L’écrivain américain Philip Roth, auteur d’une trentaine d’ouvrages parmi lesquels plusieurs monuments de la littérature contemporaine, souvent cité pour un Nobel qu’il n’a toutefois pas obtenu, est mort mardi à 85 ans. Andrew Wylie, l’agent littéraire de Philip Roth, a confirmé les informations du New Yorker et du New York Times annonçant son décès. Selon lui, l’écrivain est mort d’insuffisance cardiaque congestive.
« C’était un homme de vérité », a déclaré une amie de l’écrivain, Judith Thurman, « en état de choc ». Observateur lucide de la société américaine et de ses travers, Philip Roth, petit-fils d’immigrés juifs d’Europe de l’Est, était né le 19 mars 1933 dans un quartier juif de Newark (New Jersey). Après avoir publié 31 ouvrages et deux ans après son dernier roman « Nemesis », ce géant de la littérature moderne avait annoncé en 2012 qu’il cessait d’écrire.
Ses œuvres, récits provocateurs des mœurs de la petite bourgeoisie juive américaine, satires politiques, réflexions sur le poids de l’Histoire ou sur le vieillissement, sont presque toujours entre autobiographie et fiction. Régulièrement donné favori pour le Nobel de littérature, le prix lui a toujours échappé. « C’était devenu un gag pour lui », selon la journaliste française Josyane Savigneau qui lui rendait régulièrement visite.
Il avait obtenu de multiples autres récompenses, Pulitzer en 1998 pour « Pastorale américaine », National Book Award en 1960 pour « Goodbye, Columbus » et en 1995 pour « Le Théâtre de Sabbath » et avait eu en France l’honneur d’entrer de son vivant dans la collection de la Pléiade l’an dernier. « Il était vraiment content », selon Mme Savigneau.
C’est « Portnoy et son complexe » qui l’a révélé au grand public en 1969. Le livre fait scandale pour ses descriptions sexuelles très crues et sa façon d’aborder la judaïté. Ces deux thèmes resteront très présents dans la majeure partie de son oeuvre. Il sera plusieurs fois publiquement critiqué par des figures du judaïsme pour ses écrits sur la judaïté. « Je n’écris pas en tant que juif, j’écris en tant qu’Américain », disait-il.
Il est notamment l’auteur de « La Tache » (2000) qui dénonce une Amérique puritaine et renfermée sur elle-même ou « Pastorale américaine » (1997) sur les ravages de la guerre du Vietnam dans la conscience nationale. Peu attiré par les mondanités et les interviews, c’était un observateur avisé de la vie politique américaine.
« Le complot contre l’Amérique » (2004) imaginait le destin d’une famille juive de Newark si les Etats-Unis avaient élu l’aviateur Charles Lindbergh, aux sympathies pro-nazies, plutôt que de réélire Franklin D. Roosevelt en 1940. Beaucoup y ont vu des correspondances avec l’élection de Donald Trump mais Philip Roth était sorti de sa retraite fin janvier pour balayer toute analogie, écrivant au New Yorker que Lindbergh était « un grand héros » tandis que Trump utilise « un vocabulaire de 77 morts ».
Son style acéré et sarcastique aura marqué plusieurs générations de lecteurs, ainsi que sa propension à mêler fiction et réalité, appuyant beaucoup de ses romans sur sa propre expérience. Il évoquait ainsi régulièrement dans ses livres le quartier de Weequahic, à Newark, où il a grandi, avant que des émeutes raciales en 1967 ne transforment radicalement la ville, vidée d’une bonne partie de ses habitants blancs. Selon Mme Thurman, après avoir arrêté d’écrire Philip Roth passait son temps libre à lire, nager et rencontrer des amis. Sans enfant, il partageait sa vie entre Manhattan et le Connecticut,
« C’était un tel perfectionniste, quand il a senti sa puissance baisser, il a voulu partir tant qu’il était au sommet et il l’a fait », a-t-elle dit. « Kaddish (prière funéraire juive) pour Philip Roth, le grand romancier américain de notre monde d’après-guerre », a tweeté le scénariste David Simon (« The Wire » et « Treme » notamment). L’auteur a expliqué avoir rencontré l’écrivain il y a quelques mois seulement pour discuter d’une adaptation télévisée de son roman « Le complot contre l’Amérique ».
« A 85 ans, il était plus précis et pertinent, plus affûté intellectuellement et spirituel que n’importe qui, quel que soit son âge », a-t-il ajouté. « Quel esprit merveilleux et rigoureux. »
DC avec AFP
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