Les zèbres sont connus pour leur robe contrastée, rayée de blanc et de noir, mais jusqu’à très récemment personne ne savait vraiment à quoi servait cet inhabituel pelage. De grands biologistes de l’ère victorienne, comme Charles Darwin et Alfred Russel Wallace, ont participé à ce débat vieux de près de 150 ans.
Toutes sortes de théories ont été avancées, mais les scientifiques ne se penchent sérieusement sur la question que depuis quelques années. On peut regrouper les différentes hypothèses en quatre catégories : la robe à rayures des zèbres leur permettrait d’échapper aux prédateurs, elle jouerait un rôle dans leurs interactions sociales, elle favoriserait leur régulation thermique ou elle les protégerait des piqûres d’insectes.
Toutes ont été réfutées, sauf une. Nos récentes découvertes permettent aujourd’hui d’en savoir un peu plus.
Quelles étaient les hypothèses ?
Leur permettraient-elles d’éviter de finir dans l’estomac d’un prédateur ? Cette hypothèse soulève un grand nombre de problèmes. Des observations sur le terrain ont démontré que l’œil humain repère sans peine les zèbres parmi les arbres ou au milieu d’une prairie, même sans beaucoup de lumière : ils sont loin d’être camouflés. De plus, en cas de danger, la fuite des équidés ne semble pas tirer profit de l’effet perturbant de leurs rayures, ce qui invalide l’hypothèse de la confusion créée chez le prédateur.
Rappelons aussi que les lions et les hyènes tachetées ont une vue bien plus mauvaise que la nôtre : les carnivores ne distinguent les zébrures de leurs proies que de près, lorsqu’ils ont sans aucun doute déjà entendu ou flairé leur proie. Il paraît donc peu probable que les rayures des zèbres leur procurent un quelconque avantage contre les prédateurs.
D’autant que les zèbres sont les proies de prédilection des lions. D’après une étude menée à l’échelle du continent africain, les félins en tuent plus que nécessaire par rapport aux besoins de leur population. On peut en conclure que les zébrures offrent une bien piètre protection contre ces grands carnivores.
Quid de l’idée selon laquelle la robe des zèbres favoriserait les interactions sociales au sein du troupeau ? Chaque individu arbore des motifs uniques. Les zébrures serviraient-elles d’identification ? Cela semble hautement improbable, compte tenu du fait que les chevaux domestiques à la robe unie identifient leurs congénères par la vue et l’ouïe. De plus, la toilette mutuelle, une pratique permettant de créer du lien social au sein du groupe, n’est pas moins fréquente chez les spécimens zébrés que chez les autres espèces d’équidés. En outre, les rares individus à naître sans zébrures, loin d’être ostracisés, vivent et se reproduisent normalement.
Serait-ce un moyen de se protéger du cuisant soleil africain ? Partant du principe que les rayures noires absorbent les radiations et que les blanches les renvoient, d’aucuns ont avancé que les zébrures généreraient des courants de convection le long de l’échine de l’animal, et participeraient ainsi à réduire sa température corporelle.
Là encore, l’hypothèse paraît improbable : des expériences consistant à recouvrir de larges barils d’eau de fourrures rayées ou unies (naturelles ou peintes) n’ont montré aucune variation de la température de l’eau. De plus, d’après les mesures thermographiques à distance réalisées sur des zèbres, des impalas, des buffles et des girafes sauvages, les zèbres ne présentent pas une température corporelle moins élevée que celles des autres espèces vivant dans le même environnement.
La dernière hypothèse émise sur les zébrures semble sans doute ridicule au premier abord : les rayures empêcheraient les insectes piqueurs de prélever leur ration de sang. Pourtant, elle compte de nombreux partisans.
Des expériences remontant aux années 1980, récemment confirmées, ont démontré que les mouches Tsé-tsé et les taons ne se posent pas sur les surfaces zébrées.
