Le maintien de la note « AA » française par l’agence S&P est vécu par le gouvernement comme une récompense pour sa politique, mais une rétrogradation reste possible si les réformes et la réduction de la dette capotent.
La décision « conforte l’approche » de Bercy, qui souhaite réduire l’endettement après les dépenses liées au Covid et à la crise énergétique, explique à l’AFP Éric Dor, directeur des Études économiques de l’IESEG School of Management, rappelant que « S&P, comme toutes les agences de notation anglo-saxonnes, adopte une position très néolibérale de l’économie ». Les notes font « beaucoup de bruit médiatique et politique » sans avoir d’impact notable sur les marchés financiers, d’autant qu’un « AA » reste « une bonne note », estime Sylvain Bersinger, économiste au cabinet Asterès.
Pour justifier son maintien un mois après l’abaissement de la note de la France par Fitch, S&P Global, considérée la plus influente des trois sociétés de notation, a invoqué « l’impact de la récente réforme des retraites » sur la dette publique et la « stratégie de consolidation budgétaire du gouvernement ».
Une situation budgétaire parmi les moins bonnes des pays notés
« S&P envoie beaucoup de fleurs à la politique » de l’exécutif et « récompense » les « mesures récentes » plus que la situation budgétaire actuelle, qui reste parmi les moins bonnes des pays notés dans la même catégorie, estime M. Dor. « Je pense que c’est bien pour la communication. » De quoi satisfaire Bercy : dans le JDD, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a salué un « signal positif », témoin, selon lui, d’une stratégie financière « crédible ».
Le ministre, qui a dit avoir rencontré l’agence pour présenter ses « arguments », « a semble-t-il un peu réussi son opération pour les convaincre », commente M. Dor. La « bonne nouvelle » vient « sanctionner les décisions prises », a estimé Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire, sur BFMTV.
Côté majorité, le député et rapporteur général du budget Jean-René Cazeneuve y voit une « reconnaissance du travail accompli » et pour le député Renaissance Louis Margueritte, la décision de S&P « démontre la crédibilité de la trajectoire financière » française. « On peut penser que sans réforme, il y aurait eu une dégradation, mais on ne peut pas en être certain », relève M. Bersinger, car « on ne connaît pas exactement l’ensemble des critères » de S&P.
Maintien d’une perspective « négative »
Si S&P n’a pas abaissé la note de la France, l’agence n’a pas non plus touché à la perspective « négative », laissant planer le spectre d’une future baisse. Ses économistes relèvent notamment des « risques » relatifs à l’exécution des objectifs budgétaires gouvernementaux, comme « l’absence de majorité absolue » au parlement. Fitch avait évoqué les fortes tensions sociales pour justifier la révision à la baisse de sa note et Moody’s, qui n’a pas revu la sienne, a toutefois souligné le « faible mandat » dont disposait désormais le gouvernement.
S&P est aussi moins optimiste que Bercy sur l’état des finances publiques pour les prochaines années. Après avoir atteint 4,7% en 2022, le gouvernement table sur un déficit public légèrement plus haut cette année, à 4,9%, avant de refluer progressivement à partir de 2024, et prévoit un retour en 2027 dans les clous budgétaires européens, soit sous les 3%. S&P ne semble pas y croire : si elle ne donne pas de prévisions pour 2027, elle table sur un déficit de 3,8% en 2026 et elle prévoit une croissance de 1,2% en moyenne entre 2023 et 2026, contre 1,5% attendu par le gouvernement.
S&P « rappelle aussi que, même si les annonces du gouvernement ont l’air convaincantes, la France a un très mauvais historique en matière de contrôle de ses dépenses publiques », explique M. Dor à l’AFP. Aussi M. Le Maire a-t-il insisté vendredi : « Cette stratégie de désendettement et de réduction des déficits, nous devons nous y tenir avec la fermeté la plus totale », a-t-il dit, alors que l’endettement – le plus élevé des pays notés « AA » – a atteint 111,6% du PIB en 2027. Il faut « sortir progressivement de toutes les aides qui ont été mises en place ces dernières années », a estimé samedi sur Franceinfo le député Renaissance Pieyre-Alexandre Anglade.
Le gouvernement a d’ores et déjà annoncé fin mai geler 1% supplémentaire des crédits de son budget 2023, soit 1,8 milliard d’euros, en plus des 5% déjà gelés.
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