Le crime de Jerry, un Philippin de 11 ans? Avoir violé les lois sur le couvre-feu des mineurs après avoir fui la violence à la maison. Son châtiment? Un séjour en centre de détention pour la jeunesse, où il dit avoir subi des abus sexuels.
Ces lieux appelés « Maisons de l’espoir » sont officiellement destinés à rééduquer les mineurs en « conflit avec la loi » mais de nombreuses voix dénoncent un « enfer » où les enfants sont traités comme des animaux en cage. Jerry Sanchez, qui avait fugué pour fuir un père qui le battait en l’absence de sa mère employée au Koweït, n’aurait jamais dû être placé dans ce centre du fait de son jeune âge, mais les autorités ne savaient guère où l’envoyer.
Et bientôt, préviennent les défenseurs des droits, des milliers d’autres enfants pourraient finir dans ces « Maisons » surpeuplées et parfois violentes en raison d’une proposition de loi visant à abaisser l’âge de la responsabilité pénale de 15 à 12 ans. Jerry raconte comment, en pleine nuit, il fut arraché de son lit, conduit dans la salle de bains et agressé par des garçons plus âgés, détenus comme lui dans un centre décati de Manille. « Je me sentais si sale. C’était la première fois que ça m’arrivait », se souvient-il.
Six mois après sa libération, il ne se remet pas de son traumatisme. « Je ne peux pas oublier les abus sexuels ». Les centres pour délinquants juvéniles sont destinés aux adolescents de plus de 15 ans, ou à des mineurs plus jeunes coupables de crimes graves comme le meurtre. Des enfants y atterrissent aussi quand leurs tuteurs légaux sont indisponibles.
Les anciens pensionnaires dénoncent les conditions de vie dans ces « Maisons de l’espoir »
Les défenseurs des droits, d’anciens pensionnaires et les autorités dénoncent les conditions de vie dans ces « Maisons de l’espoir » mal nommées, qui risquent de s’aggraver si la nouvelle loi est adoptée.
« Les possibilités d’abus seront plus grandes car le gouvernement n’est pas prêt », prévient Melanie Ramos-Llana du Child Rights Network Philippines, dénonçant le manque de personnels et de programmes de réhabilitation. « N’y mettez pas d’enfants, surtout de très jeunes enfants. Les prisons ou les centres de détention ne sont pas des endroits pour les enfants ».
Le texte législatif est un élément phare de la politique anti-criminalité draconienne du président Rodrigo Duterte, avec le rétablissement de la peine de mort et la campagne de lutte contre la drogue qui a fait des milliers de morts. Depuis les élections de la mi-mandat en mai, les alliés du chef de l’Etat dominent le Congrès et ont promis de faire avancer ses projets à l’ouverture de la session parlementaire lundi.
les conditions de détention sont similaires, voire pires, à celles des prisons pour adultes.
Pour les défenseurs des droits, les conditions de détention dans de nombreuses « Maisons » sont similaires, voire pires, à celles des prisons pour adultes. « Les enfants y sont détenus comme des animaux en cage », dénonce le père Shay Cullen, président de la Fondation PREDA qui aide les garçons comme Jerry. « Ce sont des lieux infernaux aux conditions inhumaines ».
Les enfants qui ont témoigné des abus subis en détention auprès de l’AFP, dont Jerry, sont identifiés par des pseudonymes car ils sont ou étaient mineurs. Justin Paras, âgé de 17 ans quand il fut placé dans un centre à Manille en 2017, raconte avoir été tabassé par d’autres garçons au prétexte qu’il avait enfreint le règlement.
« Ils nous donnaient des coups de poing dans la poitrine, le ventre et parfois au menton. Ça faisait si mal », se rappelle-t-il. « Là-bas, j’ai appris à être insensible à cause de ce qu’ils m’avaient fait et je voulais me venger ». L’archipel compte 55 « Maisons de l’espoir » gouvernementales, soit beaucoup moins que les 114 dont les Philippines auraient besoin pour s’occuper correctement des mineurs délinquants.
Huit répondent aux normes : un travailleur social pour 25 enfants
D’après les statistiques officielles, seules huit répondent aux normes, soit un travailleur social pour 25 enfants, un lit par enfant, des repas équilibrés, des vêtements, des affaires de toilette et des programmes d’éducation. « Nous avons vu des Maisons pires que des prisons. Elles n’ont aucun programme », avait témoigné en janvier devant une commission d’enquête sénatoriale Tricia Oco, directrice du Conseil gouvernemental pour la justice et le bien-être des mineurs.
Tristan Martinez, 15 ans, avait initialement éprouvé du soulagement quand il fut transféré d’une prison pour adultes vers une « Maison » de Manille à cause d’accusations de trafic de drogue qu’il dit montées de toutes pièces.« Je croyais que ça serait un super chez moi. Mais c’était aussi une prison, une prison pour enfants ».
Les centres où ont résidé les trois garçons ont opposé une fin de non recevoir aux demandes de visite de l’AFP. Le ministère de la Protection sociale ne fait pas de suivi des abus inter-détenus mais dit que les institutions où les normes de sécurité ne sont pas respectées doivent être « tenues pour responsables ». En 2006, les Philippines avaient relevé de neuf à 15 ans l’âge de la responsabilité pénale, ce qui avait été salué comme un progrès.
Les trafiquants de drogue se servent des mineurs comme petites mains
Mais Rodrigo Duterte affirme que cela profite aux trafiquants de drogue qui se servent des mineurs comme petites mains. Les dysfonctionnements du système s’expliquent par le manque de financements et de suivi des politiques, ainsi que la préférence des autorités pour la détention plutôt que les travaux d’intérêt général. « En réalité, la détention, c’est le premier recours », accuse Rowena Legaspi, directrice du Centre pour les droits juridiques des enfants.
Jay Mark Chico, directeur du centre « Lueur d’espoir », dans le nord de l’archipel, raconte qu’il avait été prévu initialement pour 60 enfants. Mais ils sont 144 à s’entasser derrière des barreaux, dormant à trois par lit, tandis que d’autres sont allongés par terre. Le budget alimentaire quotidien est de 33 pesos par enfant (0,50 euro).
Malgré tout, Nathan Andres, 21 ans, condamné pour viol alors qu’il était encore mineur, est « reconnaissant » d’y séjourner. « Je n’aurais jamais imaginé pouvoir faire des études ».
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