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Philippe Juvin : « L’augmentation inappropriée des impôts et des taxes va appauvrir le pays »

octobre 30, 2024 17:26, Last Updated: octobre 30, 2024 17:26
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ENTRETIEN – Le député Droite républicaine (DR) des Hauts-de-Seine, membre de la commission des Finances, Philippe Juvin revient pour Epoch Times sur le projet de loi de finances 2025.

Epoch Times – Le Budget 2025 est toujours en cours d’examen à l’Assemblée nationale. Quel regard portez-vous sur le texte ? Est-il équilibré ? Penche-t-il trop du côté des hausses d’impôts ou de la baisse des dépenses publiques ?

Philippe Juvin – D’abord, ce budget a été construit dans des circonstances très particulières, à savoir en très peu de temps. Si on ne garde pas cet élément à l’esprit, on ne peut pas comprendre les défauts dont il souffre. Par ailleurs, il doit répondre à une situation extrêmement préoccupante de déficit qui continue de se creuser.

Le Haut Conseil des Finances Publiques a déclaré que ce texte a été construit avec un effort structurel de 42 milliards, dont 70 % était porté par une augmentation des prélèvements obligatoires, soit 30 milliards, et 30 % seulement par une réduction des dépenses, soit une baisse de 12 milliards d’euros.

Pour ma part, je crois que le plus important est de faire porter l’effort sur la baisse des dépenses plutôt que d’augmenter les impôts.

Les députés ont adopté vendredi dernier un amendement de La France insoumise visant à créer un nouvel impôt sur le patrimoine des milliardaires. Quelques jours auparavant, c’est un amendement sur la pérennisation de la contribution sur les hauts revenus qui a été voté. Quelle est votre analyse ?

Nous sommes déjà champions du monde des impôts et des taxes ! Nous devons donc, non pas augmenter encore plus les prélèvements, mais réduire les dépenses.

Ce budget est avant tout une question d’état d’esprit : si notre dette s’est établie à 3300 milliards d’euros, ce n’est pas parce que nous ne travaillons pas assez, mais parce que nous dépensons trop.

Avec leurs amendements, les députés La France insoumise ne vont qu’augmenter la pression fiscale, probablement continuer à détruire des emplois et faire partir les plus riches.

À l’époque où l’impôt sur la fortune était encore en vigueur, on a estimé à 10.000 le nombre de personnes qui se sont exilées. Elles se sont mises brutalement à ne plus payer l’impôt sur le revenu sur le territoire français, et ces départs ont fait perdre à l’État 45 milliards d’euros.

Donc, l’augmentation inappropriée des impôts et des taxes va appauvrir le pays.

Votre groupe va-t-il continuer à soutenir le gouvernement si le budget final contient trop de hausses d’impôts ?

Nous l’avons dit au Premier ministre, et même rappelé en séance à l’Assemblée : nous souhaitons mettre l’accent sur la baisse des dépenses. C’est la raison pour laquelle nous allons proposer une baisse massive de ces dernières. D’ailleurs, l’une des difficultés du projet de loi de finances, c’est qu’il se vote en deux fois de manière indépendante : d’abord, nous examinons et votons la partie « recettes », c’est-à-dire les prélèvements, ce que nous faisons actuellement, et ensuite la partie « dépenses ».

Autrement dit, si vous choisissez, par exemple, de baisser un impôt, et de l’équilibrer par une baisse des dépenses, malheureusement, cette baisse n’intervient que quelques semaines plus tard. Nous devons faire face à cette difficulté logistique…

Mais je vous confirme que notre objectif est d’arriver à élaborer un budget contenant plus de baisses que d’augmentations de prélèvements.

Dans une tribune publiée chez nos confrères du Figaro vous prônez notamment « la suppression de multiples organismes coûteux ». Pourquoi ces organismes sont-ils si nombreux ? Et pourquoi n’y a-t-il pas de volonté de les supprimer ?

