Le docteur Jean-Pierre Willem est un homme « multi-facettes » qui n’a pas la langue dans sa poche. Prévenant et dévoué pour ses pairs, terrible pour ses ennemis, il est intervenu sur 17 zones de conflits, du Vietnam au Guatemala, en passant par l’Inde et le Moyen-Orient, et a échappé plusieurs fois à la mort. La narration de ses aventures pourraient faire penser à un scénario digne d’Hollywood.
Jean-Pierre Willem est né en 1938. À l’âge de six ans, il passait des messages pour la Résistance. Il est parti pour la guerre d’Algérie à 20 ans. Décidé à servir sur des zones de combats, le médecin a développé une approche singulière de la médecine. Préparations allopathiques, décoctions, infusions et huiles essentielles. Rien de bien original pour la tradition pharmaceutique, si ce n’est qu’à l’heure où la médecine occidentale prenait le virage de développer la chimie et les molécules, Jean-Pierre Willem a persisté dans sa voie, celle d’installer des jardins médicinaux, d’étudier les coutumes locales et de proposer des médecines naturelles efficaces et adaptées.
L’héritage d’Albert Schweitzer
Ayant obtenu une bourse pour ses études, en 1964, le Pr Willem entreprend de se rendre à Lambaréné au Gabon, à la mission tenue par le célèbre docteur Albert Schweitzer. « Je voulais voir Schweitzer. Alors avec un copain, nous avons remonté la rivière en pirogue dans un décor extraordinaire, puis nous sommes arrivés à la mission. Une infirmière suisse nous a fait visiter les lieux. Je me souviendrai toute ma vie du moment où nous sommes entrés dans la pharmacie. Là, dans un coin, un vieil homme massif était en train d’écrire », se remémore-t-il.
« Sa présence laissait planer un calme absolu à tel point qu’un chat dormait sur son bras pendant qu’il rédigeait. Au bout d’un moment, il s’est adressé à moi en m’appelant le « viking » ! C’était le surnom qu’on me donnait à la faculté. J’étais stupéfait, très impressionné ! Le docteur Schweitzer était tenant d’une médecine globale. Il ne faisait pas payer ses patients, mais exigeait d’eux qu’ils viennent travailler à la mission, c’était un homme de discipline. On rencontrait dans les champs des familles africaines qui payaient là les soins en travaillant », continue-t-il.
« La médecine occidentale ne marche pas forcément, parce que l’on arrive avec des containers de produits finis et manufacturés, une fois la mission terminée, on a crée un besoin, une dépendance. »
– Pr Jean-Pierre Willem
Jean-Pierre Willem commence à marcher sur les traces du docteur Schweitzer. Au huis-clos d’un cabinet, il préfèrera les grands espaces et pratiquera sa médecine lors de ses voyages. « En 1966, je suis allé au Rwanda. Le spectacle des amputations n’était pas terrible. Je me suis alors rappelé que les momies, pour être conservées, devaient être embaumées avec des extraits aromatiques. Cela n’empêchait pas le dessèchement, mais prévenait la putréfaction. J’ai alors pris l’approche de distiller des huiles essentielles de plantes utilisées par les Égyptiens, et ai appliqué ces huiles sur les plaies. Trois semaines plus tard, l’infection était jugulée et il y avait un bourgeonnement », se souvient-il.
Lors de ses interventions, le médecin a éprouvé les limites de la médication occidentale. « La médecine occidentale ne marche pas forcément, parce que l’on arrive avec des containers de produits finis et manufacturés. Une fois la mission terminée, on a créé un besoin, une dépendance ». De plus, les soins occidentaux n’ont pas le même impact dans tous les pays. Pourquoi vacciner des enfants en malnutrition quand on sait qu’un organisme en manque de protéines aura des difficultés à développer les anticorps nécessaires. Ou encore, pourquoi distribuer des antidiarrhéiques alors que l’eau est polluée par une gamme d’insecticides et des nitrates ?
« Quand je travaillais pour les autres organisations, il m’est arrivé d’enrayer une infection avec 10 000 unités de pénicilline. Six mois plus tard, le médecin revient sur les lieux, pour constater que de nouvelles bronchites s’étaient déclarées sur la même population. Or, ces bronchites réclamaient une dose dix fois plus élevée de pénicilline », remarque-t-il.
Fondation de l’« ethnomédecine »
Le docteur reprend à son compte la citation du docteur Kousmine : « La médecine actuelle ne s’occupe pas de la santé. Elle n’a d’intérêt que pour les maladies ». Le désamour est mutuel entre lui et les grands groupes pharmaceutiques. « Vous ne pouvez pas faire fortune avec une tisane de coquelicot ou de romarin, ça n’intéresse personne », remarque-t-il. Dans l’établissement de ses diagnostics, le docteur n’aura là encore pas peur de nager à contre-courant. « J’ai été le premier à évoquer l’intolérance alimentaire quand tout le monde parlait d’allergies. Huit personnes sur dix que nous croyons atteints d’allergies développent en réalité des intolérances », soulève-t-il.
Marchant dans les pas de celui dont il fut l’un des derniers assistants, le médecin a fait officialiser en 1978 l’« ethnomédecine ». Avoir le soutien et l’encouragement de l’OMS dans cette démarche ne l’empêchera pas d’être radié de l’Ordre des médecins quelques années plus tard. Encensé par les uns, critiqué par les autres, Jean-Pierre Willem navigue entre deux eaux mais garde son cap. Il compte des célébrités et chefs d’État dans sa clientèle.
« Médecins aux pieds nus », son association, forme des médecins en ethnomédecine. Depuis 1987, des milliers de volontaires humanitaires ont été formés sur tous les continents ; le plus gros contingent, au Guatemala, compte 5 000 bénévoles. Le principe : travailler aux côtés des tradipracticiens qui concilient les médecines traditionnelles autochtones, développent une approche thérapeutique globale, efficace et adaptée en utilisant les ressources locales (plantes, argiles, minéraux…) Ils travaillent de pair avec les ingénieurs, les agronomes, les artisans ou les guérisseurs, et montent alors des jardins médicinaux, font des préparations galéniques, des sirops, des teintures et des huiles essentielles.
Jean-Pierre Willem s’est également intéressé aux médecines locales et aux plantes qu’il trouvait su son chemin. « Les hasards de la vie », comme il se plaît à le dire. « Il y avait une plante, l’Artemisia annua, que j’ai trouvée en Chine. Elle était utilisée depuis des siècles dans la médecine traditionnelle, mais les Chinois ne voulaient pas diffuser cette plante. Alors j’ai décidé d’en prendre quand même et j’en ai mis dans mes poches ! Puis je les ai plantées au Congo. Plus tard, l’Artemisia annua a été reconnue comme un puissant antitumoral et on en retrouve partout dans le monde. J’en ai fait un médicament, l’Asiarum (Labo Phyt’Inov) dans lequel j’ai mis l’artémisinine ».
Les médecins doivent ainsi tenir compte du mode de vie, de la nourriture, de la façon de s’exprimer, des religions, des populations qu’ils veulent aider. « Sur le terrain, on voit que des médecins ne savent plus comment intervenir. Nous faisons alors des médicaments sur place. Lors d’une de mes missions à Calcutta, j’ai pu rencontrer mère Theresa et ses sœurs de la charité. Elle était émerveillé et elle voulait développer ces remèdes en plus des thérapies qu’elle pratiquait mais elle est morte six mois après ».
Aujourd’hui, le docteur continue de développer son association Médecins aux pieds nus et intervient à la Faculté Libre de Médecine Naturelle, ouverte au public, qu’il a créée en 1986 à la Sorbonne.
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