Le sol ne se limite pas à une simple surface que l’on foule de ses pieds. Il constitue un écosystème à part entière, essentiel à nos sociétés pour l’approvisionnement en nourriture et en matériaux, la régulation du cycle de l’eau et du climat, le recyclage de déchets organiques, la préservation d’un patrimoine biologique et culturel…
Les sols fertiles sont en quantité très limitée sur notre planète – environ un huitième des terres émergées, soit 1500 millions d’hectares. Pourtant, la majorité des sols du monde est en général dans un état passable, mauvais ou très mauvais, et leurs conditions empirent.
Alors qu’une proportion toujours croissante de la population humaine vit en ville, le risque de déconnexion entre les bénéficiaires des services rendus par les sols et la prise de conscience de leur importance est réel. Ne dit-on pas aux plus jeunes d’éviter de mettre les mains dans la terre, car « c’est sale » ?
Malgré son importance, le sol n’est pas visible et reste donc mal connu. L’indifférence de nos sociétés, associée à la pression des activités humaines et à un manque de réglementation dédiée engendrent d’importantes dégradations, dont certaines sont quasi irrémédiables.
La gestion durable de ces espaces doit être au premier plan de nos préoccupations, tant pour assurer notre alimentation, que pour protéger l’environnement, ou encore développer une agriculture plus économe en intrants (engrais et pesticides), valorisant au mieux le fonctionnement biologique et écologique des sols.
Reconnecter la société aux sciences des sols est donc aujourd’hui un enjeu majeur afin de favoriser leur protection et de renforcer les services qu’ils nous rendent. Ce transfert de connaissances doit passer par la multiplication des actions de vulgarisation vers le grand public, mais aussi dans l’enseignement et auprès des décideurs.
Partager les expériences
Pour des scientifiques, si intervenir dans une classe, proposer une exposition ou une animation lors de la Fête de la science, constituent autant d’activités agréables, elles sont aussi souvent source d’interrogation. Comment adapter le discours aux enfants, au grand public, aux décideurs ? Comment préparer une séance, une exposition, un stand ? Comment présenter ce sujet d’étude noir, sale et à l’apparence si banale comme un milieu riche et mystérieux ?
Pour inciter scientifiques et médiateurs des sciences à partager leurs retours d’expériences, l’Association française pour l’étude du sol (AFES) a édité un numéro spécial de sa revue Étude et gestion des sols sur le thème « Communiquer et sensibiliser au sol ».
Ce numéro rassemble plusieurs événements ou produits de vulgarisation pour mieux sensibiliser une grande variété de public à ces questions. Les approches décrites sont diversifiées : dispositifs pédagogiques et ludiques à destination de publics scolaires, animations, expositions et outils de sensibilisation pour des évènements grand public, applications web de sciences participatives pour les naturalistes amateurs, jeux familiaux…
Nouvel article de la revue #EGS dans le numéro spécial « Communiquer et sensibiliser » : « La face cachée du sol » n°14 des cahiers d’Aiena @JoelleSauter @hilaire ➡️ https://t.co/U5rGlWzOHi pic.twitter.com/4rfvX2fXvN
— AFES (@afes_fr) June 30, 2020
Mais le sol des uns n’est pas celui des autres. Le communicant doit donc commencer par écouter et apprendre le sol de l’autre pour lui transmettre ensuite le sien propre. Associer les citoyens à la production de ressources pédagogiques et la production de connaissance sur les sols est également une voie de sensibilisation reconnue.
Un programme associant scientifiques, enseignants et formateurs est actuellement mené par l’AFES pour recenser, partager et produire des ressources pour l’enseignement sur les sols.
Et, parmi les nombreux projets de sciences participatives, quelques-uns sont spécifiques au sol, tels que les observatoires participatifs de la biodiversité des sols et des vers de terre, l’échantillonnage participatif des vers de terre ou encore le Teabag Index Project, qui vise à acquérir des données de décomposition de matières organiques dans les sols.
Même si des ressources pédagogiques et initiatives de sensibilisation sur les sols existent, elles sont aujourd’hui très dispersées. Les rendre plus visibles pourrait passer par un recensement plus systématique et l’alimentation des sites existants.
Voici quelques sources francophones précieuses à retrouver en ligne :
– le site Mtaterre.fr, proposé par l’Ademe.
– le site de l’AFES, l’Association française pour l’étude du sol.
– le site du GIS SOL, le Groupement d’intérêt scientifique sol, qui donne accès aux bases de données et aux publications techniques et scientifiques sur les sols.
– le site de « Sols et territoires », un réseau mixte technologique qui vise une prise en compte des sols dans différentes politiques, projets et programmes environnementaux et d’action agricoles.
Rendre les sols médiatiques
Renforcer la présence des sols dans les médias grand public constitue une autre étape incontournable, tant le sujet est peu mis en avant.
Quelques émissions de radio, des reportages et des articles – comme sur The Conversation où ont été notamment évoqués la vie des sols urbains, le stockage de carbone ou encore la pollution des sols au chlordécone – ouvrent la voie ; mais il faut renforcer cette médiatisation en reliant les enjeux de préservation des sols à ceux de la société.
Des approches plus décalées ont aussi leur intérêt, comme l’opération #PlanteTonSlip soutenue par l’Ademe, ou ses équivalents destinés au monde agricole, au niveau national et international.
Cette initiative originale aura éveillé les curiosités avec des reportages sur France Inter, France Info, Loopsider et des collaborations avec les désormains incontournables Youtubeurs.
Il y a aussi quelques films, comme Bienvenue les vers de terre (Prix du meilleur film au festival des possibles en 2019) ou Kiss the Ground, film à gros budget diffusé sur Netflix et dont la bande-annonce a été vue plus de 8 millions de fois ; ils nous montrent que le sol peut et doit devenir aujourd’hui un sujet grand public.
Sophie Raous (AFES), Dominique Arrouays (Inrae), Michel Brossard (IRD/AFES) et Antoine Pierart (Ademe) sont co-auteurs de cet article.
Tiphaine Chevallier, Chercheuse, Institut de recherche pour le développement (IRD); Anne C. Richer-de-Forges, Pédologue-cartographe, Inrae et Thomas Eglin, Animateur thématique « biodiversité, sol et paysage », Ademe (Agence de la transition écologique)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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