« Pour répondre à la menace chinoise, les Européens et la communauté des démocraties ont besoin d’être unis et forts », estime Dara Murphy, ex-directeur de campagne du PPE

Par Etienne Fauchaire
14 juin 2024 18:11 Mis à jour: 14 juin 2024 18:11

ENTRETIEN — Ancien ministre d’État chargé des Affaires européennes et de la protection des données en Irlande, ex-directeur du Parti populaire européen (PPE) lors des élections au Parlement européen de 2019, et aujourd’hui vice-président du cabinet de conseil Rassmussen Global, Dara Murphy s’intéresse de près aux politiques de cybersécurité, conseillant entreprises et gouvernements en matière de politique numérique. Expert des institutions européennes, il partage dans cet entretien son point de vue sur la réponse à apporter aux défis cybersécuritaires liés à la Chine et son analyse sur la coopération transatlantique.

Epoch Times : Selon vous, quelles sont les principales menaces cybersécuritaires auquel fait face l’Europe ? Faudrait-il renforcer la coopération entre l’Union européenne et les États-Unis pour y faire face ?

Dara Murphy : Je pense que nous devons d’abord améliorer la coopération entre États membres au sein de l’Union européenne. Durant le Paris Cyber Summit, nous avons reçu des personnes d’Europol qui ont poliment fait remarquer qu’avec plus de ressources, elles seraient en capacité de faire davantage. C’est ce que disent toutes les agences de police. Toutefois, je pense qu’en matière de cybersécurité, les choses vont s’accélérer avec l’arrivée de l’intelligence artificielle.

Il existe des domaines dans lesquels la collaboration à l’échelle européenne est exemplaire, ceux qui relèvent de la compétence de l’Union européenne, tels que le commerce ou l’environnement. Chacun peut constater la vitesse de notre capacité de réaction.

Malheureusement, les mesures de justice restent encore une compétence des États membres. Devrions-nous avoir un commissaire européen disposant d’une étendue renforcée de sa fonction en matière de sécurité ? Sur ce sujet, et aussi en matière de défense, les discussions au sein de la Commission se multiplient. Je pense que c’est la prochaine étape pour l’Europe.

Par la suite, il nous faudra collaborer davantage à l’échelle mondiale. Pas seulement avec les États-Unis d’Amérique, bien qu’ils soient un partenaire évident, mais aussi avec le G7, peut-être même le G20 ou l’OCDE, comme il s’agit de pays qui respectent les valeurs fondamentales que sont l’État de droit, la démocratie, la liberté de la presse, les droits civils. Autant d’éléments constitutifs d’une démocratie que malheureusement, les autocraties, les Chinois et les Russes ne respectent pas.

Plusieurs discours au cours de ce sommet ont évoqué la « menace chinoise ». Est-elle sérieusement prise en compte par l’Union européenne ?

Il ne fait aucun doute que le niveau des droits de l’homme en Chine n’est aucunement comparable à celui dont nous bénéficions en tant qu’Européens. Cependant, je pense que la Chine veut agir dans son propre intérêt, et c’est en ce sens qu’elle agit, en essayant de créer des relations économiques solides avec le monde.

Pour répondre à cette menace, je pense que les Européens et la communauté des démocraties ont besoin d’être unis et forts. Dès lors que nous pourrons démontrer que nous sommes unis et forts, je pense que la menace chinoise diminuera de manière significative, parce que la Chine est un pays qui, sans doute, se contentera de prendre ce qu’il peut obtenir.

Toutefois, le régime chinois ne veut pas perturber l’ordre mondial dans la même mesure que la Russie. Vladimir Poutine est un type de dictateur à l’ancienne, qui tente de rebâtir quelque chose qui ne pourra jamais être reconstruit : l’Union soviétique.

Ces deux régimes, Chine et Russie, constituent des menaces importantes. Les ambitions chinoises sur Taïwan en sont une. Comme le dit la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, nous devons en quelque sorte « atténuer les risques » avec la Chine. Toutefois, je ne crois pas qu’un découplage et une rupture serviraient un ordre mondial stable.

L’Europe devrait-elle soutenir les États-Unis dans sa volonté de protéger Taïwan face aux ambitions chinoises ?

Je pense que la protection de l’intégrité de Taïwan est cruciale pour l’avenir de la paix mondiale. Il serait catastrophique que les Chinois l’emportent. Et je pense que l’Europe doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour soutenir les Américains et les autres pays qui veulent s’assurer que Taïwan reste un pays libre et indépendant, en faisant comprendre qu’il s’agit là d’une ligne rouge absolue. Cela s’applique également à l’Ukraine. La Russie ne doit pas gagner la guerre.

La Chine et la Hongrie ont signé mi-février une clause d’un accord de sécurité prévoyant la création de patrouilles de policiers des deux pays sur le territoire hongrois. Quel regard portez-vous sur cette collaboration sino-hongroise ?

J’ai suivi de près ce qui se passe en Hongrie. Il y a eu beaucoup trop d’exemples, comme celui-ci, où Viktor Orban et son parti Fidesz ont piétiné les valeurs européennes que nous avons si durement travaillées à promouvoir.

Mais il est merveilleux de voir Péter Magyar et l’opposition commencer à se renforcer en Hongrie, un État membre important de l’UE. Bien des personnes là-bas soutiennent pleinement l’Union européenne et nos valeurs.

À l’approche de la présidentielle américaine, quel est l’avenir de la coopération entre États membres de l’UE et les États-Unis ?

Nous ne savons pas ce qui se produira aux États-Unis dans les prochains mois. Je me suis rendu outre-Atlantique à plusieurs reprises cette année et j’ai également assisté à la Conférence de Munich sur la sécurité. Nous continuons à entendre des commentaires très encourageants de la part de nombreux Républicains. Je pense que la relation entre les États-Unis et l’Europe peut se maintenir et évoluer de manière positive, quel que soit le vainqueur à la Maison-Blanche.

Je pense que les mesures pratiques mises en œuvre à travers le Conseil technologique transatlantique et le Paris Cyber Summit sont essentielles pour rassembler les responsables des agences de sécurité, et discuter avec ceux qui travaillent à des niveaux en dessous des présidents ou même des ministres, afin de trouver des solutions.

Je pense que c’est crucial au regard des commentaires prononcés par différents politiciens américains, qui peuvent surprendre et même susciter des inquiétudes. De la même façon, nous devons reconnaitre que la grande majorité des politiques des États-Unis et de l’Europe s’alignent à l’échelle mondiale.

Quel que soit le nouveau président des États-Unis, j’espère qu’il y aura une bonne relation entre l’Union européenne et les États-Unis au cours des quatre prochaines années, car, très franchement, il y a bien d’autres pays dans le monde qui piétinent l’État de droit et les libertés.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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