Selon le rapport publié le 4 octobre par le groupe d’experts Jamestown Foundation, au moins 103 organisations en Suède sont liées au « département de Travail du Front uni » du régime chinois – une agence du Parti communiste chinois (PCC) qui se livre à l’infiltration et à l’espionnage à l’étranger.
Le PCC s’appuie sur un vaste réseau d’organisations, groupes et individus, dont certains sont directement contrôlés par le comité central du département du Front uni, pour mettre en œuvre sa stratégie visant à promouvoir les intérêts du régime à l’étranger. Une partie importante de cette stratégie consiste à exercer une influence et un contrôle sur la diaspora chinoise et à promouvoir des récits favorables sur la Chine communiste.
Le rapport indique que des groupes et individus liés au Front uni auraient infiltré en Suède surtout les secteurs de la culture, des affaires, de la politique et de l’éducation.
Dans le domaine culturel, les organisations liées au Front uni « promeuvent la version de la culture chinoise approuvée par le PCC par le biais d’événements et d’échanges avec la Suède » afin « d’approfondir les liens culturels tout en alignant subtilement les opinions suédoises sur les vues du Parti ».
Les experts citent quelques événements culturels importants comme exemples de l’infiltration de l’État-parti chinois. Il s’agit notamment de la Nuit culturelle chinoise 2023 dans le cadre de la Nuit culturelle annuelle de Stockholm, que l’Association culturelle Chine-Europe et l’Association des artistes chinois en Suède ont organisée en collaboration avec plus de 100 musées, théâtres, galeries, bibliothèques et institutions culturelles.
Sur le plan économique, les organisations liées au Front uni aident les entreprises suédoises à établir des liens avec les institutions du régime chinois afin de « servir l’objectif à long terme du PCC d’intégrer les économies étrangères à celle de [la Chine], d’accroître son influence sur l’économie politique de la Suède », explique le rapport.
Ces organisations ont également aidé le régime chinois à transférer des technologies occidentales. Les experts donnent l’exemple du directeur de l’Association des entrepreneurs Suède-Chine et du Centre d’innovation de l’Europe du Nord, ainsi que du vice-président du Centre international de transfert de technologie Chine-Suède, qui ont œuvré ensemble pour faire venir des entreprises suédoises à Shenzhen et dans d’autres villes de Chine. Ces efforts servent la « stratégie plus large du PCC consistant à utiliser pleinement les Chinois d’outre-mer pour attirer des fonds, des technologies et des équipements » dans le cadre de son objectif de « modernisation », indique le rapport.
Les groupes du Front uni promeuvent également en Suède les récits de l’État-parti chinois en agissant comme représentants de la communauté chinoise. Ces groupes « présentent une voix unie et agissent en tant que représentants de la communauté chinoise au sens large » pour « aligner l’opinion publique suédoise » sur la propagande de Pékin, « en façonnant les opinions sur des questions d’une importance cruciale pour le Parti ».
Le rapport montre, par exemple, qu’en août 2022, après la visite à Taïwan de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, 20 organisations chinoises en Suède ont publié une déclaration commune « exprimant une forte indignation et une condamnation sévère » de cette visite. Ces organisations ont également tenu des événements visant à promouvoir l’« unification pacifique » de Taïwan prônée par le régime chinois.
Le rapport cite également un article de presse suédoise identifiant 233 agents de Pékin « dans toute l’Europe qui sont liés au système de front uni du Parti communiste chinois, ce qui met en lumière l’étendue de l’influence du Parti à l’étranger ».
La Suède a été le premier pays occidental à établir des relations diplomatiques avec Pékin après la prise de contrôle de la Chine continentale par les communistes de Mao. Elle a été également le premier pays à signer avec Pékin un accord bilatéral de protection des investissements à la suite du lancement de la politique économique de « réforme et d’ouverture » en Chine.
En avril dernier, Chen Xuefei, patron de l’Association culturelle Chine-Europe, a été expulsé par le gouvernement suédois en étant accusé de représenter une menace importante pour la sécurité nationale de la Suède. M. Chen était également à la tête de Green Post – un média en langue chinoise en Suède. Selon le radiodiffuseur suédois SVT, la plupart des articles de Green Post reflétaient le contenu des médias d’État chinois.
