Grève massive des pharmacies en France, des milliers de manifestants dans la rue

Par Epoch Times avec AFP
30 mai 2024 18:54 Mis à jour: 30 mai 2024 19:00

C’est la première grande grève des pharmaciens depuis dix ans : plus de 18.000 pharmacies sur les 20.000 présentes en France ont baissé le rideau jeudi. Une grève massive d’une profession en colère contre les pénuries persistantes de médicaments, les fermetures d’officines, une rémunération insuffisante et un risque de dérégulation de la vente en ligne.

Au total, 30.000 personnes sont descendues dans la rue sur l’ensemble du territoire, selon l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo) et la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).

C’est six fois plus que lors de la dernière grande mobilisation de 2014 pour cette profession qui a exprimé largement sa lassitude face aux pénuries qui lui fait perdre « beaucoup de temps » et fait baisser les rémunérations. « Médicaments en pénurie, patients à l’agonie » ou « Pour continuer à soigner votre crève, on fait grève », pouvait-on lire sur des pancartes du cortège parisien parti de la faculté de pharmacie pour rejoindre le ministère de l’Économie.

« Nous ne sommes pas là pour nos tiroirs de caisse mais pour nos patients », clame Berthe Gokoyo, pharmacienne à Arnouville (Val-d’Oise) qui défile dans la capitale. Puis elle s’agace: « la France produit des médicaments. Que les laboratoires servent d’abord la France ! »

Ce mouvement rassemble tous les représentants de la profession : syndicats, groupements de pharmaciens, étudiants. La grève n’est pas une tradition chez les pharmaciens, la dernière d’ampleur remonte à dix ans. Dans de nombreux lieux, seules resteront ouvertes les officines réquisitionnées par la préfecture pour assurer la permanence pharmaceutique obligatoire. Beaucoup de pharmacies ont prévenu leur clientèle par mail, écrans ou affiches collées dans les vitrines.

Se battre « tous les jours pour obtenir des médicaments »

La mobilisation en province a aussi été très forte. « Il y a un mois, une pharmacie a encore fermé à Limoges. On atteint un point de non-retour, la situation de la profession est tout simplement dramatique », assure Marion Lemaire, coprésidente du syndicat des pharmaciens de la Haute-Vienne, qui a défilé avec quelque 400 personnes, à Limoges.

Isabelle Pailler exerce à Bellac (Haute-Vienne) depuis 30 ans. Elle raconte à l’AFP perdre « une énergie folle chaque jour à tenter de trouver des médicaments » qui font défaut. « On doit interrompre le traitement de diabétiques parce qu’il nous manque un injectable, le Trulicity. On passe une heure trente à deux heures par jour, avec mon équipe, à appeler les médecins, le CHU, les laboratoires ! »

Dans les Bouches-du-Rhône, 650 pharmacies sont restées portes closes, dont 330 rien qu’à Marseille, soit 95% des établissements selon le président de l’ordre des pharmaciens du département, Stéphane Pichon.

Parmi le millier de pharmaciens rassemblés sur la place devant la préfecture des Bouches-du-Rhône à Marseille, Laurence Reignier, est usée de se battre « tous les jours pour obtenir des médicaments pour les patients », avec « l’impression d’être des marchands de tapis. »

« La disparition des pharmacies », vente en ligne

« L’inquiétude principale, c’est la disparition des pharmacies », fragilisées économiquement à la campagne et parfois en ville, indique à l’AFP Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Selon la profession, la France a perdu près de 2.000 officines en dix ans (pour 20.000 officines sur le territoire actuellement).

Outre l’aspect financier, la profession s’inquiète aussi, comme en 2014, d’une possible volonté de simplifier la vente en ligne de médicaments sans ordonnance. « Tous les éléments sont là pour tuer le réseau » d’officines -qui emploient 130.000 personnes au total-, alerte Pierre-Olivier Variot, président de l’Uspo.

(Photo MAGALI COHEN/Hans Lucas/AFP via Getty Images)

« Il faut raison garder », a déclaré de son côté à l’AFP le député Renaissance Marc Ferracci. Il y a bien « une réflexion pour savoir s’il est pertinent ou non d’assouplir » les règles de vente en ligne des médicaments sans ordonnance, confirme-t-il, mais sans « remettre en question le principe du monopole » des officines.

Plusieurs syndicats de pharmaciens refusent catégoriquement « les stocks déportés » à un endroit autre que l’officine. Ils craignent de voir le géant de la vente en ligne américain Amazon débarquer un jour sur ce terrain. « Il ne s’agit pas d’ouvrir quoi que ce soit à la grande distribution ni de mettre des médicaments sur Amazon. Cela n’a aucun sens », assure M. Ferracci, qui veut mettre fin aux « spéculations » qui ont animé la presse spécialisée ces dernières semaines.

« Une volonté de marquer le coup »

Les syndicats réclament aussi une revalorisation de leur rémunération dès 2025, faisant valoir l’inflation qui pèse sur les charges. Les dernières propositions de l’Assurance maladie dans le cadre des négociations conventionnelles entamées fin 2023 sont jugées « insuffisantes ». Les représentants seront convoqués le 5 juin pour une « réunion conclusive » avec l’Assurance maladie, selon M. Besset.

Des manifestations sont prévues jeudi « un peu partout en province, notamment dans les villes universitaires » avec des « points de ralliement devant la préfecture, l’Agence régionale de santé (ARS) ou la CPAM », indique Jérôme Koenig, directeur général de l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo).

Des bus seront affrétés de Rouen pour rejoindre une manifestation à Paris, point d’orgue de la mobilisation avec un cortège qui partira à 15h30 de la faculté de pharmacie pour rejoindre le ministère de l’Économie. Jérôme Koenig souligne « une volonté de marquer le coup, comme en 2014 », date de la précédente grande mobilisation des apothicaires.

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