La publication prochaine de la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3) suscite de nombreuses controverses sur le partage entre le nucléaire et les énergies renouvelables. Le nouveau texte veut fixer les nouveaux objectifs de la stratégie française pour l’énergie sur la période 2025-2035, avec comme objectif à long terme d’atteindre la neutralité carbone en 2050, exigé par l’UE.
Pour le gouvernement, la PPE3 dessine une trajectoire pour garantir la sécurité énergétique et la maîtrise des prix, et pour être moins dépendant des importations coûteuses en gaz et en pétrole. Dans les faits, les énergies renouvelables vont faire s’envoler les tarifs et mettre en difficulté la production nucléaire, peu chère et peu émettrice de CO2.
L’Académie des Sciences a publié un avis le 8 avril qui dénonce une PP3 « irréaliste ».
Le renommé Institut de recherche juge préoccupant que le texte de la PPE3 s’appuie sur des chiffres incohérents, malgré les observations précises formulées dans son avis de décembre 2024.
Cette nouvelle programmation a pourtant déjà fait l’objet de plusieurs avis sceptiques ces dernières semaines de la part du Haut-commissaire à l’énergie atomique, du Conseil supérieur de l’énergie et du Haut conseil pour le climat.
Le gouvernement, sachant les désaccords au sein de l’Assemblée, a voulu d’abord le faire adopter par décret, pour finalement temporiser quelques semaines et proposer un débat à l’Assemblée, sans vote, fin avril.
Un texte « pas à la hauteur des enjeux de l’énergie »
Selon l’auteur de l’avis, Marc Fontecave, président du comité de prospective en énergie de l’Académie des sciences et professeur au Collège de France, « le texte actuel n’est pas à la hauteur des enjeux de l’énergie, d’une importance extrême pour la France et ses citoyens ». Ajoutant « qu’il n’a pas non plus le niveau de rigueur attendu d’une production des services de l’État ».
L’Académie des sciences soulève en effet plusieurs contradictions : « En page 11, […] la consommation d’énergie finale prévue est de 1243 TWh en 2030 et de 1100 TWh pour 2035. Or, quelques pages plus loin […], ces valeurs sont respectivement de 1410 et 1302 TWh. » « Parmi les valeurs de 429, 508 ou 600 TWh, quel est réellement le niveau de consommation visé pour 2035 ? » pour la France, s’interroge-t-elle.
L’Institut de recherche considère qu’il est urgent de procéder à une vérification et une correction exhaustives de l’ensemble des chiffres fournis par le gouvernement, suivies d’une réécriture garantissant sa cohérence.
Une remise en cause de fond de la PPE3
Au-delà des approximations, ce sont les objectifs du texte qui sont remis en cause par l’Académie. « L’obsession d’atteindre la neutralité carbone en 2050 conduit à écrire des scénarios irréalistes », explique Marc Fontecave. « Tout le monde souhaite naturellement que nous remplissions nos objectifs climatiques. Mais les scénarios ne peuvent pas ignorer la réalité », a-t-il poursuivi.
L’Académie des sciences dit soutenir l’ambition affichée d’une production nucléaire substantielle (360-400 TWh), source d’énergie bas-carbone de stock, à la fois « massive et pilotable ». Mais le rapport pointe « des freins économiques, scientifiques et technologiques à l’électrification des secteurs à décarboner en priorité », soulignant l’importance d’un renforcement de la recherche fondamentale, technologique et industrielle sur des sujets aussi importants que l’avenir énergétique de la France.
L’avis de l’Académie met en avant les conséquences énergétiques et financières de la PPE3, notamment le coût et l’efficacité du raccordement des énergies renouvelables au réseau électrique.
Les énergies renouvelables n’ayant pas de capacités de stockage d’électricité massives – ce qui n’est pas non plus prévu dans les 10 ans à venir -, l’excès de production des énergies intermittentes non pilotables (c’est-à-dire l’éolien et le solaire), actuellement mis en priorité sur le réseau électrique, induira des conséquences contre-productives à terme.
Selon l’Académie des sciences, la multiplication des énergies renouvelable sur le réseau électrique aboutira « à une volatilité accrue des prix de l’électricité », « à une modulation excessive de la production nucléaire » et à « des tensions sur les réseaux électriques », qui se manifestent par « des coûts supplémentaires considérables au fonctionnement du système énergétique ».
La nécessité d’une analyse scientifique plus approfondie
L’Académie des sciences dit soutenir la proposition du Haut-Commissaire à l’Énergie Atomique visant à accompagner le texte de la PPE d’une analyse approfondie du coût complet de production du système énergétique français, en proposant des scénarios alternatifs davantage ancrés dans la réalité.
Selon les scientifiques, atteindre une production électrique totalement décarbonée ne requiert nullement une augmentation massive des énergies éolienne et solaire. Selon eux, le bilan électrique 2024 de RTE montre clairement que le système électrique français actuel, avec déjà 29 % d’énergies intermittentes et un record d’exportation (89 TWh), émet seulement 21,3 g CO2eq / kWh (équivalent en CO2) sur l’électricité produite, soit l’un des taux les plus bas au monde. En comparaison, le système électrique allemand, avec une part de production éolienne et solaire de 45 % en 2024, affiche une intensité carbone de 350 g CO2eq / kWh.
L’Académie appelle également à maintenir les objectifs de construction de nouveaux réacteurs EPR, seule « voie possible pour maintenir une électricité décarbonée », tout en ajustant les objectifs de production renouvelable « aux besoins réels ». La croissance de la production décarbonée doit en effet suivre le même rythme que celui de l’électrification des usages, ce qui est « plus cohérent tant sur le plan économique que technique ».
En résumé, le réseau électrique français est déjà vertueux énergétiquement et n’a pas besoin de faire plus de zèle écologique, au risque d’une désorganisation de son appareil productif.
Un débat sans vote attendu fin avril à l’Assemblée
Les rédacteurs de cette loi de programmation pluriannuelle ont « accordé bien peu de considération aux nombreux avis formulés lors de la consultation publique », déplore Marc Fontecave. Et ce, malgré un précédent avis qui pointait déjà « de façon extrêmement détaillée » les nombreuses incohérences du texte. « Ces remarques n’ont pas été prises en compte, et nous restons confrontés aux mêmes incohérences de chiffres », souligne le scientifique.
« C’est en réalité une PPE qui a été écrite par et pour les filières éolienne et solaire, au détriment de la filière nucléaire », commentait récemment pour Epoch Times l’expert en politique énergétique Fabien Bouglé. « L’accroissement irraisonnable d’énergies renouvelables dans le mix électrique accélérera les perturbations du marché de l’électricité », expliquait aussi Philippe Charlez, docteur en physique et expert en questions énergétiques.
La PPE devait être adoptée par décret à l’issue d’une consultation en ligne du public début avril, mais la menace d’une censure de parlementaires de tous bords a changé les plans du gouvernement. Sous pression, le Premier ministre François Bayrou a proposé que soit organisé fin avril un débat au Parlement, mais toujours sans vote, ce qui ne sera pas de nature à calmer les multiples critiques sur le texte.
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