Après les morts des professeurs Samuel Paty et Dominique Bernard, un rapport sénatorial pointe la « terrible solitude » des enseignants et une « école de la République en danger. »
Le constat est celui d’une « violence endémique » dans tous les établissements scolaires, violence alimentée par une laïcité incapable de préserver un socle commun entre les professeurs et les élèves.
Les co-auteurs ont fait 38 recommandations à l’État face aux menaces et agressions dont sont victimes les professeurs.
Plusieurs mois d’enquête et 45 auditions
En mai 2023, la sœur de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie décapité le 16 octobre 2020 à la sortie du collège de Conflans-Sainte-Honorine par un terroriste islamiste, demandait l’ouverture d’une commission d’enquête concernant les « dysfonctionnements » qui ont conduit à la mort de son frère. « Si la mort de mon frère avait servi à quelque chose, Dominique Bernard serait encore là », avait déclaré Mickaëlle Paty.
Après plusieurs mois d’enquête et 45 auditions, le constat est sans appel. Le rapport de la « Mission conjointe de contrôle sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes », appelé aussi « Commission Paty », a été présenté par les co-rapporteurs François-Noël Buffet (LR) et Laurent Lafon (UDI). Selon le rapport, sur l’année 2021/2022 dans le premier degré (école maternelle et élémentaire), 10.1% des professeurs disent avoir reçu des menaces, soit 37.700 enseignants, dont 11.200 ont été agressés physiquement. Dans le second degré (les collèges et les lycées), sur l’année 2018/2019, près de 12% des professeurs ont été menacés, soit 58.500 enseignants dont 900 ont été menacés avec une arme. Cela signifie que près de 100.000 enseignants sont menacés chaque année en France.
Parmi eux, 0,2 % ont été menacés avec des armes, « mais ces pourcentages utilisés par l’administration ont tendance à minimiser la réalité », souligne Laurent Lafon. 0,2 %, cela correspond à 900 enseignants, c’est-à-dire que 4 professeurs sont menacés par une arme chaque semaine en France.
« Le constat le plus marquant, c’est la terrible solitude vécue par les membres du personnel éducatif face à un quotidien marqué par les tensions et par les conflits », s’est alarmé le François-Noël Buffet. Laurent Lafon, a noté quant à lui une « méfiance » croissante entre les acteurs de terrain et leur hiérarchie administrative, évoquant un « mur » dressé entre enseignants et autorités comme le rectorat.
Pour sortir de cette spirale infernale, le rapport de la Commission Paty propose à l’État 38 recommandations, organisées autour de 8 grands axes permettant d’ « agir pour éviter de nouveaux drames ». On retrouve la défense et la promotion de la laïcité au sein de l’institution scolaire, l’amélioration de la formation du personnel éducatif dans la gestion des conflits, la réaffirmation de l’autorité de l’institution scolaire, la fin du « pas de vague », la sécurité des établissements scolaires et de leurs abords, la mise en place de dispositifs administratif et policier de prévention plus efficaces, la fluidification du parcours judiciaire pour les agents victimes et enfin le renforcement de la coopération entre l’éducation nationale, les forces de l’ordre et les services de renseignement.
Le rapport a été adopté à l’unanimité – avec cependant une abstention d’une partie de la gauche, et publié quelques jours après des menaces de mort en ligne reçues par un proviseur du lycée Maurice-Ravel de Paris qui avait demandé à une élève de retirer son voile.
La laïcité en question
Les conclusions du rapport recoupent un sondage CSA Research sur la perception de la laïcité dans les services publics, réalisé sur demande du Sénat à la suite de la marche du 12 novembre 2023 contre l’antisémitisme.
D’après ce sondage, dans leur grande majorité, les Français jugent que les règles à respecter en matière de laïcité sont claires (71 %), un pourcentage qui monte à 78 % chez les agents publics, et 85 % chez les enseignants.
Cependant chacun a une définition différente de la laïcité: les uns pensent que la laïcité correspond à l’intervention de l’État pour limiter l’influence des religions, les autres que la laïcité vise à exclure les religions de l’espace public, tandis que les populations les plus jeunes sont les plus imperméables au concept.
70 % des Français et 78 % des agents publics se disent attachés au principe de laïcité. 60 % des Français estiment que les règles ne sont pas assez voire pas du tout respectées – un pourcentage qui monte à 70 % chez les plus de 65 ans et 76 % chez les sympathisants RN et descend à 33 % chez les musulmans.
L’ampleur des violences à l’école contre les enseignants montrent les limites du concept de laïcité pour une partie de la population et des élèves qui s’opposent de plus en plus à l’enseignement républicain. L’arsenal des recommandations du Sénat propose plus d’autorité de la part de l’État et des sanctions plus sévères envers les élèves et les parents.
Il conclut qu’il est urgent d’endiguer la montée endémique de ces violences et accessoirement de redonner aux élèves français des établissements publics la sérénité qu’il leur est due dans leur parcours scolaire.
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