La pluie tombée mardi a finalement dispersé le nuage de smog qui recouvrait une grande partie du Pakistan depuis des semaines, mais reste sans effet face à la pollution de l’air endémique affectant le pays, aux effets ravageurs sur la population.
À Islamabad, le parfum des fleurs a remplacé l’odeur âcre de poussière qui irritait la gorge et piquait les yeux. Les Margallas, petites montagnes auxquelles la capitale est adossée, sont à nouveau visibles.
Le taux de particules extra-fines, les plus dangereuses, est redescendu jeudi matin à 137 microgrammes par mètre cube d’air(μg/m3) à Lahore, où la situation était critique. Il était monté à plus de 1.000 lors du pic de pollution, selon PakistanAirQuality, une initiative citoyenne visant à pallier à l’absence totale de chiffres officiels dans le pays.
« Le smog était tel que je me suis retrouvée à conduire du mauvais côté de la route. On ne voyait rien », raconte Rimmel, une juriste lahorie. « Enfin, on respire ».
Mais ce qui paraît acceptable au Pakistan est considéré comme mauvais ailleurs. Car 137 μg/m3 représente un niveau de pollution cinq fois supérieur aux recommandations de l’OMS. Fin octobre, quand Turin a dépassé 100 μg/m3, la circulation automobile a été limitée et la population sommée de « rester dans des lieux fermés ».
La situation à Lahore « s’est améliorée après la pluie. (…) Mais peut-on vraiment parler d’amélioration quand on passe d’un niveau dangereux à très mauvais pour la santé », tweetait PakistanAirQuality.
Le smog est un révélateur d’une situation environnementale inquiétante. Le pays est classé troisième au monde pour le nombre de victimes de la pollution, avec 125.000 décès par an, derrière la Chine et l’Inde, selon l’Institut d’évaluation et de statistiques sur la santé (IHME – largement financé par la Fondation Bill & Melinda Gates). Contactée par l’AFP, l’antenne de l’OMS au Pakistan n’a pu de son côté fournir de chiffres à ce sujet.
Une pollution qui affecte en particulier l’air. Les routes pakistanaises sont saturées de guimbardes rejetant des gaz d’échappements noirâtres, alors que plus de 185.000 automobiles neuves ont été vendues en 2016-2017, un record. Des milliers d’usines polluantes, briqueteries en tête, rejettent quotidiennement leurs fumées dans l’atmosphère.
En ville, l’odeur irritante des déchets brûlés est omniprésente en l’absence de recyclage. Les émissions de particules, déjà très élevées pendant l’année, montent en flèche à la fin de l’automne en raison des brûlis de résidus agricoles, massifs dans les campagnes.
L’ensemble de ces facteurs ajoutés au brouillard de saison a généré un premier nuage de smog au Pakistan à l’automne 2016. Le phénomène s’est reproduit cette année.
« Malgré l’urgence, les autorités en charge n’ont rien fait à part rester dans leurs bureaux à boire du thé », vitupérait lundi Syed Mansoor Ali Shah, le président de la Haute cour de justice de Lahore, saisie par un parti d’opposition contre le gouvernement du Pendjab, dont Lahore est la capitale.
Dans les faits, les autorités provinciales, qui ont la charge notamment des questions environnementales et de santé, ont bien retardé le début des classes pour les élèves et fait fermer quelques centaines d’entreprises polluantes.
« Mais pourquoi n’avez-vous pas lancé une alerte rouge sur le smog alors que vous connaissiez son effet sur la santé ? », tonnait le juge Shah, leur ordonnant, entre autres, de mettre à disposition du public les données sur la pollution dont elle dispose.
Alors que le smog était au plus haut, environ un millier de nouveaux patients étaient traités chaque jour pour « insuffisance respiratoire », « asthme », ou « conjonctivite allergique » dans neuf hôpitaux du Pendjab, selon le ministère de la Santé.
À Islamabad, l’hôpital dirigé par le professeur Javed Akram était devenu une « zone de guerre », avec 5 ou 600 malades supplémentaires à gérer dans une structure déjà « surpeuplée » habituellement, dont cinq ou six sont « morts du smog », raconte-t-il.
Contrairement à Pékin, qui a pris le problème à bras le corps et à New Delhi, qui a instruit de premières mesures, les autorités pakistanaises « ne se sont pas encore réveillées », « les questions environnementales restant en bas de leurs priorités », accuse Abid Omar, l’entrepreneur ayant lancé PakistanAirQuality.
« Le Pakistan est extrêmement vulnérable au niveau environnemental », s’alarme l’activiste Ahmad Rafay Alam. Et d’appeler le Programme des Nations unies pour l’environnement (Unep) à considérer son pays comme « une urgence » est à « installer un bureau à Lahore ».
« Nos citoyens sont bien plus vulnérables aux maladies transportées par l’air qu’aux terroristes sur notre sol », qui depuis 2003 ont tué 60 à 70.000 personnes, observait Sherry Rehman, une sénatrice d’opposition, dans une tribune au quotidien The express. « Nous devons agir. Et maintenant. »
R.B avec AFP
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