Pourquoi est-il si difficile pour certaines personnes de dire qu’elles sont désolées ? Il est incroyable de constater à quel point ces simples mots peuvent être difficiles à prononcer à voix haute.
Au fil des ans, j’ai eu la chance de côtoyer des personnes qui ne s’excusent jamais. Je dis avoir eu la « chance » parce que le fait de ne pas recevoir les excuses espéréesn(et que je pensais mériter) m’a conduite à étudier la « psychologie des excuses », et mon rapport avec elles.
J’ai également passé beaucoup de temps à réfléchir à pourquoi certaines personnes refusent de s’excuser, même lorsqu’elles savent qu’elles ont causé du tort, et même lorsque l’offense est mineure et n’engage pas à une grande responsabilité.
Récemment, j’ai été confrontée à une amie qui refusait de s’excuser d’avoir égaré un objet qu’elle m’avait emprunté. Je ne l’avais pas au moment où j’en avais besoin – et alors ? Un simple « je suis désolée » aurait tout de suite mis fin à l’affaire. Mais ces deux mots n’ont jamais été prononcés, et la partie la moins évoluée de moi-même s’en est trouvée exaspérée, en colère, et exigeant des excuses pour quelque chose qui ne m’importait pas vraiment.
La psychologie du pardon
Au niveau le plus élémentaire, l’action de s’excuser est une reconnaissance d’avoir fait quelque chose de mal. Pour certaines personnes, il est impossible d’admettre avoir commis un acte répréhensible et ce, même si elles se sentent mal à l’aise et savent être dans l’erreur. Étrangement, une telle personne qui ne s’excuse jamais peut avoir des remords, mais tout de même refuser de prononcer les deux mots qui répareraient son erreur.
Pour être capable d’admettre avoir fait quelque chose de mal, il faut avoir un certain niveau d’estime de soi ou de force de l’ego. Les personnes qui manquent profondément de confiance en elles peuvent avoir du mal à s’excuser, en partie parce qu’une seule erreur peut anéantir complètement leur confiance en soi. Une personne ayant une faible estime d’elle-même ne peut à la fois reconnaître commettre une erreur et penser être tout de même une bonne personne, qui a de la valeur.
S’excuser, c’est admettre être faillible, ce qui peut éveiller un grand réservoir d’insuffisances et de honte qu’une personne peut porter en elle, et ainsi menacer le fragile récit que cette personne a construit à propos d’elle-même. Pour une personne qui a une faible estime d’elle-même, reconnaître une erreur peut être synonyme d’anéantissement.
Il y a aussi le type de personne qui, dans son enfance, a été blâmée sans relâche, à qui l’on a dit être responsable de tous les problèmes et qui a été punie en conséquence. À l’âge adulte, ces personnes ont tendance à prendre l’une des deux directions suivantes : soit elles s’excusent pour tout, même pour des choses qu’elles n’ont pas faites, soit elles refusent de s’excuser pour quoi que ce soit, même pour des choses qu’elles ont faites.
Les personnes qui ne s’excusent pas ont décidé – consciemment ou inconsciemment – de ne plus jamais accepter d’être blâmées, de quelque manière que ce soit. Et ont fermé la porte à tout ce qui pouvait s’en approcher. Pour ce genre de personnes, s’excuser leur ferait revivre des sentiments liés à leur expérience précoce d’être jugées coupables et mauvaises. Ayant été injustement et indistinctement accusées de tous les maux, elles n’ont tout simplement plus d’espace psychique pour prendre la responsabilité d’actes qui pourraient être aujourd’hui répréhensibles.
Et puis il y a ceux qui refusent de s’excuser parce qu’ils manquent d’empathie et ne sont pas vraiment désolés que les autres aient été blessés par leurs actions. Ils pensent que les excuses ne sont appropriées que dans les situations où ils vous ont délibérément causé du tort. Aucune excuse n’est méritée ou indiquée lorsque la douleur que vous avez ressentie n’a pas été causée intentionnellement et n’est donc « techniquement » pas de leur faute. Votre douleur, en soi, n’a aucune valeur particulière à leurs yeux.
Voilà seulement quelques différents profils de personnes qui ne s’excusent jamais. Il existe de nombreuses autres raisons pour lesquelles certaines personnes ne peuvent ou ne veulent pas s’excuser. Pouvoir dire qu’on est désolé, c’est être capable d’être vulnérable – ce qui pourrait être trop effrayant, trop triste et trop dangereux pour certains.
