Le passage en force de la réforme des retraites, dans une forme si édulcorée que son impact réel sur l’équilibre budgétaire du régime est une question qu’entoure beaucoup de fumée, n’était justifié que par un objectif : convaincre les agences de notation internationales de la possibilité de réformer en France, en dépassant le mécontentement populaire et les désaccords politiques. Il fallait « donner l’image » d’un exécutif ferme et capable de mettre en œuvre et de faire accepter des changements structurels importants pour réduire son déficit et ainsi — pensait-on — garder une bonne capacité d’emprunt sur les marchés internationaux.
Cependant, « l’impasse politique et les mouvements sociaux (parfois violents) constituent un risque pour le programme de réformes de M. Macron et pourraient créer des pressions en faveur d’une politique fiscale plus expansionniste ou d’une annulation des réformes précédentes », écrit Fitch. L’agence considère par ailleurs que l’utilisation du 49-3 pourrait « renforcer les forces radicales et anti-gouvernementales. » Enfin, Fitch rappelle que les équilibres budgétaires de la France sont plus fragiles que ceux de pays comparables et que sa situation se résume à « des déficits budgétaires relativement importants et des progrès modestes en matière d’assainissement budgétaire ».
Si la France était une famille, elle serait, sur la question de la gestion de son budget, assez proche de la caricature d’un ménage se plaignant d’avoir du mal à boucler les fins de mois tout en roulant dans un gros SUV, habillé de vêtements de marque aux logos voyants. Cette famille est endettée, mais veut continuer à sauver les apparences en privilégiant les satisfactions de court-terme. Le chef de famille, par exemple, ne voit pas pourquoi il faudrait revendre le SUV et perdre la face devant les collègues au travail. Il se demande constamment s’il ne va pas faire partie de la prochaine vague de licenciements et doit gérer des adolescents compliqués, qui suivent comme des zombies les tendances des réseaux sociaux et leurs injonctions à la consommation.
Si la réforme des retraites était un épisode de la vie de cette famille qui enchaîne les crédits à la consommation, ce serait celui dans lequel le père vient de rencontrer son banquier. Sévère, ce dernier a pointé un doigt professoral vers lui. Les dépenses de la famille ne peuvent continuer à ce rythme, il ne pourra continuer à emprunter que s’il assainit sa gestion. Le père a donc longuement réfléchi, puis a parlé pendant le repas un soir, à 20h, devant toute la famille pour expliquer combien elle est belle et forte, et le besoin que chacun fasse des efforts. Dans le détail, il a indiqué qu’on allait garder le SUV, mais qu’il faudrait acheter moins souvent des baskets à la mode et des téléphones portables, aller moins souvent au fast-food ou chez l’esthéticienne.
Voilà d’un coup tout le monde qui crie dans la cuisine ; on s’empare des casseroles. « Papa, démission ! »… même les voisins entendent le tintamarre. Le père tape du poing sur la table, ce qui est décidé est décidé et il se moque de ce qu’on en pense. Le bureau de maman reste ouvert si on veut discuter. Il part avec un air fâché, considérant avec un peu de satisfaction qu’il a dignement fait son travail de chef de famille. Plus tard dans la soirée, parlant avec son épouse, il suggérera de passer à autre chose, d’annoncer un beau programme de printemps, cent jours pour aller mieux. Si on allait à Disneyland ? Madame serre les dents car elle n’a pas apprécié la façon dont Monsieur l’a traitée devant les enfants.
Quelques jours après, le banquier annonce dans un courriel laconique qu’il ne consentira plus de nouveaux prêts au même taux. Sur les réseaux sociaux, il a vu que la famille préparait un week-end dans un parc d’attraction, que le père a pris un nouveau selfie devant son SUV et que les enfants se moquent de lui.
Voici peut-être une transposition à peine exagérée du processus qui a mené à la baisse de notation de la France par l’agence Fitch, ce vendredi 28 avril. Réforme des retraites, 49-3, casseroles, cent jours… Peut-être pourrait-on tout résumer à une conséquence de l’habitude de « donner l’image de » : celle du volontarisme, celle de l’autorité, celle du sérieux, celle de la capacité d’écoute, mais qui ressemble trop à une technique pour convainque le banquier… et garder le SUV.
Le grand risque pour notre pays est maintenant que l’agence Standard&Poor’s, la plus importante, suive l’avis de Fitch lors de son prochain point d’étape le 2 juin. Alors que l’Allemagne reste notée AAA, Emmanuel Macron aurait alors fait le grand chelem de perdre sur le plan des réformes comme sur celui de l’opinion tout en diminuant la capacité de la France à se financer. Ce n’est pas encore la Grèce, mais une direction comparable. Si le SUV familial est le train de vie de l’État et le gaspillage de fonds publics, la meilleure façon de convaincre des adolescents râleurs est peut-être de leur montrer l’exemple en faisant, le premier, plus d’efforts.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.