La 23e conférence de l’ONU sur les changements climatiques (COP23), qui vient de s’achever à Bonn en Allemagne, a rappelé l’urgence de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour contenir l’augmentation de la température en dessous des deux degrés d’ici à 2100.
Aujourd’hui, on constate en effet que le déficit entre ces indispensables réductions et le seuil à ne pas dépasser pour contenir cette augmentation de la température s’est accru. Comme le souligne la récente tribune signée par 15 000 scientifiques dans la revue BioScience, le temps presse !
Les sols, pièges à CO2
Cette action urgente passe notamment par le « piégeage » biologique du CO2 de l’atmosphère. C’est dans ce sens que l’initiative « 4 pour 1 000 » a été lancée fin 2015 à l’occasion de la COP21.
Que propose cette initiative ? Injecter biologiquement et naturellement du CO2 atmosphérique dans tous les sols de la planète, favorisant ainsi la croissance des arbres, des cultures et le recyclage des résidus organiques (fumier, compost, résidus de culture…).
La quantité de carbone organique stocké dans les sols (c’est-à-dire jusqu’à 30 centimètres de profondeur) est en effet plus importante que la quantité de CO2 de l’atmosphère. Des évolutions modestes de ce « réservoir » peuvent permettre d’agir sur le cycle mondial du CO2, l’un des principaux gaz à effet de serre (GES) responsable du réchauffement climatique.
L’initiative « 4 pour 1 000 » propose ainsi un accroissement annuel de ce réservoir du carbone organique des sols de 0,4 % (4 pour 1 000) ; ceci permettrait de compenser l’augmentation annuelle de nos émissions de CO2 vers l’atmosphère.
Il faut également souligner que des sols plus riches en matière organique sont aussi plus fertiles, retiennent plus d’eau, hébergent une plus grande diversité biologique et sont plus résistant à la dégradation. Piéger biologiquement du CO2 atmosphérique dans les sols représente donc aussi un bénéfice pour les agriculteurs.
Au-dela du stock de carbone
L’initiative « 4 pour 1 000 » vise sur la base de connaissances scientifiques à promouvoir le développement d’innovations techniques et à favoriser le déploiement de pratiques et techniques connues pour leurs effets bénéfiques sur les stocks de carbone organique.
Dans le souci de prendre en compte tous les services rendus à la société par les sols, le comité scientifique et technique de l’initiative « 4 pour 1 000 » s’est engagé à préciser le cadre général des critères de référence, des indicateurs et une méthode pour une « évaluation-conseil » de projets à soutenir afin d’atteindre les objectifs du 4P1000. Ce cadre a été adopté à Bonn à l’occasion de la COP23.
Peu après le lancement de l’initiative, il est en effet apparu essentiel de ne pas considérer le stock de carbone du sol comme seul indicateur d’un potentiel succès des pratiques et techniques « 4 pour 1 000 ».
D’abord, il convient de considérer le bilan net des émissions de GES et pas seulement les émissions de CO2. Ce sont ainsi les flux des principaux GES – le dioxyde de carbone mais aussi le méthane et le protoxyde d’azote – produits par l’agriculture qui doivent être comptabilisés. Car il serait contre-productif de promouvoir des pratiques qui permettraient le stockage du carbone dans les sols en favorisant la production de biomasse végétale… à l’aide d’apports excessifs d’engrais azotés ; cela augmenterait la contribution, déjà très importante, de l’agriculture aux émissions de gaz à effet de serre.
Il faut ensuite considérer l’augmentation de la production végétale ainsi que la résistance des sols et des systèmes de production aux stress environnementaux.
Il est également important d’intégrer dans l’évaluation des projets des indicateurs socio-économiques, de bien-être des populations et de redistribution/répartition des richesses dans un territoire. Les indicateurs doivent enfin contribuer à apprécier/vérifier le caractère « transformateur du projet ».
Stockez du #carbone ! Objectif 4 pour 1000 atteignable grâce aux pratiques culturales #COP21 https://t.co/NqQ2S8dNZh @upmc @CNRS @Le_Museum pic.twitter.com/uD3hctAC82
— IRD.fr (@ird_fr) 1 février 2017
Bien évaluer les projets
C’est dans cette optique d’évaluation complète de futurs projets « 4 pour 1 000 » qu’un ensemble de critères, d’indicateurs et de méthodes a été développé pour guider les porteurs de projets et les bailleurs de fonds dans leur soutien.
Pour mettre en place cette évaluation, la méthode proposée repose sur une analyse « en cascade » des projets : ainsi, l’évaluation sera arrêtée si aucun des critères relatifs au droit foncier et à la lutte contre la pauvreté n’est respecté (étape 1) ; pour être pris en considération, le projet soumis doit avoir un impact positif sur au moins l’un des critères suivants : le stock de carbone du sol, la sécurité alimentaire, la lutte contre la dégradation des terres, la capacité d’adaptation aux changements climatiques (étape 2) ; le projet ne doit pas avoir d’effet négatif sur la qualité de l’eau, la biodiversité et le bien-être des populations (étape 3) ; enfin, la dimension participative du projet mise en œuvre sera prise en considération (étape 4).
On le voit, c’est bien la construction d’un dialogue entre porteurs de projets « 4 pour 1 000 », bailleurs, décideurs, agriculteurs et scientifiques qui est proposé. La conduite de « travaux pratiques » pour éprouver ce cadre d’évaluation a été validée ; elle constitue une étape décisive pour passer à l’action et démarrera début 2018.
Alors que la COP23 vient d’inscrire l’agriculture – et donc le carbone organique des sols – dans son agenda de travail, l’action du comité scientifique et technique de l’initiative « 4 pour 1 000 » apporte une contribution majeure à la question du rôle des pratiques agricoles dans la lutte et l’adaptation face aux changements climatiques.
Jean-Luc Chotte, Directeur de recherches, directeur de l’UMR Eco&Sols, Institut de recherche pour le développement (IRD)
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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