Alors que la Chine cherche à devenir un acteur important dans le cercle arctique et à gagner la faveur du Groenland, les États-Unis ont récemment entré en désaccord avec le Groenland au sujet d’une base aérienne américaine.
Selon les médias du Groenland, ce conflit pourrait ouvrir la porte à Pékin et lui permettre de réaliser davantage ses ambitions dans l’Arctique.
La base aérienne américaine en question est la base aérienne de Thule, située dans la partie nord-ouest du Groenland et qui abrite le 821e Groupe de base aérienne, une unité de la 21e Escadre spatiale. Cette unité, qui fait partie de l’U.S. Air Force, est chargée de donner des alertes précoces sur les missiles et de détecter tout objet en orbite autour de la terre afin de les empêcher d’entrer en collision avec des satellites. Thule est la base la plus septentrionale de l’armée de l’air et est sous opération américaine depuis la Seconde Guerre mondiale.
Le Groenland est stratégiquement important pour l’armée américaine, car la route la plus courte entre l’Amérique du Nord et l’Europe passe par l’île arctique, selon Reuters. Il s’agit d’un pays constitutif autonome du Royaume de Danemark.
Le radiodiffuseur national du Groenland, KNR, dans un article d’opinion publié le 30 août, a interpelé la décision des États-Unis de faire appel à Vectrus Services, une filiale d’une société basée au Colorado, pour assurer l’entretien de la base aérienne de Thule, arguant que la société ne répondait pas aux besoins du Groenland.
En n’attribuant pas le contrat à une entreprise groenlandaise ou danoise, KNR a déclaré que le Groenland perdait jusqu’à plusieurs millions de dollars américains par an.
Le contrat de service pour la base aérienne de Thule a toujours été accordé au Groenland à titre de subvention économique indirecte, selon l’ Institut de l’Arctique, un organisme à but non lucratif de recherche et de politique arctique basé à Washington. Mais, à partir de 2014, un changement de procédure a permis aux entreprises américaines de remporter le contrat.
Ce faisant, « lorsque les Américains économisent [de l’argent] sur [Thule], ils invitent en fait les Chinois au Groenland, sapant ainsi peut-être la position des États-Unis au Groenland », a déclaré Jon Rahbek-Clemmensen, professeur associé au Royal Danish Defense College de Copenhague, à KNR.
Le Groenland est la plus grande île du monde, (mis à part le continent de l’Australie) mais sa population n’est que d’environ 56 000 habitants. Bien que le Groenland jouisse de l’autonomie dans certains domaines, notamment les affaires judiciaires, l’utilisation des ressources naturelles et la police, ses intérêts étrangers et de sécurité sont entre les mains du gouvernement danois, comme le stipule la Constitution danoise.
Il semble que le contrat avec les États-Unis n’est pas entièrement confirmé. La ministre des Affaires étrangères du Groenland, Vivian Motzfeldt, a déclaré à KHR, le 29 août, que les négociations étaient toujours en cours.
L’article du 30 août du KNR s’est terminé par une question : « Les [Groenlandais] devraient-ils se pencher vers Pékin au lieu de Washington si nous ne pouvons pas obtenir de l’argent des États-Unis ? »
L’ambition de la Chine pour l’Arctique
Au fur et à mesure que la calotte glaciaire de l’Arctique continue de fondre, la possibilité de traverser l’Arctique est devenue une réalité. Cela est particulièrement intéressant pour les compagnies maritimes chinoises, car cela réduirait le temps et le coût d’expédition des marchandises des ports chinois vers l’Europe, par rapport aux routes traditionnelles par le canal de Suez.
Par exemple, l’expédition de Shanghai vers Hambourg, en Allemagne, pourrait prendre environ 14 jours de moins si les cargos empruntent la Route maritime du Nord, l’une des trois principales routes maritimes de l’Arctique, par rapport à la route qui traverse les eaux de l’Asie du Sud-Est et atteint le canal de Suez, selon Forbes.
Pour la Route maritime du Nord, les navires quittant les ports chinois voyageraient vers le nord, passant par la mer du Japon et passant par le détroit de Béring, situé entre la Russie et l’Alaska, avant de traverser les mers au-dessus de la Russie, pour finalement passer par la mer de Norvège et l’Europe du Nord.
Les ambitions de Chine dans le dossier de l’Arctique se sont accrues alors qu’elle est devenue un observateur permanent du Conseil de l’Arctique en mai 2013. Le Conseil, composé de huit États de l’Arctique – le Canada, le Royaume du Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Russie, la Suède et les États-Unis – détient la souveraineté sur les terres du cercle polaire arctique. Les « observateurs permanents » sont invités aux réunions du Conseil de l’Arctique et sont autorisés à proposer des projets.
