Le projet de construction, prévu à une trentaine de mètres de l’abbaye Saint-Victor à Marseille, inquiète beaucoup l’association CAS 7e. Estimant qu’il va à l’encontre de la protection du patrimoine, l’association craint surtout que les travaux ne fragilisent davantage l’édifice vieux de 1500 ans, et notamment ses magnifiques cryptes.
À Marseille, sur un terrain vague proche de l’abbaye Saint-Victor, un projet de construction de deux immeubles de 18 mètres de haut sur une surface de 1800 m² est prévu. La mairie a accordé au promoteur le permis de construire et l’endroit devrait accueillir 44 logements dont 14 sociaux, ainsi qu’une crèche et un parking souterrain à trois niveaux d’environ 70 places. Mais la plus ancienne abbaye de France risque d’être lourdement impactée par les travaux qui seront menés pour réaliser ce projet. De plus, de nombreux riverains s’inquiètent eux aussi pour leurs logements, sans compter qu’ils vont perdre la vue sur le Vieux-Port de la ville.
Les vibrations et les infiltrations d’eau pointées du doigt
Tout comme ces riverains, Sandrine Touyon, la présidente de l’association CAS 7e, est farouchement opposée à ce projet. « On va construire deux gros blocs de béton à deux pas d’une abbaye, alors que l’on sait que ses fondations sont déjà fragiles et que si elles cèdent tout peut s’écrouler », déplore-t-elle auprès du Parisien, pointant deux points noirs que sont « l’effet des vibrations durant les travaux » et les « infiltrations d’eau dans la crypte ».
Sandrine Touyon, qui, par le passé, s’est déjà opposée à deux autres projets de construction sur ce terrain, a lancé une pétition en ligne. Celle-ci a déjà recueilli plus de 6000 signatures.
Robert Gilles, un archéologue indépendant qui travaillait au CNRS, est du même avis. Il connaît bien le site pour y avoir réalisé une longue expertise. Par conséquent, lui aussi estime auprès du quotidien francilien que ce « double danger est réel ». Il explique que les effets des vibrations « peuvent apparaître à long terme », comme il l’a déjà constaté auparavant. « L’abbaye est déjà ébranlée par les mouvements de terrain dus aux travaux de percement du tunnel Prado-Carénage qui passe juste en dessous et dont les effets se font sentir vingt ans après », explique-t-il pour appuyer ses propos. De plus, il fait remarquer que l’écoulement des eaux de pluie « sera bloqué par les bâtiments et se reportera vers l’édifice historique ».
« Je fréquente la crypte depuis l’enfance, j’y ai commencé ma carrière et j’ai vu les évolutions. On constate déjà des dégradations et un taux d’humidité inquiétant », assure l’archéologue indépendant qui préconise « de décaler le projet immobilier d’une bonne quinzaine de mètres pour être sûr de préserver l’abbaye ».
Les riverains également inquiets de l’impact des travaux
« Le patrimoine, on ne l’aime pas à Marseille et en voilà une nouvelle preuve », s’agace dans les colonnes de La Provence Guy Coja, le vice-président du Comité d’intérêt de quartier (CIQ) de Saint-Victor. Lui aussi estime que le vrai problème est « la fragilité de l’abbaye ».
« Il va y avoir trois niveaux de parkings souterrains, ils vont donc creuser jusqu’à 8/9 mètres », détaille-t-il avant d’ajouter que, grâce à l’étude géologique menée par Michel Villeneuve – le géologue missionné par la commission urbanisme de la Fédération des CIQ – les roches de calcaire présentes dans les souterrains concernés « vont être fragilisées et faire vibrer le sol jusqu’à 200 mètres », ce qui inclus l’abbaye.
En outre, la plupart des riverains ne sont pas non plus favorables à ce projet et ont l’intention de « déposer des recours gracieux contre le permis de construire avant des saisies du tribunal administratif », relate Le Parisien.
Muriel Bernardi, une habitante du quartier, a peur que les logements « se retrouvent en état de péril à cause de l’impact des travaux ». « Pour l’instant, aucun huissier n’est venu constater l’état des appartements, alors que l’on s’inquiète pour de probables fissures. On est totalement contre ce projet en l’état, nous ferons tous les recours possibles », prévient-elle.
Les fouilles archéologiques prévues pourraient tout remettre en cause
Malgré toutes ces oppositions, « l’architecte des Bâtiments de France a rendu un avis favorable pour la construction de ces immeubles », rappelle auprès de La Provence Philippe Cahn, élu à la mairie du Ier et VIIe arrondissement et délégué aux espaces verts.
« Nous avons respecté la procédure légale et l’avis de l’architecte des Bâtiments de France, positif avec réserves. Nous serons vigilants pour que ces réserves soient respectées durant les travaux », affirme également au Parisien l’élu. Pour lui, ce projet peut aussi être vu « de manière positive », grâce aux logements sociaux, à la crèche et aux 70 places de parking prévus, « tout ce dont ce secteur manque actuellement », plaide-t-il.
L’architecte des Bâtiments de France qui a validé le projet a également contraint le promoteur à revoir certaines parties du plan, telles que réaliser un immeuble de quatre étages seulement et non pas cinq. De plus, comme le mentionne à La Provence Sandrine Rolengo, déléguée de l’association « Sites & monuments » de la région, « le projet peut être modifié à tout moment si des trouvailles exceptionnelles sont faites », car, comme l’a indiqué la Ville, des fouilles archéologiques vont être réalisées « préalablement aux travaux ».
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