ENTRETIEN – La « gestion catastrophique » que laisse derrière lui Bruno Le Maire, selon les termes employés en privé par le nouveau Premier ministre, pousserait Michel Barnier à réfléchir à une nouvelle hausse d’impôts. Philippe Murer, économiste et cofondateur du Mouvement Politique Citoyen, dresse le bilan des « années Bruno », puis réagit à l’annonce de cette mesure fiscale. Il revient également sur la procédure de destitution d’Emmanuel Macron initiée par les Insoumis, le rétablissement des frontières nationales en Allemagne, et l’appel d’Hillary Clinton à poursuivre en justice les Américains qui partagent de la « désinformation ».
Epoch Times : Bruno Le Maire a quitté les fonctions qu’il occupait à la tête du ministère de l’Économie depuis le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Quel bilan tirez-vous de ses sept années au gouvernement ?
Philippe Murer : Ce gouvernement avait comme ligne de vie une politique économique de l’offre : favoriser, aider les entreprises privées à coup de baisses d’impôts, de subventions et de réduction des régulations pour qu’elles puissent développer leur activité économique. Sept ans plus tard, le résultat est sans appel, avec un record de faillites d’entreprises sur un an glissant, selon la Banque de France, plus haut même que lors de la grande crise de 2008 : 61.000 entreprises ont fait faillite en un an !
Que l’on regarde n’importe quel indicateur, rien ne fonctionne : productivité du travail en baisse de 5% (du jamais vu), croissance du PIB quasi nulle chaque année (moins de 1% en moyenne), augmentation de la pauvreté, effondrement des services publics, hausse de 1000 milliards de dette publique en plus, doublement du déficit public à 5,5% du PIB.
Le bilan économique des années Le Maire et Macron est un véritable désastre.
Selon Le Parisien, Michel Barnier envisage une hausse des impôts afin de réduire le déficit public, une option étudiée par le Premier ministre alors que Bruxelles a engagé une procédure pour déficit excessif contre la France qui, pour éviter une amende, doit le réduire de 14 à 20 milliards d’euros par an. Dans un contexte où aucune mesure n’est proposée pour enrayer la fraude sociale, dont le coût est estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros, n’est-il pas surprenant qu’un membre des Républicains propose en premier lieu pareille mesure ?
Évidemment, la fraude sociale qui coûte, selon l’excellent livre de Charles Prats, 50 milliards d’euros devrait être menée prioritairement pour réduire sans douleur le déficit public. La fraude fiscale, plus difficile à combattre dans l’Europe des paradis fiscaux, recèle aussi de larges gisements d’argent avec des fraudes au carrousel de TVA qui coûtent par exemple 10 milliards d’euros par an au budget de l’État.
Hormis ces deux mesures d’ailleurs insuffisantes, réduire le déficit public est devenu quasiment impossible, sauf à changer radicalement de modèle économique. La France comme tous les grands pays européens est dans une impasse : soit elle réduit son déficit budgétaire et déclenche une récession majeure et longue, soit elle poursuit avec une croissance anémique et augmente encore son déficit budgétaire, ce qui risque de précipiter une crise financière et économique très grave. C’est un échec et mat au modèle de l’Union européenne : un mélange de néolibéralisme et de capitalisme financiarisé et mondialisé.
Le bureau de l’Assemblée a jugé recevable la proposition de destitution d’Emmanuel Macron portée par les Insoumis. Est-ce pour vous « une grande nouvelle », comme s’en est réjoui Jean-Luc Mélenchon, ou plutôt une « manœuvre d’enfumage » de LFI « pour tenter de faire oublier ses multiples compromissions avec la macronie », comme l’a dénoncé Marine Le Pen ?
C’est une bonne nouvelle que ce tabou soit levé. Emmanuel Macron a fait trop de mal à la France et ses crimes comme la violence d’État contre de pauvres Français moyens, les gilets jaunes, ont été largement impunis. Le RN se serait grandi à pousser Macron à la démission en empêchant la formation de tout gouvernement contraire à son programme ou en appuyant cette procédure de destitution.
