Le dirigeant chinois Xi Jinping a rencontré son homologue russe Vladimir Poutine à Pékin le 18 octobre. Ils se sont salués chaleureusement, se sont qualifiés de « chers » et « vieux » amis, et se sont félicités du renforcement de leur « confiance politique mutuelle ».
Le dirigeant russe a également fait l’éloge du programme chinois Initiative Ceinture et Route (Belt and Road Initiative – BRI ou ICR), souvent qualifié de « nouvelle route de la soie », pour le rôle qu’il jouerait dans la promotion d’un « monde plus juste et multipolaire », c’est-à-dire du nouvel ordre mondial.
À l’issue de l’entretien de trois heures entre les deux dirigeants, qui s’est déroulé sur le fond de guerres en Ukraine et au Moyen-Orient, Poutine a déclaré à la presse que cet entretien avait porté sur diverses questions, de l’économie à l’engagement politique.
La discussion a notamment porté sur « la situation au Moyen-Orient », a précisé Poutine aux journalistes à Pékin. « J’ai informé [Xi Jinping] en détail de la situation en Ukraine. »
Il a également souligné que les conflits dans le monde constituent des « menaces communes », ce qui renforce les liens entre Moscou et Pékin.
Le dirigeant russe a notamment indiqué qu’il avait consacré « environ une heure et demie ou, peut-être, deux heures » à des questions « très confidentielles ». Il n’a pas donné de détails sur les sujets abordés, mais a qualifié cette partie de l’entretien de « très productive et substantielle ».
Le 4 février 2022, le jour de l’ouverture des Jeux olympiques de Pékin, Xi Jinping et Poutine ont annoncé un partenariat « sans limites » lors du voyage du dirigeant russe en Chine. Moins de trois semaines après cette annonce, juste après la clôture des JO de Pékin, Poutine a ordonné l’invasion de l’Ukraine. Depuis lors, Xi Jinping s’est abstenu de condamner cette attaque et a refusé de qualifier les actions de Moscou d’invasion.
Au lieu de cela, l’État-parti chinois a accusé les États-Unis d’avoir déclenché la guerre en Ukraine. En même temps, Pékin a augmenté ses échanges commerciaux avec Moscou, offrant à la Russie une bouée de sauvetage vitale alors qu’elle était frappée par les sanctions occidentales.
Le chiffre d’affaires commercial entre les deux pays voisins a dépassé les 200 milliards de dollars, a annoncé Poutine à Xi Jinping au début de leur rencontre. Il a insisté sur le fait que la coordination étroite en matière de politique étrangère était « particulièrement nécessaire » en raison de ce qu’il a appelé « les conditions difficiles actuelles ».
S’adressant à Poutine comme à un « vieil ami », Xi Jinping a rappelé qu’ils s’étaient rencontrés 42 fois au cours de la dernière décennie et qu’ils avaient développé « de bonnes relations de travail et une profonde amitié », selon des extraits vidéo publiés par les médias d’État chinois.
La « confiance politique mutuelle » entre les deux pays s’approfondit, a-t-il poursuivi, qualifiant leur coordination stratégique « d’étroite et efficace ».
Selon les comptes rendus des médias d’État chinois, Xi Jinping a réaffirmé le soutien de son régime à la Russie dans la sauvegarde de sa souveraineté nationale, de sa sécurité et de ses intérêts en matière de développement. En retour, Poutine a soutenu les revendications territoriales de Pékin sur Taïwan.
Le dernier entretien entre les deux dirigeants a eu lieu dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas. En réponse aux attaques du Hamas du 7 octobre, qui ont fait au moins 1400 morts et des milliers de blessés dans l’État hébreu, ainsi qu’au moins 199 personnes prises en otage, Israël a mené des frappes aériennes dans la bande de Gaza.
Le président américain Joe Biden ainsi que le Premier ministre britannique Rishi Sunak se sont rendus à Tel-Aviv pour manifester leur soutien à Israël.
Moscou a rendu la politique de Washington responsable de la guerre actuelle entre Israël et le Hamas. Pékin a condamné les violences contre les civils, mais s’est abstenue de prendre parti, affirmant que la Chine est l’amie à la fois d’Israël et des Palestiniens. Le 14 octobre, le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, a appelé Israël à mettre fin à ses actions militaires, affirmant qu’il avait « dépassé le niveau de l’autodéfense » en répondant à l’attaque transfrontalière menée par les terroristes du Hamas il y a plus d’une semaine.
Nouvel « axe du mal »
Plus tôt dans la journée du 18 octobre, Xi Jinping s’en est pris de manière voilée aux États-Unis dans son discours d’ouverture du forum célébrant le 10e anniversaire de l’ICR – son projet phare.