En 2017, Pékin a publié un document intitulé « Vision pour la coopération maritime dans le cadre de l’Initiative route et ceinture (Belt and Road Initiative, B&R selon l’acronyme anglais) ». La proposition prévoyant une liaison arctique entre la Chine et l’Europe occidentale viendrait compléter l’initiative chinoise One Belt, One Road (OBOR, également appelée Belt and Road, qui se traduit par « Une ceinture et une route » ou « La nouvelle route de soie ») : proposée en septembre 2013, OBOR cherche à établir des partenariats économiques avec Pékin et plus d’un milliard d’euros par an.
Les ambitions du régime chinois ont été exposées dans un livre blanc intitulé La politique arctique de la Chine, publié en janvier. Le document, qui indiquait que « la situation pour l’arctique dépasse désormais son caractère inter-arctique d’origine ou sa nature régionale », a annoncé que la Chine participerait à la gouvernance de l’Arctique, notamment en prenant des décisions sur l’utilisation des ressources arctiques par le Conseil arctique et le développement des routes maritimes dans la région.
Certains observateurs sont inquiets. James Jay Carafano, vice-président pour les études de politique étrangère et de défense à la Heritage Foundation, a écrit que l’influence de la Chine pourrait ne pas être bénigne. L’article a été publié sur GIS Online, une publication basée au Liechtenstein, et réimprimé par Epoch Times.
M. Carafano s’inquiète notamment de la possibilité que la Chine place certains pays dans des « situations (pièges) d’endettement », comme ce fut le cas pour le Sri Lanka, qui a cédé le contrôle de son principal port sud situé à Hambantota après que la Chine a financé le projet OBOR. Le Sri Lanka n’a pas été en mesure de rembourser les plus de 5 milliards € de prêts et a donc converti la dette en capitaux propres.
Les intérêts de la Chine au Groenland
Pour la Chine, le Groenland serait un élément stratégique de son ambition arctique.
Un éditorial publié le 17 janvier par le média d’État Xinhua a souligné que si la Chine ne cherchait pas à coopérer avec d’autres pays, elle serait trop dépendante de la Russie, ce qui placerait la Chine dans une position de faiblesse par rapport à l’Arctique. Ainsi, le Groenland devrait jouer un rôle essentiel dans la mise en œuvre de la politique de la Chine pour l’Arctique, étant donné la proximité du Groenland avec les voies maritimes de l’Arctique, selon l’article.
En outre, une relation plus étroite avec le Groenland permettrait à la Chine d’exploiter ses riches ressources minérales, dont l’uranium et les terres rares, selon Xinhua.
En avril, Guancha, un site d’information en ligne géré par l’État, a publié un article préconisant l’investissement chinois au Groenland pour répondre à « son désir » de devenir une nation indépendante.
Ces dernières années, certains partis politiques et individus au Groenland ont cherché à obtenir l’indépendance du Danemark. Cependant, une séparation du Danemark ferait du Groenland le pays européen le plus pauvre. Selon les données de la Banque mondiale, le PIB du Groenland s’élevait à environ 2,3 milliards € (3,48 milliards $ CA ou 2,7 milliards $ US d’aujourd’hui) en 2016, soit moins que les 5,82 milliards € (8,82 milliards $ CA ou 6,75 milliards $ US) enregistrés par la Moldavie cette année-là.
Les entreprises chinoises ont déjà fait des percées sur le marché des minéraux du Groenland. Par exemple, Shenghe Resources Holding, une société cotée en bourse, dont l’Académie chinoise des sciences géologiques, son principal actionnaire, développe des mines de terres rares d’uranium et de zinc à Kvanefjeld, l’un des plus grands gisements multi-éléments du monde. Le projet fonctionne en coopération avec la société australienne Greenland Minerals and Energy, selon le site de nouvelles financières australien Proactive Investors.
Tous les investissements chinois au Groenland n’ont pas été réalisés. Par exemple, en avril 2017, le projet d’achat par la Chine d’une base navale abandonnée à Kangilinnguit a été rejeté par le Danemark, car ce dernier ne voulait pas qu’un autre pays prenne pied au Groenland, selon Reuters.
L’investissement chinois pour agrandir trois aéroports au Groenland, annoncé pour la première fois en mars dernier, a été suspendu en juin, après des discussions entre le Danemark et les premiers ministres du Groenland, selon Reuters.
Dans un article d’opinion du 2 août, Geopolitical Monitor, une publication canadienne, met en garde contre la dépendance économique croissante du Groenland à l’égard de la Chine.
« La Chine a démontré sa capacité de faire en sorte que ses investissements financiers dans certains pays soient convertis en influence politique sur les institutions multilatérales », selon la même source.
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