Victimes d’un isolement total et d’une société qui ignore les personnes âgées, Christiane et Yvette Brunet sont décédées dans d’horribles circonstances en ce début février dans leur maison de Poitiers.
Lorsque les pompiers ont été appelés lundi 10 février pour aller voir ce qui se passait dans la maison des sœurs Brunet, ils se sont rendus sur place pour découvrir une scène épouvantable : les deux dames âgées étaient par terre, l’une sur l’autre. Christiane, âgée de 87 ans, était décédée, tandis que Yvette, l’aînée, respirait encore, raconte la Nouvelle République.
Placée en coma artificiel parce qu’elle souffrait d’une déshydratation sévère, la dame de de 93 ans s’est éteinte à son tour quelques heures plus tard.
Les policiers ont trouvé un petit carnet qui a permis de déduire que la chute des deux sœurs datait du jeudi précédent, soit cinq jours plus tôt. Yvette, handicapée, aurait donc survécu pendant tout ce temps sur le cadavre de Christiane, qui a dédié sa vie à s’occuper de sa sœur.
Yvette Brunet avait perdu une jambe à cause d’un accident lorsqu’elle avait 18 ans. Les deux sœurs sont restées toute leur vie dans la maison familiale. Après avoir tenu une graineterie dans une rue près de chez elles, elles ont pris leur retraite dans leur maison où elles se sont isolées de la société.
Sans télévision ni journaux, Christiane et Yvette refusaient également toute aide à domicile. Leurs seuls contacts avec l’extérieur étaient avec deux septuagénaires habitant près de chez elles, deux sœurs, Armelle et Roselyne Decora.
Ce sont elles qui ont lancé l’alerte. Depuis près de 10 ans, elles rendaient visite régulièrement aux sœurs Brunet, apportant un gâteau ou de la nourriture pour chats, soutenant surtout moralement Christiane, qui avait fait de sa retraite un véritable chemin de croix pour s’occuper de son aînée.
« C’était lourd pour elle de s’occuper d’Yvette. Elle s’est sacrifiée pour elle. Jusqu’au bout. Elle perdait ses forces, elle n’en pouvait plus », rapporte Roselyne, entre deux sanglots.
« Christiane souffrait de la cataracte. Elle devait voir un ophtalmo mais elle refusait qu’on vienne garder sa sœur à sa place », ajoute la dame de 73 ans.
Après le drame, les sœurs Decora ont décidé de faire connaître l’histoire de leurs amies afin de dénoncer cette société qui ignore ses « vieux » et les pousse à finir leurs jours en maison de retraite. C’est maintenant à leur tour de se retrouver dans l’isolement total.
« Ce qui est arrivé est scandaleux mais il faut que ça se sache », assurent les septuagénaires. « Les sœurs Brunet étaient notre dernier lien. »
« Il n’y a plus de relation de proximité dans notre société », déplore l’aînée des sœurs Decora, Armelle, âgée de 75 ans. Avec Roselyne, elle se méfie des ravages de l’individualisme. Toutes deux assistent, impuissantes, à la fermeture des petits commerces, à la perte des services publics et à la prédominance de l’univers numérique, véritable repoussoir pour les personnes âgées.
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