Policiers en arrêt maladie ou en « position d’attente », un service minimum autorisé par le « code 562 », les plus hauts gradés de la police qui s’écharpent avec les représentants de la justice, des ministres et un président de la République bien obligés de réagir. Au cœur de l’été, la polémique suscitée par l’incarcération le 20 juillet d’un policier accusé de violences policières en marge des émeutes à Marseille embrase les rangs des forces de l’ordre. Pour protester contre son placement en détention provisoire, les services de police débraient en signe de soutien et rejoignent la fronde lancée par leurs syndicats ces derniers jours. Bruno Attal, secrétaire général adjoint du syndicat « France Police – Policiers en colère », nous livre dans cet entretien son analyse sur le traitement réservé à ce policier, les réactions politiques qui en ont découlé, et les critiques adressées aux frondeurs, à qui il est reproché sur les réseaux sociaux une absence d’opposition au gouvernement au moment de la crise du Covid-19.
Etienne Fauchaire : Parmi les quatre policiers de la brigade anti-criminalité mis en examen, l’un d’entre eux a été placé en détention provisoire. Que vous inspire cette décision de justice ?
Bruno Attal : C’est une décision de justice qui ne respecte pas la loi. La mise en détention provisoire se décide sur la base de l’appréciation du juge d’instruction puis du juge des libertés et de la détention (JLD), s’il est estimé qu’il existe un risque de non-représentation à la justice, de pression sur les témoins ou les victimes, de concertation entre le prévenu et les coauteurs… Or, puisque l’attitude de ce policier ne correspond à aucun de ces critères prévus par le code de procédure pénale, comment se fait-il que celui-ci soit jeté en prison ? Il ne va quand même pas exercer des pressions sur les témoins ou entraver l’enquête de la justice. La France insoumise affirme de son côté qu’il est possible que ce fonctionnaire se concerte avec ses collègues. C’est un argument absurde pour la simple et bonne raison que ce policier a été interpellé trois semaines après les faits… L’origine de cette décision d’incarcération est donc à rechercher soit dans la politisation de certains magistrats — ceux appartenant, par exemple, au Syndicat de la magistrature affirment textuellement leur désamour de la police —, soit dans la mise en œuvre de pressions politiques en raison d’une crainte de reprise des émeutes. C’est pourquoi il y a eu un soulèvement des policiers et je m’en réjouis.
Sur son blog, le leader des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, a appelé « au respect des institutions républicaines les policiers entrés en sécession factieuse ».
Jean-Luc Mélenchon est l’un des rares hommes politiques à avoir été condamné pour un délit pénal : rébellion, provocation et actes d’intimidation contre l’autorité judiciaire après la perquisition au siège de la France Insoumise en octobre 2018. Ce dernier ayant été sanctionné d’une peine de prison avec sursis et d’une amende de 8 000 euros à verser en dommages et intérêts aux parties civiles – policiers, gendarmes et magistrats -, on peut considérer qu’il est officiellement un délinquant. Et il se comporte comme tel en déversant à tout va sa haine de la police. Mais la déteste-t-il vraiment ? C’est une question que l’on peut poser. Ce politicien n’est pas parvenu à recueillir le vote des ouvriers et des travailleurs, donc il essaie d’attirer à lui celui des racailles. D’où ce discours systématiquement anti-flics. Quoi qu’il en soit, il existe au sein de l’extrême gauche un deux poids deux mesures à l’endroit de la justice. Première à la dénoncer quand elle est visée par une décision en sa défaveur ou quand une racaille est mise en cause, lorsqu’il s’agit d’un policier, elle traite de « factieux » les agents qui protestent contre une décision judiciaire manifestement irrégulière. Rappelons également que ses élus ne respectent pas la loi. Alors que la marche en hommage à Adama Traoré avait été interdite par la préfecture de Paris, une dizaine d’insoumis n’en ont eu cure et s’y sont tout de même rendus.
Vous estimez que la justice est parfois politisée. Dans le cas présent, estimez-vous que la présomption d’innocence du policier n’a pas été respectée ?
Même si une personne est placée en détention provisoire, la justice part du principe qu’elle est présumée innocente. Je dirais plutôt que les magistrats ne respectent pas les critères à remplir pour ordonner une mise en détention provisoire et qu’il existe une différence de traitement entre policiers et racailles. Cela étant dit, les premiers à ne pas respecter la présomption d’innocence sont avant tout les politiques. Regardez les déclarations de n’importe quel élu de la France insoumise : vous ne trouvez nulle part l’emploi du terme « présumé », ce qui constitue une atteinte à la présomption d’innocence. M. Darmanin et le syndicat de police devraient systématiquement attaquer en justice LFI ou toute personne qui porte atteinte à la présomption d’innocence des policiers.
