Les pays baltes quittent le bloc dirigé par la Chine malgré les représailles de Pékin

Par Alex Wu
17 août 2022 17:53 Mis à jour: 17 août 2022 17:55

Après le départ, en mai 2021, de la Lituanie du « format 17+1 » créé par la Chine avec 17 pays d’Europe centrale, la Lettonie et l’Estonie ont annoncé la semaine dernière qu’elles quittaient également ce bloc.

Les experts soulignent que le départ des pays baltes du « format 17+1 » dirigé par Pékin est un coup dur pour la stratégie européenne du régime chinois.

Le forum de coopération 17+1 (initialement 16+1), également connu sous le nom de Coopération entre la Chine et les pays d’Europe centrale et orientale (Chine-PECO), a été lancé en 2012. Ce forum, qui se réunit une fois l’an, est un mécanisme de rencontres entre Pékin et 17 pays d’Europe centrale et orientale. À part la Grèce, tous les autres pays d’Europe ont vécu sous un régime communiste et ont conservé d’une façon ou d’une autre des traces de ces régimes – il leur est donc relativement plus facile de se conformer aux « spécificités » du partenariat avec l’État-parti chinois.

La Lituanie, qui a quitté l’année dernière ce produit de l’initiative diplomatique de Pékin, a appelé les autres pays à lui emboîter le pas et à renforcer leurs relations avec l’Union européenne afin de former une union robuste fondée sur des valeurs similaires. Depuis lors, la Lituanie a développé ses relations avec Taïwan (République de Chine). Ce fait a suscité la colère et les représailles économiques de Pékin.

Le hall du bureau de représentation de Taïwan à Vilnius, en Lituanie. Taipei a annoncé le 18 novembre 2021 qu’elle avait officiellement ouvert une ambassade de facto en Lituanie en utilisant le nom de Taïwan – un départ diplomatique important qui a défié une campagne de pression de Pékin. (PETRAS MALUKAS/AFP via Getty Images)

Le 11 août, la Lettonie et l’Estonie ont publié leurs propres déclarations sur leur départ du bloc dirigé par Pékin.

« Compte tenu des priorités actuelles de la politique étrangère et commerciale lettone, la Lettonie a décidé de cesser sa participation dans la structure de coopération entre les pays d’Europe centrale et orientale et la Chine », a déclaré le ministère letton des Affaires étrangères.

« [La Lettonie] continuera à s’efforcer d’entretenir des relations constructives et pragmatiques avec la Chine, tant au niveau bilatéral que dans le cadre de la coopération entre l’UE et la Chine, sur la base des avantages mutuels, du respect du droit international, des droits de l’homme et de l’ordre international fondé sur des règles. »

Dans une déclaration similaire, le ministère estonien des Affaires étrangères a annoncé qu’il « continuerait à œuvrer en faveur de relations constructives et pragmatiques avec la Chine, ce qui implique de faire progresser les relations UE-Chine en accord avec le respect de l’ordre international fondé sur des règles et des valeurs telles que les droits de l’homme ».

« L’Estonie n’a participé à aucune des réunions du bloc après le sommet de février dernier », peut-on lire dans cette déclaration.

La décision fait suite aux sanctions imposées par le régime chinois à la vice-ministre lituanienne qui s’est rendue à Taïwan le 7 août.

On estime que les relations internationales de plus en plus agressives de la Chine et son soutien à la Russie à la suite de l’invasion russe en Ukraine sont les causes directes de la prise de distance des deux pays baltes avec le régime chinois.

Prendre position malgré les représailles

Après la visite à Taïwan de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, qui a suscité la colère de Pékin, la Chine a effectué des exercices militaires de plusieurs jours dans les airs et en mer autour de Taïwan. Dans le même temps, des fonctionnaires du ministère lituanien des Transports et des Communications, dont la vice-ministre Agnė Vaiciukevičiūtė, se sont rendus à Taïwan.

Cette visite a été considérée comme une preuve de soutien à la fois à Taïwan et à la visite de Mme Pelosi. En réponse, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin, a qualifié la visite de « violation délibérée de la souveraineté de la Chine ». Le régime chinois a suspendu sa coopération avec la Lituanie et a imposé des sanctions à Mme Vaiciukevičiūtė.

Par rapport au départ des pays baltes du forum 17+1, Li Muyang, commentateur de l’actualité, basé aux États-Unis, a expliqué dans le talk-show « News Insight » de NTD, que « c’est un coup dur pour le régime chinois, en particulier pour sa poussée du programme ‘Belt and Road Initiative’ en Eurasie ». Le Parti communiste chinois (PCC) a initialement fortement appuyé le « mécanisme de coopération Chine-Europe centrale et orientale 17+1… principalement pour promouvoir la BRI en Eurasie », a-t-il ajouté.

Lancé en 2013 par le dirigeant chinois Xi Jinping, le titanesque projet controversé « Belt and Road Initiative – BRI » (initiative Ceinture et Route), souvent qualifié de « nouvelle route de la soie », vise à renforcer l’influence géopolitique de la Chine dans le monde entier en se reliant aux marchés d’Asie, d’Afrique, d’Europe, d’Océanie et d’Amérique latine par le biais d’investissements dans diverses infrastructures de transports, d’énergie et de télécommunications. Cette initiative a été souvent critiquée pour avoir créé des pièges de la dette pour les pays participants, ainsi que des accusations d’espionnage et d’infiltration.

Des conteneurs au quai VII du terminal maritime de Trieste, en Italie, le 2 avril 2019. La ville historique de Trieste se prépare à ouvrir son nouveau port à la Chine, tandis que l’Italie devient le premier pays du G7 à adhérer au projet chinois « Belt and Road Initiative ». (Marco Di Lauro/Getty Images)

Li Muyang a aussi souligné que le retrait de la Lettonie et de l’Estonie du groupe 17+1 a une signification politique beaucoup plus importante que des objectifs pratiques : « Bien que ces deux pays soient petits, ils prennent position en montrant que la communauté internationale se réveille et ne peut plus tolérer l’agressivité et le vandalisme du PCC. »

Lee You-tan, un expert en affaires politiques de Taïwan, a affirmé à Radio Free Asia que le fait que les pays baltes quittent le bloc chinois est un très bon signe. Les efforts conjoints des trois pays baltes et de l’UE peuvent en effet faire échouer la tentative du PCC de diviser et de conquérir l’Europe, a-t-il souligné.

« Les dirigeants européens doivent savoir que l’apaisement n’apportera pas la paix, pas plus qu’il n’amènera les régimes voyous à respecter l’ordre international et les conventions relatives aux droits de l’homme. »

Le forum « 17+1 », dirigé par la Chine, est ainsi devenu « 14+1 ». Neuf des 27 pays de l’Union européenne en sont encore membres, à savoir la Bulgarie, la Croatie, la Grèce, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Les cinq autres membres sont l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie.

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