GENÈVE – «Une forme systématique de traitement inhumain et dégradant», c’est en ces termes que le docteur Manfred Nowak, le rapporteur spécial des Nations unies, décrit ce qu’il considère comme l’usage «répandu» de la torture en République populaire de Chine (RPC). Dr Nowak s’est adressé au Conseil des droits de l’homme de l’ONU le 20 septembre 2006. Son exposé se trouvait parmi plusieurs autres, jetant lumière sur le dossier épouvantable des droits de l’homme en RPC, lors des troisième et quatrième jours de la deuxième session du Conseil.
«Je crois que la pratique de la torture, bien qu’en diminution – particulièrement dans les zones urbaines – demeure répandue en Chine», a expliqué Dr Nowak, dont le mandat englobe la torture et autres punitions ou traitements dégradants et inhumains.
«J’étais particulièrement préoccupé par la pratique persistante de la rééducation forcée de personnes aux opinions dissidentes ou non conformistes, qui vise à transformer leur personnalité et à casser leur volonté par la rééducation spéciale dans les camps de travaux [forcés], dans les prisons ordinaires et même dans les centres de détention avant-procès», a poursuivi Nowak.
Dans sa réplique à Dr Nowak, le représentant chinois Sha Zukang a dit que le gouvernement chinois avait fait tout son possible pour aider Nowak et a affirmé vouloir «continuer à coopérer» avec les organismes des droits de l’homme de l’ONU.
Toutefois, Dr Nowak indique dans son rapport que durant sa visite en Chine, un certain nombre de membres des familles des victimes, avocats et défenseurs des droits de la personne ont été intimidés par des agents gouvernementaux. Ils ont été placés sous surveillance policière, se sont fait dire de ne pas le rencontrer ou ont été empêchés physiquement de se présenter aux rendez-vous.
Un des avocats spécialiste des droits de l’homme avec qui Nowak a pu obtenir un entretien, Gao Zhisheng, est présentement en détention pour des allégations d’«activités criminelles» non précisées. Il n’a pas encore été formellement accusé.
La pratique des prélèvements d’organes exposée
Dans un discours au Conseil le 21 septembre, l’ex-parlementaire canadien David Kilgour a résumé les découvertes de son récent rapport concernant les allégations de prélèvements d’organes sur des personnes innocentes en Chine. Il a corédigé le rapport avec l’avocat canadien spécialiste des droits de l’homme David Matas.
«C’est un terrible scandale, un nouveau crime contre l’humanité, et ça doit cesser», a-t-il commenté dans une entrevue.
«Ça doit certainement cesser avant les Jeux olympiques et si ça n’arrête pas avant les Jeux, je crois que beaucoup de gens, et j’espère que beaucoup de gouvernements et d’athlètes, décideront qu’ils ne peuvent simplement pas aller dans un pays qui tue des êtres humains qui n’ont rien fait de mal et qui croient [aux principes de] vérité, compassion et tolérance», a-t-il déclaré.
Exerçant son droit de réplique, le représentant chinois s’en est pris verbalement au mouvement Falun Gong et a tenté de discréditer les trouvailles du rapport en soulevant la question de l’hôpital de Sujiatun.
Sujiatun a d’abord été identifié par un journaliste chinois dissident comme un camp de concentration où des organes étaient prélevés sans le consentement des individus. Plus tard, la femme d’un chirurgien a confirmé l’histoire en racontant que son mari prélevait les cornées de pratiquants de Falun Gong toujours en vie.
Sujiatun a été visité par des diplomates américains deux semaines après que les allégations de prélèvements d’organes aient été rendues publiques. Il s’agissait d’un tour guidé par les autorités chinoises. Les diplomates n’ont rien trouvé d’anormal.
Des porte-parole du Falun Gong et d’autres experts ont décrit le site comme un village de Potemkin. Ils ont souligné la longue période de temps qui avait été disponible pour dissimuler toutes les preuves et l’historique de la Chine de procéder de cette manière.
Pour ne pas dépendre de Sujiatun, MM. Kilgour et Matas ont expressément évité d’utiliser un seul point central comme preuve dans l’argumentaire du rapport. Le rapport souligne plutôt les multiples hôpitaux à l’intérieur de la Chine impliqués dans les prélèvements d’organes. Il affirme que plus de 40 000 organes semblent provenir de sources inexpliquées.
«Ils [les autorités chinoises] ont réagi à notre rapport avec absolument rien en terme de substance», indique Me Kilgour.
«À ce jour, ils ont eu deux mois pour tenter de trouver quelque chose d’erroné dans le rapport […] ils ont trouvé deux choses : deux villes citées étaient dans les mauvaises provinces dans notre rapport, alors nous considérons qu’ils n’ont pas pu trouver de fausseté dans notre rapport.»