Saluez-vous les propos de Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, qui soutient qu’« avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail » ?
Je ne crois pas à la sincérité des propos de ces politiciens, qu’il s’agisse de Frédéric Veaux, Laurent Nuñez ou bien Gérald Darmanin. Si seulement trois policiers avaient contesté la mise en détention provisoire de leur collègue marseillais, jamais ils n’auraient pris sa défense. C’est en voyant ce soulèvement des policiers dans toute la France qu’ils ont adopté cette position, espérant ainsi atténuer la rébellion. Aujourd’hui, ces politicards décrètent qu’un policier ne devrait pas être en prison avant son procès. Mais, alors qu’ils sont au pouvoir, qu’ont fait ces politiques en vue de prévenir ce genre de scénario ? Des propositions de loi auraient dû être déposées en ce sens bien avant. Au lieu de ça, on attend que la vie de policiers et de leurs familles soit brisée pour se poser la question : « Est-ce qu’un policier qui commet une erreur doit forcément aller en préventif ? » Ils n’ont aucune conviction. Au moment de l’affaire de Nanterre, M. Veaux, M. Nunez et M. Darmanin ont-ils protesté contre l’incarcération du policier ? De leurs déclarations, on peut en tirer une leçon : la seule chose que ce gouvernement comprend, c’est l’épreuve de force. Et c’est un fait malheureux, car il existe une vraie souffrance chez les forces de l’ordre, perpétuellement soumises au stress de ne pas commettre la moindre erreur en gérant des situations extrêmement tendues. Demander aux policiers l’exemplarité va de soi. En revanche, il est aujourd’hui exigé la perfection. Je me souviens pourtant encore de l’époque où un gardien de la paix pouvait être décoré lorsqu’il interpellait, même sèchement, un délinquant ou un criminel. Dans l’affaire Mesrine, les policiers qui ont tué le gangster en novembre 1979 ont même été médaillés. Aujourd’hui, seuls les policiers qui décèdent dans l’exercice de leurs fonctions sont honorés.
Pensez-vous que le mouvement de contestation va gagner en ampleur et que le gouvernement, pour tenter de calmer la fronde, légiférera ?
Les syndicats de police et le gouvernement vont chercher à étouffer la grogne. Est-ce que ce mouvement de contestation conduira à un changement ? Je ne pense pas que nos dirigeants voudront légiférer pour éviter aux policiers en mission d’être placés en détention provisoire. Je n’ai aucune confiance en ce gouvernement. Le lundi, il sera pro-flics. Le mardi, il sera pro-racailles.
Sur Twitter, des internautes, à l’instar de Me Di Vizio et de Myriam Palomba, ont partagé leur incompréhension en voyant les policiers entamer une « grève » en protestation contre l’incarcération de leur collègue marseillais, mais rester silencieux lorsque le gouvernement leur a demandé de contrôler le passe sanitaire des Français durant la crise du Covid-19. Comment jugez-vous cette remarque ?
Je suis opposé au passe sanitaire comme au passe vaccinal et j’estime que les policiers avaient bien mieux à faire qu’aller contrôler le QR code des braves gens au bar ou au restaurant. Cela étant dit, Myriam Palomba et Me Di Vizio se méprennent. Les deux situations sont bien différentes. Le passe sanitaire correspond à une loi adoptée par le gouvernement d’Emmanuel Macron, élu démocratiquement, puis validée par le Conseil constitutionnel. Cette loi est, en effet, injuste. Mais en 25 ans de carrière, des lois injustes validées par le Parlement, j’en ai vues de très nombreuses, certaines favorisant même le délinquant à la victime. Le rôle d’un policier consiste à faire appliquer la loi, quand bien même celle-ci s’avère immorale, car un agent ne peut faire prioriser ses convictions de citoyen avant l’exercice de sa fonction au risque, si chacun agit de la sorte à chaque loi jugée immorale, de basculer de la démocratie à l’anarchie. Dans le cas présent, a contrario, le litige tient à une mauvaise application de la loi, puisqu’aucun des critères prévus par le code de procédure pénale pour justifier la mise en détention provisoire n’est respecté.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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