Pétition C8 : un élan populaire record, avec en toile de fond le pluralisme des médias

Par Ludovic Genin
18 novembre 2024 07:36 Mis à jour: 19 novembre 2024 23:34

En juillet, l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, signait la disparition de C8 sur la TNT. En annonçant la suppression de la chaîne du groupe Canal +, l’organisme fondait sa décision sur « l’intérêt de chaque projet pour le public au regard de l’impératif prioritaire de pluralisme ».

En ne retenant pas C8, qui réalise les meilleurs scores d’audience de la TNT, notamment grâce à l’émission TPMP de Cyril Hanouna, le régulateur de l’audiovisuel français envoyait un signal inquiétant pour le pluralisme des médias en France.

La semaine dernière, dans l’attente de la décision du Conseil d’État, une pétition de soutien à C8 a soulevé un élan populaire avec plus de 775.000 signatures en quelques jours. « Chaque jour, plus de 9,6 millions de téléspectateurs cumulés regardent les émissions de C8. C8 est la première chaîne de la TNT à laquelle le public est profondément attaché » peut-on lire sur la pétition.

Plus de 230.000 commentaires sous la pétition – du jamais vu -, montrent l’attachement d’un grand nombre de Français au maintien de leur chaîne de divertissement, dénonçant une censure et une atteinte « honteuse » à la liberté d’expression.

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La mission initiale de l’Arcom : défendre le pluralisme des médias

Les missions de l’Arcom, dont le président est nommé par Emmanuel Macron, ont été instituées par la loi de 1986 visant à garantir la liberté de communication. La liberté de la communication audiovisuelle au public est alors définie comme étant la clé de voûte du régulateur.

Cette liberté est garantie sous réserve « de respecter un certain nombre de grands principes forts de la République française tels que la dignité de la personne humaine, la liberté et la propriété d’autrui, le pluralisme ou encore la protection de l’enfance et de l’adolescence, l’ordre public ».

Sur le site du régulateur de l’audiovisuel, on peut lire que le « pluralisme politique est un principe important dans notre société. C’est même l’un des fondements de la démocratie », insistant que le fait de veiller au respect de ce pluralisme est une de ses missions.

Quand la pluralité des opinions est menacée par l’organisme censée la protéger

À trois mois de la fin programmée de la fréquence C8, Cyril Hanouna, son animateur vedette, est monté au front devant la justice pour contester cette décision.

Deux nouveaux venus ont en effet été préférés à C8 et NRJ12 : OFTV (groupe Ouest France) qui ne sera probablement pas prêt avant plusieurs mois et à effectif réduit et RéelsTV du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, nouveau magnat des médias en France.

Lors de la première manche dans l’après-midi du 15 novembre devant le Conseil d’État, le rapporteur public a estimé qu’il était trop tôt pour un tel recours de C8, la sélection des chaînes par l’Arcom n’étant pas définitive.

Le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative, doit rendre sa décision à ce sujet cette semaine. S’il suit les conclusions du rapporteur public, il rejettera la requête de C8, en estimant qu’elle n’est pas recevable puisqu’elle arrive avant la décision finale de l’Arcom attendue début décembre. « La jurisprudence est solidement établie » depuis une trentaine d’années, a ainsi justifié le rapporteur public.

C8 avait saisi la justice, en invoquant une situation « particulière au regard des enjeux économiques, sociaux et concurrentiels engendrés » pour une chaîne existant « depuis près de 20 ans ».

La vision d’un futur où le pluralisme des opinions disparaîtrait 

Le Sénat s’est déchiré il y a un mois sur le dossier du pluralisme médiatique, la droite s’opposant frontalement à l’extension des pouvoirs de contrôle du régulateur de l’audiovisuel (Arcom), aux côtés du gouvernement qui a promis un projet de loi sur l’indépendance des médias dans les prochains mois.

Une proposition de loi proposée par les socialistes, visant à « renforcer l’indépendance des médias », a suscité de vifs débats dans la chambre haute, par les pouvoirs de censure accrus qu’elle donnerait au régulateur de l’audiovisuel.

Au cœur des discussions, l’extension du pouvoir de contrôle de l’Arcom en matière de pluralisme des chaînes : la gauche souhaitait ainsi sanctuariser dans la loi une décision du Conseil d’État de février 2024, qui impose au régulateur d’élargir son contrôle de la « diversité des courants de pensée » à tous les invités des émissions, et non pas uniquement les personnalités politiques présentes en plateau – ce qui correspond à un fichage politique généralisé des médias, sous le giron d’une autorité administrative, proche du pouvoir.

La mesure, ainsi qu’un autre dispositif renforçant les sanctions à la disposition de l’Arcom, a entraîné une levée de boucliers de la droite, qui a obtenu leur suppression. Le sénateur LR Max Brisson a ainsi épinglé « une intention cachée » par la gauche de « cibler le groupe Canal+ » à travers ce « coup politique ». « Vous redéfinissez la liberté d’expression autour d’une espèce de vérité absolue, qui nie la spécificité de la presse d’opinion », a prolongé son collègue LR Olivier Paccaud.

« On va décompter la blague de droite, la blague de gauche… C’est quand même assez inquiétant de vouloir attribuer des étiquettes aux uns et aux autres », a également insisté Pierre-Jean Verzelen (Horizons).

La majorité sénatoriale s’est également opposée à la mise en place, proposée par la gauche, d’un « droit d’agrément » des journalistes pour leur directeur de rédaction, permettant aux rédactions de s’opposer à certains profils. « À ce rythme-là, il n’y aura plus aucun investisseur dans la presse écrite », a alerté le centriste Michel Laugier, craignant une « entrave au droit d’entreprendre ».

Ces propositions interviennent quelques semaines après l’aboutissement des États généraux de l’information (EGI), lancés il y a un an par le président de la République Emmanuel Macron, et dont les conclusions veulent institutionnaliser la labellisation de tous les médias sur internet, grâce à la puissance des GAFAMs et par des organismes proches du pouvoir.

Rachida Dati avait même promis de « s’appuyer sur les travaux de l’ensemble des parlementaires » en vue d’un prochain texte issu des conclusions des EGI. « Mes services ont commencé la rédaction d’un projet de loi », a prévenu la ministre, estimant que son examen ne pourrait pas démarrer « avant le début d’année 2025 » compte tenu de l’agenda parlementaire.

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« La liberté d’expression a en France un organisme de contrôle »

Des figures des médias du groupe Canal + ont exprimé leur indignation suite de la décision de l’Arcom de ne pas renouveler la fréquence TNT de C8 en 2025.

« La liberté d’expression a en France un organisme de contrôle », a déploré sur X Pascal Praud, animateur de l’Heure des pros sur CNews, apportant son soutien aux 300 salariés de la chaîne « plongés dans l’incertitude ».

Laurence Ferrari, à la tête de Punchline sur Cnews, a dénoncé une « décision brutale ». « L’esprit de C8 saura rebondir ». Le chroniqueur Eric Naulleau, habitué de C8 et CNews, a aussi dénoncé l’application par l’Arcom d’un « programme de censure politique et d’atteinte à la liberté d’expression ».

Le directeur général de Canal+ France, Gérald-Brice Viret, a dénoncé une forme de « mépris pour le public », à la suite de la décision de l’Arcom. « Comment peut-on comprendre cette décision inédite dans l’histoire de la TNT vis-à-vis d’une chaîne qui a participé de sa popularité ? » s’est-il interrogé.

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