Aucune des multiples répliques de Pékin aux allégations du rapport Kilgour-Matas ne semblent contrer directement les preuves présentées par les deux experts. La réponse officielle du régime attaque plutôt les deux hommes personnellement et questionne leur indépendance.
«De manière singulière, je présume qu’ils approuvent non intentionnellement notre rapport comme étant juste», ajoute Me Kilgour.
Des victimes de torture s’expriment
Plusieurs victimes de persécution aux mains du Parti communiste chinois (PCC) ont aussi parlé durant les troisième et quatrième jours. Lors d’une session parallèle de l’ONU commanditée par Interfaith International et le Transnational Radical Party, un couple de pratiquants de Falun Gong a raconté les tortures subies en Chine. Ils ont tous deux passé plus de cinq ans en prison et dans des camps de travaux forcés, avant de trouver asile en Norvège via la Thaïlande.
«Une fois, ils m’ont forcé à lire du matériel de propagande qui diffamait le Falun Gong. J’ai refusé. Alors plusieurs policiers se sont rués sur moi, ont retenu mes bras derrière mon dos, ont pris une matraque électrique et ont commencé à me frapper la tête», a raconté Li Jianhui, 49 ans, décrivant un des multiples abus qu’il a subis en détention.
Homme d’affaires important en 1999, M. Li a été un des premiers pratiquants de Falun Gong à être amené devant les tribunaux, mais à cette époque le système judiciaire ne savait pas vraiment de quoi l’accuser.
«En cour, j’ai demandé au procureur de soumettre des preuves que j’avais commis un quelconque crime, explique M. Li. À cela, le procureur a répondu : “Nous savons que nous n’avons pas de preuve. Si nous en avions, les choses ne seraient pas ainsi” […] Ils ignoraient toutes les lois.» En 2000, il a été condamné à quatre ans de prison.
Dai Ying, la femme de Li, a raconté qu’elle passait dix-sept heures par jour à coudre des souliers en cuir destinés à l’exportation aux États-Unis et en Europe, lorsqu’elle était dans un camp de travail. Dans sa présentation, elle a rappelé un aspect différent de son incarcération : des examens physiques très élaborés n’ayant aucune raison apparente.
«Nous ne savions pas pourquoi seulement les pratiquants de Falun Gong étaient examinés, mais nous savions une chose : ce n’était pas fait par souci de notre état de santé», a-t-elle spécifié. Apparemment, les non-pratiquants n’étaient pas examinés de cette manière. Après que les allégations de prélèvements d’organes aient fait surface au printemps dernier, Mme Dai a commencé à penser qu’elle avait peut-être été considérée comme une source potentielle d’organes.
Le couple a ensuite participé à la mise sur pied de la Coalition européenne pour enquêter sur la persécution du Falun Gong, invitant les organisations internationales, les agences gouvernementales et les médias à s’y joindre «dans le but d’envoyer une délégation en Chine pour recueillir toutes les preuves nécessaires et pour faire lumière sur la persécution du Falun Gong, y compris les camps de concentration».
Enquête indépendante cruciale
Sharon Hom, directrice de Human Rights in China (HRIC), qui assistait également au Conseil des droits de l’homme, tente d’exercer des pressions depuis des années pour obtenir ce genre d’accès en Chine.
«Je crois que la chose la plus importante sur laquelle nous devons faire pression, pas seulement pour les prélèvements d’organes, mais pour toutes les violations, [c’est] de faire en sorte que les enquêteurs indépendants puissent entrer en Chine, et c’est de cette manière que nous pourrons savoir ce qui s’y passe vraiment», dit-elle. «C’est ce sur quoi nous devons insister, parce que nous ne pouvons pas simplement leur permettre de fermer la porte.»
Au quatrième jour du Conseil, le 21 septembre, Amnistie internationale a publié sa propre perspective de la situation des droits de l’homme en Chine, dans un rapport soulignant les prochains Jeux olympiques de Pékin en 2008.
«Les graves atteintes aux droits humains qui continuent d’être signalées chaque jour dans tout le pays contredisent les promesses que le gouvernement chinois a faites lorsqu’il défendait sa candidature pour les Jeux olympiques», a déclaré dans un communiqué de presse Catherine Baber, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.
«L’état actuel des choses va à l’encontre de l’esprit des Jeux olympiques, dont l’élément fondateur est le respect de la dignité humaine.»
Me Kilgour, d’un optimisme prudent, croit que les olympiques pourraient être un outil puissant pour changer la situation.
«Je crois que le momentum augmente. Je pense que si nous utilisons tous Internet pour envoyer des milliers de courriels, nous atteindrons le point décisif où le gouvernement chinois devra comprendre que s’il ne met pas fin aux terribles [prélèvements d’organes], ces Jeux olympiques pourraient être affectés. C’est là le point crucial, et nous devons en prendre avantage, nous devons faire pression, pousser et faire pression tous ensemble.»
Jing Xie de NTDTV à Genève a contribué à ce reportage.
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