Des données récoltées à l’échelle du territoire géographique de sept espèces d’équidés viennent étayer cette théorie. Certaines de ces espèces ont une robe à rayures (zèbres), d’autres, une robe unie (onagres) ou partiellement zébrée (ânes sauvages d’Afrique). Après comparaison entre les espèces et sous-espèces, il apparaît que la densité des rayures est corrélée à l’intensité des nuisances causées par les insectes en Afrique et en Asie. Autrement dit, les équidés sauvages présents dans les zones à forte densité d’insectes piqueurs sur de longues périodes de l’année arborent généralement une robe rayée.
Selon cette théorie, les équidés africains auraient développé des rayures afin de se protéger des insectes piqueurs porteurs de maladies telles que la trypanosomiase, la peste et la fièvre équines, toutes potentiellement fatales. Avec leurs poils ras, les zèbres seraient d’ailleurs particulièrement vulnérables aux piqûres. En supposant que les motifs contrastés protègent des insectes et des maladies mortelles qu’ils transmettent, développer un pelage à zébrures représenterait un avantage considérable, transmis au fil des générations.
Testons l’hypothèse de la zébrure anti-insectes
Comment les zébrures influent-elles sur le comportement des insectes piqueurs ? Nous avons entrepris de vérifier cette hypothèse sur les pensionnaires d’une écurie du Somerset (Royaume-Uni), où la population de taons augmente en été.
Nous avons eu la chance de travailler avec Terri Hill, la propriétaire de ces écuries, qui nous a permis d’approcher ses chevaux et ses zèbres des plaines domestiqués, et ainsi d’observer la façon dont les insectes évoluent autour des animaux. Nous avons filmé leur comportement à proximité des équidés, équipés de couvertures de différentes couleurs.
Il est important de rappeler que les insectes voient vraiment moins bien que les humains. Nous avons remarqué que si les insectes, sans doute attirés par l’odeur, approchaient autant les zèbres que les chevaux, ils se posaient en revanche beaucoup moins sur les zèbres. Du côté des chevaux, mouches et taons restaient en vol stationnaire et leur tournaient autour avant de se poser à de multiples reprises. À proximité des zèbres, ils filaient par contre sans s’arrêter ou ne se posaient qu’une fois, puis reprenaient leur envol.
Des analyses image par image ont révélé que les insectes ralentissaient à l’approche du pelage noir ou baie des chevaux avant de contrôler leur atterrissage. En revanche, ils ne parviennent pas à maîtriser leur décélération à l’approche des zèbres. Ils poursuivent leur trajectoire ou heurtent de plein fouet l’animal sur lequel ils rebondissent.
Nous avons tour à tour équipé le même cheval de couvertures noire, blanche puis rayée afin d’observer les différences comportementales ou olfactives de l’animal. Là encore, les insectes évitaient de se poser sur les rayures. Mais nous n’avons constaté aucune variation dans les cadences d’atterrissage sur la tête dénudée du cheval, ce qui prouve que les zébrures exercent un effet de près, mais n’empêchent pas les insectes d’approcher.
Cela montre aussi l’efficacité des couvertures rayées pour chevaux, actuellement vendues par deux entreprises.
Par conséquent, puisque nous savons à présent que les zébrures influent sur le comportement des taons à proximité à l’animal, et non à distance, que pouvons-nous observer à quelques centimètres de l’hôte ? D’une part, les rayures créeraient une illusion d’optique qui perturberait la perception du mouvement de l’insecte à l’approche du zèbre, l’empêchant ainsi de se poser normalement. D’autre part, on peut aussi avancer que les insectes ne distinguent pas le zèbre comme une entité solide mais plutôt comme une série de fins objets noirs. Ce n’est qu’au tout dernier moment qu’ils visualisent la collision imminente et changent de trajectoire. Ces deux hypothèses sont actuellement à l’étude.
Ces recherches fondamentales sur le comportement des insectes n’expliquent pas seulement pourquoi les zèbres arborent ces magnifiques robes à rayures : elles soulignent également les applications concrètes dont pourrait bénéficier l’industrie équestre afin d’améliorer le bien-être du cheval comme du cavalier.
Traduit de l’anglais par Mathilde Montier pour Fast for Word.
Tim Caro, Professor of Wildlife, Fish & Conservation Ecology, University of California, Davis et Martin How, Research Fellow in Biological Sciences, University of Bristol
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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