Dire « je suis désolé », c’est aussi reconnaître que : je me soucie de ce que vous ressentez et que vous avez été blessé ; je me soucie suffisamment de vous pour être prêt à mettre mon ego de côté et à cesser de défendre ma version de moi-même afin d’être réceptif à votre ressenti ; je me soucie suffisamment de vous pour être prêt à admettre que je suis imparfait.
Le cadeau des excuses sincères
Recevoir des excuses sincères est un cadeau extraordinaire. On se sent entendu, reconnu, compris et valorisé. Presque toutes les blessures peuvent être soulagées par un « Je suis désolé » sincère et authentique. Lorsqu’une autre personne nous regarde dans les yeux et nous dit qu’elle est désolée pour un acte qui nous a causé du tort, nous avons le sentiment de compter.
Lorsque quelqu’un s’excuse auprès de nous, nous nous sentons également justifiés d’être contrariés. La personne qui s’excuse assume, à un certain niveau, la responsabilité du résultat de ses actions, intentionnelles ou non. Et lorsque cela se produit, nos entrailles se dénouent. Plus besoin de lutter pour prouver la valeur de notre expérience, la légitimité de nos sentiments et que cela compte.
J’ai récemment parlé à une amie chère de quelque chose qu’elle faisait et qui, selon moi, nuisait à notre amitié et me donnait envie de l’éviter. J’étais nerveuse à l’idée de le lui dire, ayant côtoyé dans ma vie tant de personnes qui ne sont jamais désolées. Or cette amitié est importante pour moi, et je ne pouvais pas laisser tomber : j’avais besoin d’exprimer ce qui ne fonctionnait pas. Je devais prendre le risque de lui dire ma vérité – avec gentillesse – pour faire évoluer la relation.
Ce qui s’est passé a été profondément rédempteur. Je lui ai partagé mon ressenti, comment son comportement était douloureux pour moi. Elle a écouté, puis a fait quelque chose d’étonnant : elle s’est excusée. Elle était désolée d’avoir causé cette douleur, même si ce n’était pas intentionnel et qu’elle ne savait pas ce qui se passait. Elle a continué à dire beaucoup d’autres choses imprégnées d’amour. Or, elle n’avait besoin de le faire – je lui avais déjà tout pardonné après qu’elle eut prononcé le mot « désolé ».
Il ne s’agit pas ici d’un essai sur comment faire s’excuser une personne qui ne s’excuse jamais. Dans la plupart des cas, j’ai échoué à cette tâche dans ma vie. Toutefois, ce que j’ai réussi à améliorer est d’accepter les choses que je ne peux changer et de dépenser moins d’énergie à lutter pour obtenir des excuses de quelqu’un qui n’a pas la capacité d’en offrir.
J’ai également appris à honorer mon besoin d’obtenir des excuses lorsque ce dernier se manifeste et à m’offrir à moi-même la bienveillance et la légitimation que je cherche à obtenir des autres. Plus je suis consciente en l’absence d’excuses, moins j’en ai besoin pour valider ce que je sais être vrai.
Lorsque nous sommes blessés par une autre personne, notre corps devient rigide et attend des excuses pour se détendre, aller de l’avant et laisser partir la blessure. Toutefois, il arrive que nous n’obtenions pas ce dont nous pensons avoir besoin, et nous devons alors apprendre à nous détendre par nous-mêmes. Nous faire confiance et savoir que notre douleur mérite la bienveillance, et que notre ressenti est justifiée et valable, est le début de notre processus de guérison autonome.
Considérez la valeur profonde d’un simple et sincère « Je suis désolé ». Lorsque vous avez la chance de recevoir des excuses sincères, prenez-en bonne note. Sentez la noblesse de ce que l’autre personne vous offre. Recevez son acceptation d’être vulnérable et responsable, sa volonté de prendre soin de vous plutôt que de mettre l’emphase sur son propre ego. Voilà quelque chose d’extraordinaire.
Ainsi, lorsque vous remarquer une occasion de vous excuser et de le faire sincèrement, savourez la chance de faire vivre cette expérience à une autre personne, d’aller de l’avant et peut-être de sortir de votre zone de confort. Laissez-vous aller et soyez généreux. Et quand vous le pouvez, honorez la grandeur du cadeau que vous faites. « Je suis désolé » et « merci » sont en fait les deux faces d’une même pièce.
Nancy Colier est psychothérapeute, ministre interconfessionnelle, conférencière, animatrice d’ateliers et auteur.
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