L’été s’installe. C’est le moment idéal pour planifier une escapade. Vous avez hésité, tergiversé, voire plaidé avec votre famille, vos amis ou votre partenaire, mais, ça y est, vous savez où partir !
D’autant plus qu’aujourd’hui il suffit désormais d’un clic pour obtenir un vol que vous pensez être bon marché. Mais voilà : une fois le rituel de l’aéroport passé, assis plus ou moins confortablement dans l’aéronef, vous doutez. Et si, au final, vous n’aviez pas eu le meilleur tarif ? Vous n’avez pas tort : il y a en effet de fortes chances pour que votre voisin ait payé un tout autre prix pour son billet.
Pourquoi les compagnies aériennes discrimineraient ainsi les consommateurs ? Comment ? Qu’y gagnent-elles ? Bienvenue dans le monde de la discrimination par les prix.
Même produit, prix différent
La discrimination par les prix est une stratégie de tarification que les entreprises utilisent pour facturer différents prix aux consommateurs pour un produit ou service identique.
La justification réside dans la motivation de l’entreprise à vendre plus d’unités, et ainsi engranger plus de profits. En établissant différents prix pour les clients, elle est en mesure de saisir la part maximale de l’excédent de consommation disponible sur le marché.
Cette pratique, qui existe dans différentes industries, est plus courante que vous ne le pensez. En fait, la plupart des entreprises l’utilisent tout le temps. Si vous avez déjà rencontré des offres « deux pour le prix d’un », ou avez déjà eu affaire à des tarifs « étudiants », des coupons ou des bons de réduction… Alors vous avez déjà fait face à un système de discrimination par le prix.
Cette discrimination par les prix a été implémentée et développée avec le plus grand succès dans un large éventail de commerces de services, tels que le transport (vols, trains, Uber), le tourisme et l’hôtellerie (restaurants, hôtels, parcs d’attractions et de loisirs), la communication mobile ou même les services publics tels que la fourniture d’électricité.
En ce qui concerne les compagnies aériennes, ce nouveau « jeu » est apparu avec l’introduction du concept de compagnie aérienne à bas prix (dont les origines remontent aux années 1970 avec la fondation de la Pacific Southwest Airlines, pionnière dans ce domaine). Au milieu des années 1990, ce modèle est démultiplié par l’introduction des « peanut airlines » (littéralement « companies aériennes cacahuètes », à très faibles tarifs) : en Europe émergent alors Easyjet et Ryanair, tandis que l’Australie et la Nouvelle-Zélande voient apparaître leurs homologues. Au début des années 2000 leurs équivalents se mettront en place dans les pays asiatiques.
Mais quels sont donc les facteurs qui vont influencer le prix du billet d’avion que vous paierez ?
La clé, c’est le timing
Tout d’abord, tout dépend de la date à laquelle vous achetez votre billet.
Si vous l’achetez en mars pour un voyage qui a lieu au mois d’août, vous payerez un taux nettement inférieur par rapport à un même billet acheté à la dernière minute. Généralement, les personnes qui planifient leurs vacances bien à l’avance se préoccupent davantage du prix de leur billet que celles qui réservent leur vol au plus près de la date de départ.
Pour cibler à la fois ces deux catégories de consommateurs (ceux qui sont sensibles aux prix bas et ceux qui n’y attachent pas d’importance), les compagnies aériennes utilisent un mécanisme de tarification connu sous le nom de tarification inter-temporelle. Il s’agit d’une forme de discrimination par les prix particulièrement évidente parmi les compagnies aériennes à bas prix. Comme l’explique Air Asia,
« Vous voulez des tarifs abordables ? Réservez tôt. Si vous réservez vos billets en retard, c’est probablement que vous devez absolument voyager, et que cela ne vous dérange donc pas de payer un peu plus. »
Vous avez peut-être aussi vécu une situation frustrante lorsque le prix d’un billet d’avion (ou d’une réservation d’hôtel) change d’un jour à l’autre, ou même d’une heure à l’autre. Ces fluctuations se produisent parce que la compagnie aérienne veut attirer les consommateurs sensibles aux prix. Elle réserve donc un certain nombre de billets destinés à être vendus à des prix plus bas. À mesure que les vols commencent à se remplir, la compagnie aérienne augmente les prix des sièges restants.