Il y a évidemment une part de théâtre dans cette action de Jean-Luc Mélenchon alors qu’il s’est allié avec Macron dans un prétendu « front républicain » aux élections législatives. Mais peu importe : La France insoumise, devenue un parti agressif, sectaire et extrémiste, n’a plus aucune chance de gagner des élections. Une large majorité de Français déteste le personnage Mélenchon et la traînée de politiciens caricaturaux voire violents qui le suivent.
En Europe, l’actualité récente a été marquée par la décision de l’Allemagne de rétablir des contrôles à toutes ses frontières dans le cadre de sa lutte contre l’immigration illégale. Du côté de Reconquête, cette décision a été encensée comme une mesure figurant dans leur programme, censé éviter une sortie de l’UE pour obtenir des résultats plus rapidement : « Protéger ses frontières soi-même en attendant que l’Europe soit capable de protéger efficacement ses frontières extérieures ». Qu’en pensez-vous ?
La coalition au pouvoir en Allemagne a subi deux défaites retentissantes en Thuringe et en Saxe à cause du rejet des flux d’immigration, et en redoute d’autres à l’avenir. C’est la raison de l’annonce du rétablissement des contrôles aux frontières allemandes. Cependant, ces contrôles seront limités dans le temps et l’ampleur, comme le prévoient les directives européennes. Qui peut croire qu’il ne s’agit pas d’un effet d’annonce alors que le gouvernement allemand vient d’annoncer un partenariat avec le Kenya pour faire venir 250.000 immigrés kényans dans les années à venir ?
À mon sens, nous sommes dans l’enfumage et la politique politicienne, malheureusement pour la population allemande. Coincés par l’impossibilité de réduire l’immigration à cause des directives et traités européens quasi irréformables, les politiques européens font mine de vouloir les réduire par des mesures tape à l’œil ; pendant ce temps, malgré les effets d’annonce, les flux d’immigration augmentent partout en Europe année après année.
Toujours en Allemagne, vous estimez qu’il existe actuellement « une débâcle industrielle dont on ne parle pas ».
La production industrielle de l’Allemagne dégringole depuis 2017 : la baisse est maintenant de 15% contre 1 à 4% dans les autres grands pays européens. La Chine taille des croupières à l’Allemagne dans certains domaines, l’énergie chère imposée par la politique de l’UE et les régulations de plus en plus tatillonnes et complexes aggravent le phénomène. La conséquence est que la croissance de l’Allemagne est de 0,1% par an depuis 2017.
L’Allemagne est dans l’impasse économique, tout comme la France, l’Italie et toute l’Union européenne. Hors immigration, l’Allemagne voit sa population autochtone diminuer de 250.000 personnes par an. Et qui dit baisse de la population dit moins de consommation et de croissance. L’équation est donc très complexe à résoudre pour l’Allemagne.
Aux États-Unis, Hillary Clinton a estimé hier qu’il faudrait poursuivre en justice les Américains qui partagent de la « désinformation », c’est-à-dire de la « propagande pro-Trump orchestrée par la Russie », explique Newsweek. Quelle réflexion de telles déclarations vous inspirent-elles ?
Les attaques contre la liberté d’expression sont de plus en plus nombreuses et brutales. Fermeture de Twitter au Brésil, règlement DSA en Europe, manifestants et internautes arrêtés au Royaume-Uni suite aux émeutes, attaques de la liberté d’expression par tout le camp démocrate aux États-Unis. La raison en est simple : en Occident notamment, les partis politiques de gouvernement sont discrédités par les très mauvais résultats de leur politique dans tous les domaines : économie, social, insécurité… Ces élites ne voulant pas renier une idéologie en échec, il ne leur reste donc comme solution que de faire taire les opposants pour éviter d’être débordés puis chassés du pouvoir. L’élite, et tout particulièrement l’élite progressiste, se raidit pour éviter cette conséquence fâcheuse pour elle. Ce sera aux peuples de décider s’il se laisse bâillonner ou s’il se bat pour sa liberté.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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