En France, nous vouons un véritable culte à tout ce qui touche à l’administratif, la norme, et aux organismes (comités, sous-comités, commission, sous-commissions, etc.).

Avec les années, tous ces « machins » se sont empilés. Aujourd’hui, plus de 90 milliards d’euros sont injectés dans environ 400 opérateurs de l’État, dont certains sont inutiles ou ne servent que de rentes pour les recasés de la République.

Cela étant, je pense qu’il y en a quand même qui sont utiles. Il faut donc en supprimer, et voir ensuite ce qui fonctionne ou dysfonctionne.

Concernant le manque de courage, je dirai que les gens sont attachés à la structure à laquelle ils appartiennent, et quelle que soit la bonne volonté, c’est un travers très humain.

Cependant, je note que nous avons un ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, qui est déterminé. J’attends d’ailleurs avec impatience son plan de simplification.

Malheureusement, je ne peux que regretter que le gouvernement ait annoncé il y a quelques jours la création d’un nouvel observatoire pour vérifier que les assureurs restent dans les territoires sinistrés…

Pour moi, les choses sont simples : nous devons supprimer tous ces « machins » et demander à l’administration de référence d’assumer ses missions. Cela nous permettra de réaliser des économies et de simplifier la vie des Français.

Les députés ont rejeté à l’unanimité en commission, le Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Pour vous, faut-il réduire les dépenses de la Sécurité sociale ?

En tout cas, la question se pose. Je vais vous donner un exemple : les dépenses publiques de lutte contre le chômage en France représentaient en 2021 183 milliards d’euros, trois fois plus qu’en Italie qui a pourtant le même taux de chômage que nous. Il y a un vrai travail de chasse à la dépense inutile à effectuer, que ce soit à l’hôpital ou dans les strates administratives.

Par exemple en Île-de-France, il y a 22 organismes qui vous dictent une norme ou une recommandation que vous devez suivre pour pouvoir construire des bureaux. Au sein de la ville de Paris, il y a quasiment autant de fonctionnaires que dans toutes les institutions européennes réunies !

Même au niveau local, il y a un travail à faire : dans les communes, un comptable tient à jour les finances de la ville, mais derrière, vous avez un comptable national payé par l’État qui refait exactement les mêmes comptes.

Ce sont des sources considérables d’hyper dépenses voire de gabegie. Et c’est à cette gabegie que je veux que l’on s’attaque.

Selon vous « la réduction du déficit est d’abord une question d’état d’esprit : pas plus d’impôts, juste moins de dépenses, et des dépenses utiles ». Pourriez-vous développer ? Les gouvernements de droite, de gauche ou du centre sont tous uniquement focalisés sur les hausses d’impôts ?

En effet, nous sommes collectivement accros à la dépense publique. À chaque difficulté que rencontre la société, on considère qu’il faut à la fois une loi et une dépense supplémentaire.

On ne pense jamais à solutionner un problème en réorganisant les pouvoirs publics ou en donnant de la liberté aux gens. À mon sens, c’est un vieux travers jacobin qui veut que tout soit décidé à Paris. Raymond Aron disait que les sociétés prospères sont celles qui permettent aux potentialités des individus de s’exprimer.

Je crois beaucoup à ce principe. Vous verrez, si nous donnons plus de liberté aux individus, ils s’en serviront pour être plus actifs et probablement moins coûteux.

Vous employez un discours assez libéral. Mais le libéralisme n’a jamais rencontré un grand succès en France…

Peu importe. Je ne me sens pas obligé d’applaudir avec la foule. Je pense que nous mourrons d’une gangue administrative et réglementaire. Et si nous n’acceptons pas au moins ce diagnostic, nous allons finir comme la Grèce : le Fonds monétaire international va arriver et imposer au pays un certain nombre de mesures qu’il n’aura pas voulu prendre.

Je suis pour une France souveraine, une France dont les politiques ne sont pas dictées par des impératifs venus d’ailleurs.

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