OPINION

Poutine est l’outil de Xi Jinping

mai 29, 2024 17:33, Last Updated: juin 7, 2024 21:26
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La récente visite du président russe Vladimir Poutine en République populaire de Chine avec le dirigeant du Parti communiste chinois Xi Jinping est remarquable, tout d’abord, pour les déclarations qu’ils ont émises au monde entier.

Ils ont signé une déclaration commune sur l’approfondissement de leurs liens. Ces liens comprennent le commerce et le soutien diplomatique. Tous deux ont souligné que le monde est multipolaire, qu’il existe une nouvelle voie pour les grands pays, une voie autre que celle tracée par l’Occident et surtout par sa première puissance – les États-Unis – et que Pékin soutient Moscou dans sa guerre contre l’Ukraine. Poutine a qualifié de « niveau sans précédent le partenariat stratégique » que la Russie entretient avec la Chine. Il a également déclaré que la Russie cherchait à « renforcer la coordination » afin de « contrer l’orientation destructrice et hostile de Washington ». Bref, les deux hommes veulent faire comprendre que le temps est venu de changer l’ordre mondial. En d’autres termes, ils ont comme objectif final de « détruire complètement l’Ancien Monde » et de « construire un Nouveau Monde », comme le voulaient Marx et Lénine.

Cette rencontre a été encore plus importante parce qu’elle a montré clairement le déséquilibre du pouvoir entre Xi et Poutine. En politique internationale, le pouvoir est tout ce qu’il y a de plus important. La Russie de Poutine est nettement moins puissante que la Chine de Xi. Poutine a plus besoin de Xi que Xi n’a besoin de Poutine. Le fait est que Poutine est un quémandeur. C’est la conséquence de sa décision d’envahir l’Ukraine. Xi est aux commandes dans ses relations avec la Russie, et tout soutien qu’il apportera coûtera très cher à Poutine. Poutine doit toujours avoir à l’esprit que Xi mettra fin à son soutien et s’efforcera peut-être de le renverser s’il fait un pas de travers.

Toutefois, Poutine est précieux pour Xi pour quatre raisons stratégiques. Premièrement, il distrait les puissances démocratiques en permettant à Xi d’agir dans l’Indo-Pacifique contre les alliés et les partenaires de ces puissances, tels que les Philippines et Taïwan. Plus la guerre en Ukraine se prolonge, plus ce danger est grand. Il y a toujours le risque d’une escalade involontaire ou délibérée dans la guerre conventionnelle, ainsi que la possibilité que la Russie utilise une ou plusieurs armes nucléaires tactiques. La porte serait alors ouverte à une escalade rapide au niveau stratégique. Au minimum, cela consommera les ressources militaires de l’Amérique et de ses alliés et réduira leur capacité à disposer d’une force de dissuasion conventionnelle et nucléaire adéquate dans l’Indo-Pacifique.

En bref, Xi souhaite que la guerre en Ukraine se poursuive. Plus elle s’aggrave, plus les États-Unis et leurs alliés seront susceptibles d’y participer, plus Xi bénéficiera d’une grande liberté d’action et plus son régime deviendra agressif. C’est une occasion pour Xi « d’assassiner avec une épée d’emprunt » (l’un des stratagèmes du traité classique de stratégie chinois, Les 36 stratagèmes, qui incite à supprimer un ennemi par les mains d’un autre) en utilisant cette guerre afin de se renforcer et ainsi progresser vers son objectif final du « Nouveau Monde » soumis au contrôle de la Chine communiste.   

Deuxièmement, une Russie dépendante sécurise le flanc nord de l’État-parti chinois. Après avoir rencontré Xi à Pékin, Poutine s’est rendu à Harbin, en Mandchourie, où il a visité Sainte-Sophie – une église orthodoxe russe qui témoigne d’une Russie qui a contrôlé la ville avant de la perdre. La visite de Harbin a été perçue comme un signe de l’affaiblissement de la puissance russe. Autrefois, la Mandchourie était un « grand jeu » où la Chine et la Russie, puis la Chine, la Russie et le Japon rivalisaient d’influence.

