie son premier bilan
Classes populaires toujours éloignées de la culture, coût en hausse et diversité limitée des pratiques… Malgré sa large adoption par les 15-18 ans, le Pass culture, mesure voulue par le président Emmanuel Macron, doit être réformé, a estimé la Cour des comptes dans un rapport.
Si 84 % des jeunes de 18 ans utilisent le Pass culture – une enveloppe de 300 euros pour chacun dédiée aux activités culturelles – le dispositif « n’a pas totalement réussi à toucher les jeunes les plus éloignés de l’offre culturelle », a indiqué le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, en pointant que les barrières d’accès à la culture « ne sont pas seulement financières ».
Entre 42 % et 55 % des montants dépensés chaque trimestre concernent des achats de livres. Les mangas représentaient près de 40 % de ces achats au 3e trimestre 2021, ils représentaient début 2024 plus que 20 % des achats de livres. La littérature est, quant à elle, passée de 10 à 30 %.
Si les places de concert ou de cinéma sont également plébiscitées, « seuls 7 % des jeunes ont réservé en moyenne au moins une fois un spectacle vivant autre que musical (théâtre, danse, cirque, etc.) », relève la Cour.
Faute de « contrôles », 16 millions d’euros ont aussi bénéficié à des « escape games », s’est agacé Pierre Moscovici. À la suite d’une demande du ministère de la Culture, ces activités n’en bénéficient plus, a-t-il précisé.
Le coût et la gestion du Pass culture, aux frais du contribuable
La dépense budgétaire du Pass culture s’établissait à 93 millions d’euros en 2021 pour monter à 244 millions d’euros en 2024 – plus de 300 millions, si on inclut les montants versés aux établissements scolaires.
Il est financé par l’État, alors qu’il était prévu initialement un financement à 20 % par l’État et à 80 % par d’autres ressources privées. L’essentiel des produits du Pass culture est constitué des subventions reçues, à plus de 90 % du ministère de la Culture, les autres subventions provenant essentiellement du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse.
Les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 0,5 million d’euros en 2019 à plus de 20 millions d’euros en 2023 et sont constituées, pour l’essentiel, du poids de la masse salariale s’élevant à 166 employés.
La masse salariale atteint 11,3 millions d’euros fin 2023, soit 4,3 % des dépenses totales et s’explique en grande partie par les coûts de structure de la société qui ont, depuis 2019, augmenté de façon constante, selon la Cour des Comptes.
La société SAS Pass culture qui gère le dispositif vient de s’installer rue de la Boétie à deux pas des Champs-Élysées, pour un loyer de 1,2 million d’euros en 2023, soit une hausse de 151 % sur un an.
Un « indispensable recadrage budgétaire »
Un « recadrage budgétaire » est « indispensable » pour la Cour des Comptes, alors que la dépense budgétaire individuelle liée au pass est passée de 93 millions d’euros en 2021 à 244 millions d’euros en 2024, soit 2,6 fois plus. À ce montant s’ajoutent les 80 millions d’euros dédiés directement aux établissements scolaires.
Le Pass était aussi censé être pris en charge par des recettes issues du secteur privé. Or il est financé dans sa quasi-totalité par l’État – bien que géré par une société privée. Ce paradoxe exige une « remise à plat de la gouvernance » pour la Cour, pour permettre « un meilleur pilotage du dispositif » et « une meilleure information du Parlement et des citoyens ».
La Cour s’est néanmoins félicitée de la volonté annoncée par la ministre de la Culture démissionnaire, Rachida Dati, de réformer le Pass. La société SAS Pass culture, qui gère le dispositif, devrait également être transformée en opérateur de l’État, selon l’institution.
Rachida Dati veut une réforme profonde
La ministre de la Culture, Rachida Dati, souhaite en effet profondément réformer le Pass culture, dont le coût élevé et les effets sont très contestés par les acteurs du secteur.
Cinq ans après son introduction, la ministre propose d’en finir avec ce qui faisait l’originalité du dispositif : une subvention universelle de 300 euros pour tous les jeunes de 18 ans, à dépenser comme bon leur semble.
La ministre souhaite tout d’abord moduler la somme offerte aux jeunes. « Sans renoncer à l’universalité du dispositif, nous devons davantage assumer que le Pass culture a vocation à corriger des inégalités de destin », souligne-t-elle, en donnant « davantage aux jeunes de condition modeste, sans négliger les classes moyennes » peut-on lire dans une tribune au journal Le Monde en octobre.
Elle souhaite également en finir avec le libre-service qui permet aux jeunes de dépenser comme bon leur semble leur subvention. Une partie devra être consacrée aux réservations de spectacles vivants, largement boudés par les bénéficiaires, qui n’y consacrent que 1 % de leurs dépenses.
La situation est devenue intenable
« La messe est dite pour le Pass culture », juge pour l’AFP l’universitaire et économiste de la culture Jean-Michel Tobelem, qui y voit « un désaveu » du Président Macron.
« Beaucoup de gens n’ont pas voulu accepter l’idée que le Pass culture n’atteignait pas ses objectifs, jusqu’à ce que la situation devienne intenable » budgétairement, regrette-t-il. Il appelle à accompagner cette réforme d’un soutien aux acteurs comme les petites librairies, les MJC et l’éducation populaire.
Sociologue au Cerlis, spécialiste des pratiques culturelles des adolescents, Tomas Legon y voit lui aussi la fin de l’esprit original du Pass culture.
« Le Pass représentait une forme modeste d’innovation dans la politique culturelle » en laissant aux ados le choix de leurs pratiques. « Là, on revient à l’objectif classique depuis les années 1950 de la démocratisation culturelle, distinguant les bonnes pratiques des mauvaises et considérant qu’il y a des choses moins culturelles que d’autres », analyse-t-il.
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