Philippines: la fabrique des « Miss »

24 février 2019 10:21 Mis à jour: 24 février 2019 13:04

Rodgil Flores jette un œil sévère sur sa petite troupe de jeunes femmes en bikini s’escrimant à prendre la pose dans l’un des studios tapissés de miroirs où se fabriquent les « Miss » de concours de beauté dont les Philippines se sont fait une spécialité.

Juchées sur 17 cm de talons, les apprenties reines de beauté se déhanchent sur de longues foulées, un exercice difficile mais essentiel pour pouvoir évoluer ainsi de manière naturelle le jour du concours. « Pour la couronne. Pour le pays », voilà la devise du studio Kagandahang Flores (Flores Beauté) que Rodgil Flores, 50 ans, a fondé en 1996. C’était le premier des « beauty boot camps » , « camps d’entraînement à la beauté »,  qui ont fleuri depuis aux Philippines.

Avec le couronnement en décembre 2018 comme Miss Univers de Miss Philippines, Catriona Gray, le pays a remporté ce titre pour la quatrième fois. CatrionaGray, comme Pia Alonzo Wurtzbach couronnée Miss Univers en 2015, s’étaient entraînées dans ce type de « camps ». Les concours de beauté sont extrêmement populaires dans l’archipel. Les plus de 100 millions d’habitants y voient l’occasion d’oublier un peu la pauvreté, les catastrophes naturelles et la corruption endémique qui affligent le pays.

Gagner un titre de Miss peut ouvrir tout grand les portes de la publicité, du cinéma ou des défilés de mode.

« La multiplication des camps d’entraînement a fait des Philippines une véritable usine à candidates pour les concours de beauté. Cela a permis d’élever le niveau d’entraînement », explique Rodgil Flores à l’AFP.  Les « camps » de Manille constituent une ligne de production efficace. Issues du circuit local des concours de beauté, les élèves y affinent leur savoir-faire pour viser plus haut.

La Miss Philippines 2019, Melba Ann Macasaet, âgée de 25 ans, a pris un congé sans solde de son travail de pharmacienne dans un service public pour venir chez Rodgil Flores. Il lui a fallu deux semaines et moult faux pas pour maîtriser la spécialité du studio, le « duck walk » (marche en canard). « Je participe à des concours depuis l’âge de 15 ans », raconte-t-elle, « je crois que chaque participante à un concours rêve de pouvoir essayer de faire ça ».

L’entraînement a lieu six jours par semaine et les séances durent souvent jusqu’à minuit. Outre les exercices de « duck walk », il comprend des séances de gymnastique, des leçons de maquillage et des cours plus classiques pour apprendre à répondre de manière concise à des questions complexes. Au dernier concours de Miss Univers, les participantes ont été interrogées sur le mouvement #MeToo, la légalisation de la marijuana ou la crise des réfugiés dans le monde.

Chaque année, quelque 200 élèves se pressent au studio de Rodgil Flores. L’entraînement est gratuit pour les citoyennes du pays, recrutées en général dans les concours de beauté provinciaux. Les coûts sont couverts par des dons du secteur de la beauté et de nombreux bénévoles viennent contribuer à façonner celles qu’ils espèrent voir un jour couronnées.

« Nous ne gagnons rien mais nous faisons cela parce que nous sommes des passionnés des concours de beauté », dit Arnold Mercado, directeur et coach chez Aces & Queens, l’autre grand camp d’entraînement aux Philippines. Âgé de 51 ans, il a abandonné le poste d’ingénieur dans une compagnie pétrolière qu’il avait occupé 28 ans durant pour se consacrer à plein temps à l’entraînement des Miss. Pia Alonzo Wurtzbach et Catriona Gray comptent parmi celles qu’il a conseillées.

Avant le développement des camps d’entraînement de Manille, les candidates philippines aux titres de Miss Univers et Miss Monde étaient envoyées dans des studios au Venezuela et en Colombie, deux pays également souvent couronnés. Cela pesait lourd financièrement pour ce pays où 21% de la population vit avec moins de deux dollars par jour et l’obtention d’un visa n’allait pas forcément de soi.

Les concours de beauté revêtent une signification particulière aux Philippines, où des compétitions comparables ont été organisées pendant des centaines d’années dans les villages et les villes, souligne Ric Galvez, coordinateur de Missosology.org, un site internet spécialisé basé aux Philippines. Les reines de beauté ont un statut particulier aux Philippines et prennent publiquement position sur des questions d’intérêt national.

Catriona Gray, diplômée en musicologie ayant étudié aux Etats-Unis, s’était ainsi exprimée durant le concours en faveur de l’usage médical de la marijuana. Des députés ont estimé que cela soutenait un projet de légalisation aux Philippines de médicaments au cannabis.

D.C avec AFP

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