Sans citer de pays en particulier, le dirigeant chinois a exprimé son opposition aux « sanctions unilatérales, à la coercition économique, au découplage et à la perturbation de la chaîne d’approvisionnement », faisant référence aux efforts déployés par Washington pour contrer les pratiques commerciales déloyales et le vol de propriété intellectuelle effectués par l’État-parti chinois au cours des dernières années.
En même temps, Xi Jinping a présenté son titanesque projet mondial de l’ICR, qui vise à renforcer l’influence géopolitique de la Chine par le biais du développement d’infrastructures, comme une plateforme globale pour la coopération et la prospérité. Prenant la parole après Xi Jinping, Poutine a fait l’éloge de l’ICR pour le rôle qu’elle jouerait dans la création d’un « monde plus juste et multipolaire ».
Les messages transmis par les dirigeants russes et chinois n’ont pas surpris les observateurs extérieurs.
« Poutine compte désormais sur l’aide économique de la Chine », a expliqué à Epoch Times Su Tzu-yun, analyste principal de l’Institut taïwanais pour la défense nationale et la recherche en matière de sécurité.
En outre, les déclarations des deux dirigeants envoient un message clair : un nouvel « axe du mal » s’est formé, a souligné Cheng Chin-mo, spécialiste de la Russie et des relations internationales à l’université taïwanaise de Tamkang.
Ce nouvel axe, qui comprend le Kremlin, le Parti communiste chinois, la dictature communiste héréditaire de Corée du Nord et le régime des ayatollahs de l’Iran, cherche à remettre en question l’alliance formée par les démocraties occidentales, a indiqué M. Cheng à Epoch Times.
« En d’autres termes, une nouvelle guerre froide a vu le jour. »
La base du nouvel ordre mondial
Les experts mettent depuis longtemps en garde contre l’objectif de la Chine d’installer un nouvel ordre mondial.
En 2020, Nadège Rolland, membre éminente du National Bureau of Asian Research, a écrit dans un article que l’ICR est « la base du nouvel ordre mondial que le leadership chinois veut voir émerger ».
« Ses différentes composantes sont utilisées pour ancrer l’influence à long terme de la Chine dans le monde en développement et émergent. Cette acquisition d’influence au coup par coup, motivée par l’opportunisme, est également guidée par une logique stratégique qui vise à maximiser la puissance [de Pékin] », écrit-elle.
Mme Rolland a exhorté à contrer la Chine dans sa région avoisinante. Selon elle, « si la Chine est tenue en échec en Asie de l’Est, Pékin sera moins capable de poursuivre son expansion dans d’autres zones géographiques ou d’établir une vaste sphère d’influence sinocentrique ».
Mme Rolland a réitéré son argument dans un document datant de 2021.
« L’ICR dessine non seulement la carte théorique de la sphère d’influence souhaitée par la Chine, mais sert également de banc d’essai pour le système envisagé par le leadership chinois, dans lequel la Chine est au centre d’un nouvel ordre économique et politique, et exerce une influence croissante sur les pays dépendants. »
D’après les médias d’État chinois, la Chine et la Russie ont commencé à coopérer dans le cadre de l’ICR en 2014.
Un article figurant dans le rapport 2019 d’International Security Forum Bonn (Allemagne) suggère que le Kremlin pourrait considérer l’ICR chinois comme un moyen de poursuivre ses ambitions. L’article, rédigé par Vladislav Belov, directeur adjoint à l’Académie russe des sciences, indique que l’ICR « pourrait être considérée comme une approche alternative pour reformater ‘d’en bas’ l’ordre mondial ».
M. Belov a fait valoir que l’ICR « est en phase » avec l’Union économique eurasiatique (EAEU) dominée par la Russie – une alliance d’États qui formaient l’ex-Union soviétique.
« L’association de ces projets suggère que Moscou et Pékin construisent de nouvelles formes d’ordre mondial, plus efficaces que les approches similaires de l’Occident », a-t-il écrit.
Le 17 octobre, le rabbin Aryeh Lightstone, ancien conseiller principal de l’ambassadeur des États-Unis en Israël, a expliqué à la chaîne de télévision NTD que le monde connaissait un remaniement de la dynamique du pouvoir mondial.
« Nous constatons que l’Amérique est incroyablement faible sur la scène internationale. Et que d’autres en profitent », a-t-il déclaré avant les derniers entretiens entre Poutine et Xi Jinping. « Il y a trois ans à peine, l’Iran était sur la corde raide, économiquement incapable de gérer les affaires de son propre pays et certainement pas capable de s’immiscer de manière plus ou moins importante dans les affaires d’autres pays. »
Aujourd’hui, les « forces du mal » profitent de la « faiblesse » de l’Amérique, a poursuivi M. Lightstone, ajoutant que les atrocités commises par le Hamas sont « sans précédent depuis l’époque de l’Holocauste ».
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