La perte d’influence de la Russie en Mandchourie doit servir d’avertissement pour Poutine, qui craint que Xi n’ait des visées sur une grande partie de la Sibérie et l’Extrême-Orient russe. En fait, l’immense territoire de ces régions (incluant le port stratégique de Vladivostok) – plus de 1,5 million km2 au total, équivalent à plusieurs dizaines de fois la superficie de Taïwan (36.000 km2) – a été annexé par l’empire russe en 1858-1860 à la suite des « traités inégaux » russo-chinois qui ont été imposés à l’empire de Chine après sa défaite dans la seconde guerre de l’opium. La Chine d’aujourd’hui est une grande puissance expansionniste. Ses visées s’étendent également au territoire russe. Poutine devrait se demander s’il est dans l’intérêt de la Russie de servir les intérêts de Xi en permettant à la Chine de gagner en puissance et en influence alors qu’il est affaibli par la guerre.

Troisièmement, la domination de la Chine en Asie centrale sécurise son flanc occidental en même temps que son influence dans cette région éclipse celle de la Russie. Encore une fois, cela profite à Xi, et non à Poutine, et constitue un autre coût de sa guerre en Ukraine. Il n’est pas certain que la Russie retrouve, après la guerre, le niveau d’influence qu’elle avait auparavant en Asie centrale.

Quatrièmement, la rencontre entre Poutine et Xi démontre que les relations entre Moscou et Pékin comportent une dimension militaire : en commençant par les exercices militaires conjoints, en passant par la fourniture par Pékin à son allié de grandes quantités d’équipements à double usage, essentiels pour l’industrie militaire russe, et en allant jusqu’à la nécessité pour la stratégie de guerre nucléaire des puissances occidentales de prendre en compte simultanément le très vaste arsenal russe et celui de la Chine qui s’accroît rapidement. La coopération militaire sino-russe complique la situation des pays démocratiques – que ce soit l’Amérique, l’Europe, l’Australie ou le Japon – et introduit le risque de contrainte, y compris nucléaire, contre les intérêts de ces pays.

Toutefois, l’Occident n’est pas le seul à devoir prendre en compte le coût de la soumission de Poutine à l’influence de Xi. Poutine doit également en faire autant. Les sourires et les belles paroles ne peuvent pas dissimuler le fait qu’il est subordonné à Xi. Si la Russie gagne la guerre, Poutine devra alors gagner la paix, ce qui impliquera d’essayer de se distancer de Xi pour restaurer la liberté d’action de la Russie. Et cela ne plaira pas à Xi. Si la Russie perd, Poutine sera renversé, peut-être à l’instigation et avec le soutien de Xi. Si la guerre se poursuit, la Russie recevra la récompense de la duperie, assumant le coût énorme de la guerre pendant que Xi en profitera en se tenant à l’écart avec un grand sourire.

Le meilleur des scénarios possibles pour Xi est celui qu’il y ait une guerre entre l’OTAN et la Russie. Si Xi reste en retrait, il gagne. Toutefois, s’il choisit l’agression, en particulier contre Taïwan, ses ambitions auront donc les meilleures chances de succès au moindre coût. Il est très douteux que l’armée américaine puisse mener simultanément une guerre conventionnelle contre la Russie en Europe de l’Est et contre la Chine dans l’Indo-Pacifique. L’escalade nucléaire devient alors une possibilité évidente avec des coûts énormes pour l’Amérique et ses alliés.

Comme le pouvoir est tout ce qui compte en politique internationale, le centre de gravité de la guerre russo-ukrainienne ne se trouve pas à Kiev ou à Moscou, mais à Pékin. Si l’Amérique et les autres pays démocratiques se concentraient sur l’éviction du pouvoir du régime totalitaire du Parti communiste chinois (PCC), le moteur de la guerre serait supprimé et, plus important encore, la menace existentielle pour ces pays serait éliminée.

Au lieu de cela, les hommes politiques de nos pays n’agissent pas résolument contre le centre de gravité de l’ennemi. Ils semblent vouloir se battre à la périphérie, contre un ennemi de deuxième ou troisième ordre, et flirter avec la possibilité d’une escalade de la guerre. Cela permet à Xi de continuer à bénéficier de cette situation à un moment où lui-même et le PCC sont confrontés à de profonds problèmes intérieurs et risquent d’être renversés. Il s’agit d’une opportunité stratégique gâchée pour l’Amérique et ses alliés qui ne se représentera peut-être plus.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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