D’après SVT, les services de sécurité suédois ont découvert que Chen Xuefei aurait coopéré avec un agent des services de renseignement chinois et aurait eu des contacts avec l’ambassade de Chine ainsi qu’avec des personnes qui œuvraient en Suède pour le compte du régime communiste chinois.
Cibles du Front uni
En ce qui concerne l’ampleur de l’infiltration en Occident de l’État-parti chinois par le biais des activités de son département du Front uni, Chen Shih-min, professeur de sciences politiques à l’université nationale de Taïwan, a expliqué à Epoch Times que Pékin « profite de la société démocratique, libérale et pluraliste de l’Occident » pour infiltrer et influencer avec sa rhétorique l’opinion publique.
Tzeng Yisuo, chercheur associé à l’institut taïwanais de recherche sur la défense et la sécurité nationales, a fait remarquer à Epoch Times que quiconque ne suit pas la ligne directrice du Parti est une cible pour le Front uni.
« Les entreprises privées en Chine continentale sont toutes la cible du Front uni. Bien entendu, les pays démocratiques sont également sa cible », a-t-il affirmé. « Il y a beaucoup de Chinois dans ces pays démocratiques. Dans l’esprit du PCC, ces immigrés et expatriés chinois lui appartiennent et sont soumis au contrôle de Pékin. »
« Le PCC peut rallier et recruter certains Chinois d’outre-mer pour aider le Front uni dans son travail. Ainsi, la partie infiltration des efforts du Front uni complète sa collecte de renseignements. »
Selon M. Tzeng, Pékin utilise certains échanges culturels, universitaires et commerciaux pour les activités de Front uni et de renseignement.
« Par exemple, la Suède, comme de nombreux pays européens, considère la Chine continentale en tant que son plus grand marché commercial en Asie. Le PCC peut donc utiliser les opportunités commerciales pour mener des activités du Front uni, tout en recueillant des renseignements, et en s’infiltrant », a-t-il précisé.
Contre-mesures
Chen Shih-min a mis également en garde que les instituts Confucius se livrent à une infiltration culturelle très délibérée dans le cadre du Front uni et que « certains groupes économiques et chambres de commerce se livrent à des activités évidentes pour le compte du Front uni ».
« Si les gouvernements occidentaux peuvent trouver des liens entre ces entités et le PCC, cela devient bien sûr une question juridique, car ils s’ingèrent dans les affaires intérieures des pays occidentaux, détruisent les valeurs démocratiques et la liberté de ces pays », a-t-il dit. « Mais le problème est qu’il n’est pas toujours facile de trouver ces preuves. »
Selon M. Tzeng, la principale contre-mesure à l’infiltration du régime chinois par le biais du Front uni consiste à cultiver la prise de conscience et la vigilance.
« Si tout le monde est conscient de cela, il sera possible de réduire et d’affaiblir les effets de l’infiltration du PCC et de la rendre inutile », a-t-il indiqué, soulignant que « l’économie du PCC ne peut pas se rétablir rapidement » car la Chine est actuellement confrontée à des pressions économiques considérables.
Il a suggéré que si tous les pays « enquêtent et bloquent systématiquement tout cela, avertissent leur population à ce sujet et laissent le monde entier le connaître, ceci garantira que les efforts d’infiltration du PCC sont vains et que le PCC gaspille ses propres ressources ».
« Je pense qu’il s’agit d’une contre-mesure efficace », a ajouté M. Tzeng.
Chen Shih-min s’est dit d’accord, considérant que « le plus important est le fait que les pays occidentaux ont commencé à être vigilants au cours des dix dernières années ».
Il a cité les États-Unis en exemple. « Ils préfèrent embaucher davantage de professeurs de chinois de Taïwan pour enseigner le chinois en Amérique, car ils savent que nombre de ceux qui viennent de Chine continentale pour enseigner le chinois poursuivent les objectifs politiques du PCC, les objectifs du Front uni », a-t-il noté. « Les États-Unis ne veulent pas de cela. »
Epoch Times a contacté pour des commentaires l’Association culturelle Chine-Europe, l’Association des artistes chinois et l’Association des entrepreneurs Suède-Chine, mais n’a pas reçu de réponse à l’heure de la publication de cet article.
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