En observant ce tableau du XVe siècle intitulé « Portrait d’une femme de la famille Hofer », on remarque immédiatement une bizarrerie. Œuvre d’un artiste inconnu, ce chef-d’œuvre allemand contient un détail curieux : une mouche sur le voile blanc intégral du sujet, rendu de façon réaliste.
« Pourquoi cette dame a-t-elle une mouche sur la tête ? » demande Francesca Whitlum-Cooper, conservatrice associée de la National Gallery de Londres, dans une vidéo. « Qu’est-ce que cela nous apprend sur les ruses que les artistes nous réservent ? »
Expliquant les origines de l’œuvre, Francesca Whitlum-Cooper poursuit en décrivant à quel point se faire peindre le portrait à cette époque de l’histoire était « incroyablement cher », même pour les personnes très riches. Cela ne pouvait se faire qu’une ou deux fois dans la vie d’une personne et nécessitait de revêtir ses plus beaux vêtements afin d’être le plus présentable possible.
On devait s’asseoir des heures durant ; ensuite, il y avait une longue attente pour voir le résultat final le temps que l’artiste travaille sur son œuvre. Imaginons alors qu’une mouche a été délibérément insérée dans le portrait.
Le tableau, qu’on estime avoir été réalisé vers 1470 par un artiste travaillant dans le sud-ouest de l’Allemagne, représente l’objectif ultime des artistes à travers les siècles, à savoir, capturer un moment réaliste en un instant donné.
Selon la conservatrice, tout dans le portrait est conçu pour évoquer la richesse. Depuis le brocart du costume de la dame, avec ses fermoirs métalliques complexes, jusqu’à l’arrière-plan en tissu. La jeune femme, dont le visage lisse et sans contour a été capturé avec une grande attention aux détails, porte également de précieuses bagues en or. Sa coiffe d’un blanc immaculé a dû nécessiter beaucoup de lavage et de repassage, ce qui indique un autre signe de richesse.
« Bien sûr, la coiffe nous ramène à… cette satanée mouche posée là, avec ses grands yeux en forme de billes, et ses ailes transparentes peintes avec tant de détails qu’on voit non seulement les pattes grêles de la mouche, mais même l’ombre projetée par ces pattes sur la coiffe blanche », a précisé Francesca Whitlum-Cooper, « alors pourquoi l’artiste a-t-il inclus une mouche sur la tête de cette charmante dame ? »
La réponse, selon elle, est qu’il s’agit d’une plaisanterie. Selon Francesca Whitlum-Cooper, ce qui est particulièrement ingénieux, c’est qu’il s’agit d’une double plaisanterie : d’une part, la mouche a été trompée en pensant que la coiffe était réelle, d’autre part, le premier réflexe du spectateur est de remarquer la mouche et de vouloir la chasser.
« Nous avons été dupés », a déclaré Francesca Whitlum-Cooper. « Parce qu’en fait, tout ici est bidimensionnel – ce n’est que de la peinture. Le talent de l’artiste est d’avoir pris cette peinture, un pinceau et un peu de bois, et d’avoir produit quelque chose de si réaliste. Nous croyons, ne serait-ce qu’une seconde, qu’il s’agit d’une mouche posée sur ce tableau. »
Francesca Whitlum-Cooper souligne que la dame habitait un univers totalement différent de celui d’aujourd’hui et qu’elle vivait des centaines d’années avant le monde saturé d’images dans lequel nous vivons, où tout le monde a un appareil photo dans sa poche.
Les artistes de l’époque disaient : Regardez comment je peux capturer le monde qui m’entoure ».
Le désir de tromper le public, et de rendre quelque chose de fictif aussi crédible, remonte aux origines de la peinture.
« Nous pensons que la peinture dans la tradition occidentale a commencé au cinquième siècle avant J.-C., dans la Grèce antique », a expliqué Francesca Whitlum-Cooper, en évoquant le concept d' »illusionnisme radical », selon lequel les artistes peignent des images tellement réalistes que même la nature est dupée pensant qu’elles sont réelles.
La conservatrice pense que dans le tableau « Portrait d’une femme de la famille Hofer », le sujet devait être au courant de la plaisanterie : « Il est impossible qu’un artiste colle une mouche sans que la dame ne le sache. Quand je regarde ses lèvres légèrement retroussées et que je regarde la mouche, je pense qu’elle a dû comprendre ce que cela signifiait en terme de farce ; et que les amis et la famille qui viendraient voir l’œuvre vivraient ce moment où ils seraient trompés par l’illusion ».
L’identité de la femme sur le portrait reste un peu mystérieuse, mais le fait qu’elle tienne un petit bouquet de délicates fleurs de myosotis, fleurs associées à l’amour, fait dire à Francesca Whitlum-Cooper, que le portrait a peut-être été commandée pour commémorer des fiançailles ou un mariage. Il est également possible que la variété des fleurs contienne un autre indice.
Francesca Whitlum-Cooper a indiqué : « Il faut penser au nom, qui en anglais se dit, « forget-me-not », (ne m’oubliez pas). Cette une fleur associée au souvenir et au fait de ne pas oublier les gens. S’agit-il d’un portrait peint pour que nous nous souvenions de cette femme après sa mort ? Nous ne le savons pas à 100%. »
« Ce curieux portrait a une histoire intrigante. Il appartenait au prince Albert, prince consort et époux de la reine Victoria, qui l’a offert à cette dernière et qui, à son tour, l’a offert à la nation », explique Francesca Whitlum-Cooper.
« Quelle que soit l’histoire de cette dame, nous savons qu’elle nous parvient par le biais d’une histoire d’amour », a-t-elle conclu. « Il va sans dire que ce tableau est loin d’être le plus grand de notre collection à la National Gallery. Je pense qu’il serait difficile de soutenir que c’est le plus important, mais c’est un tableau qui mérite vraiment d’être regardé de près ».
Le « Portrait d’une femme de la famille Hofer » ne fait pas seulement sourire la conservatrice chaque fois qu’elle le regarde, mais lui aussi rappelle que « les meilleurs artistes nous maintiennent toujours en haleine ».
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