Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017, qui se tient du 7 au 15 octobre, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.
Les épandages de pesticides sur les cultures inquiètent de plus en plus les riverains. Le cas de plusieurs enfants présentant des signes d’intoxication après l’application de pesticides sur des vignes à proximité de leur école à Villeneuve-de-Blaye (Gironde), en 2014, avait alerté les autorités sanitaires. La justice vient cependant de décider l’abandon des poursuites contre les exploitants des vignobles concernés. En réaction, quelque 150 personnes ont défilé au cours d’une marche blanche à Listrac-Médoc, le 8 octobre, pour dénoncer le « déni de la dangerosité des pesticides » et réclamer une législation adaptée.
Habiter à proximité des champs entraîne un risque d’exposition plus élevé aux substances chimiques utilisées en agriculture. Or il a été suggéré, dans un contexte d’exposition dans le cadre professionnel, que certaines ont des effets toxiques pour le système nerveux, que ceux-ci soient aigus – autrement dit que les symptômes se manifestent immédiatement – ou chroniques, c’est-à-dire persistants dans le temps. Par ailleurs, le gouvernement français a publié l’été dernier une liste des pesticides susceptibles de contenir des perturbateurs endocriniens. Ce terme désigne des molécules pouvant affecter notre santé en interférant avec notre système hormonal.
Qui est exposé à quoi, à quel moment et dans quelle proportion ? Les chercheurs ont imaginé des méthodes originales pour se procurer ces informations. Celles-ci seront précieuses, si l’on veut réussir à mieux protéger les riverains des exploitations agricoles, et en particulier les enfants.
De nombreux pesticides persistent dans nos environnements
Il est établi que l’ensemble de la population est exposé aux pesticides. Des résidus de ces substances sont en effet présents autour de nous, quelque soit l’endroit où nous vivons : dans les milieux aquatiques, l’air et les sols, ainsi que dans les maisons. Parmi les molécules retrouvées, certaines sont d’ailleurs interdites en usage agricole depuis de nombreuses années. Mais elles persistent dans l’environnement.
Les traitements des champs ne sont pas la seule source de cette contamination. Les pesticides sont également utilisés par les particuliers pour lutter contre les insectes dans leur logement ou pour désherber leurs allées, en médecine humaine et vétérinaire, par exemple contre les puces des chats ou des chiens, ou bien par les collectivités, par exemple dans les jardins publics.
Cependant, les poussières analysées à l’intérieur des habitations proches des zones agricoles sont contaminées en pesticides à des niveaux plus élevés que les autres.
Lors de l’épandage, les molécules pesticides en suspension dans l’air peuvent en effet dériver en dehors des cultures. En fonction des conditions météorologiques, elles peuvent même parcourir des distances importantes, jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres. La contamination des zones habitées peut aussi se produire plusieurs semaines après l’application. En effet, les pesticides restés dans les eaux et les sols peuvent se volatiliser et se retrouver à nouveau dans l’air. Ce phénomène est notamment favorisé par des températures élevées.
Quels risques pour la santé des enfants ?
Le lien entre l’exposition chronique aux pesticides et la santé des populations a fait l’objet de nombreuses recherches à travers le monde. Ainsi, les enfants qui ont été exposés aux pesticides pendant la grossesse de la mère seraient plus à risque de développer une leucémie.
Une grande partie de ces données, cependant, concerne des enfants dont les parents sont particulièrement au contact de pesticides, soit de par leur profession, soit à travers l’usage domestique d’insecticides. Le cas des femmes enceintes vivant à proximité des champs a été moins étudié, car on peine encore à mesurer les effets d’une telle exposition à l’échelle d’un individu en population générale. Cela s’explique parce qu’il s’agit d’une exposition au long cours caractérisée par des doses faibles.
Pour aller plus loin, mon travail de thèse réalisé à l’Institut de recherche en santé, environnement et travail de l’Inserm s’est saisi de nouvelles données. La cohorte nationale Elfe, inédite par son ampleur, permet de suivre plus de 18 000 enfants nés en France en 2011. Lancée par l’Ined et l’Inserm, elle vient de livrer ses premiers résultats.
Parmi les femmes enceintes de cette cohorte, plus de 4 000 ont accepté de réaliser des tests sur les urines, le sang et les cheveux pour évaluer la présence dans leur organisme des polluants de l’environnement, dont les pesticides.
Mon travail de thèse s’intéressera à caractériser l’exposition environnementale aux pesticides de ces femmes et à identifier ses sources. Il sera réalisé grâce à différents outils de localisation géographique, de cartes d’occupation du territoire français, de questionnaires, de données d’enquêtes environnementales ainsi que d’études des agences françaises de surveillance de l’environnement et de sécurité sanitaire.
En recoupant l’ensemble de ces données, notre équipe pourra entre autres identifier, parmi les mères de la cohorte, celles qui sont des riveraines de champs où sont utilisés des pesticides ; et vérifier le lien qui pourrait exister entre leur exposition à certaines substances, et la santé de leurs enfants.
Des travaux similaires réalisés dans des régions agricoles de Californie ont précédemment mis en évidence un risque augmenté de malformations cardiaques et de troubles du spectre autistique ou de retard de développement chez l’enfant, en lien avec la proximité de l’habitation de la mère avec les cultures pendant sa grossesse.
L’avancée des connaissances doit permettre, à terme, de mieux mesurer le risque encouru par ceux qui habitent près des champs. Et partant, de mieux les en protéger.
Noriane Souleymane-Cognez, Doctorante en épidémiologie, université de Rennes 1, École des hautes études en santé publique (EHESP) – USPC
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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