Mieux vaut voyager un dimanche matin, à la mi-septembre
Le prix du billet d’avion dépend aussi des mois pendant lesquels vous voyagez. La plupart des gens ont des options limitées et décollent habituellement pendant les vacances scolaires. Pour ces personnes, prendre des vacances à la mi-septembre n’est pas une option envisageable. Sachant cela, les compagnies aériennes différencient périodes de pointe et les périodes hors pointe et chiffrent des tarifs différents. C’est ce qu’on appelle la tarification de pointe, qui consiste à facturer des prix plus élevés pendant les périodes de pointe.
Autre exemple d’application du prix de pointe : les modifications des tarifs selon le moment de la journée. Certains horaires de vol sont considérés comme « impopulaires », et la demande pour eux est plus faible. C’est par exemple le cas des vols qui partent le dimanche matin tôt. Les tarifs des vols retour du dimanche soir seront donc plus élevés que ceux du matin, simplement parce que la majorité des gens veulent profiter au maximum de leurs vacances ou de leur week-end et choisissent donc de prendre un vol plus tard.
Apprenez à profiter de la discrimination par les prix
Les compagnies aériennes utilisent également le « versioning ». Dans cette forme de discrimination par les prix, différents tarifs sont appliqués en fonction de la qualité du service de transport fourni. Plusieurs versions du même billet sont donc disponibles pour les clients. La version correspondant à la plus haute qualité est plus chère, mais offre au voyageur des options telles que la flexibilité, qui permet de modifier les dates de vol, voire des possibilités d’annuler le billet sans frais de pénalité. À l’inverse, les options des versions basse qualité sont « restreintes ». Par ailleurs, certains billets versions qui sont considérées comme des versions « endommagées » : c’est par exemple le cas d’un billet d’avion nécessitant une escale le samedi soir.
Outre ces différents niveaux de qualité, les compagnies aériennes à bas prix comme Easyjet ou Ryanair facturent également des suppléments. Ceux-ci donnent accès au choix des places ou permettent d’embarquer des bagages en soute. Autre exemple de « versioning » : le voyage en classe affaires. Le prix du billet est plus cher que celui de la classe économique, car les passagers bénéficient d’un service de haute qualité, de plus d’espace, de repas sains, ainsi que d’une attention personnalisée du personnel.
Enfin, les compagnies aériennes appliquent des tarifs de billets d’avion différents via les rabais de quantité et les programmes de fidélisation des voyageurs. Ryan Air fournit par exemple un devis personnalisé à la demande pour les personnes qui voyagent en grand groupes, tandis que Wizz Air offre la possibilité de rejoindre le Wizz Discount Club, qui ouvre l’accès à des programmes de fidélisation dont les options sont adaptées aux besoins spécifiques des passagers voyageant en couple ou en groupe (jusqu’à 5 personnes). Si vous prévoyez un voyage cet été, que ce soit seul·e, avec une autre personne, avec un groupe d’amis ou en famille, gardez ces points à l’esprit afin d’obtenir la meilleure offre possible lors de la réservation de votre billet d’avion.
Car si, comme toutes les autres entreprises, les compagnies aériennes cherchent à augmenter leurs ventes via des politiques de prix différenciée, il n’y a aucune raison que vous n’en tiriez pas avantage. La discrimination par les prix n’est pas nécessairement une pratique négative, et les consommateurs peuvent clairement en profiter. Certains vont même encore plus loin et utilisent des sites web spécifiques tels que SecretFlying ou HolidayPirates pour profiter des erreurs commises par les entreprises utilisant la discrimination par les prix.
Jovana Stanisljevic, Professor in International Business, Department POS, Grenoble École de Management (GEM)
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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