Chaque année, près de 27 millions de rendez-vous médicaux ne seraient pas honorés, ce qui ajoute aux difficultés d’accès aux soins : les représentants des médecins haussent le ton contre la pose de « lapins », certains appelant à frapper au porte-monnaie les patients négligents.
Le constat est partagé au plus haut niveau. « Trop de temps médical est gaspillé par un excès d’imprévoyance, de la désinvolture, avec en particulier des rendez-vous non honorés », avait estimé le président Emmanuel Macron lors de ses vœux au monde de la santé, le 6 janvier.
L’Ordre des médecins et l’Académie de médecine ont fait monter la pression cette semaine, dans un rare communiqué commun, en exprimant leur « vive préoccupation face aux graves conséquences soulevées » par ce sujet.
« 6 à 10% des patients ne se présentent pas à leur rendez-vous »
Selon plusieurs enquêtes, « 6 à 10% des patients ne se présentent pas à leur rendez-vous, ce qui correspond à une perte de temps de consultation de près de 2 heures hebdomadaires pour le médecin quelle qu’en soit la discipline et, par extrapolation, près de 27 millions de rendez-vous non honorés par an », soulignent les deux instances.
Avec à la clé de « sérieuses répercussions » : accès aux soins entravé pour les « patients en ayant réellement besoin », nombre accru de personnes se présentant dans des services d’urgences hospitaliers déjà débordés…
Les oublis et contre-temps de dernière minute sont loin de tout expliquer, estiment l’ordre et l’académie, pour qui « la fréquence des rendez-vous pris en double » témoigne d’une « déconsidération pour l’acte médical », transformé en « bien de consommation ».
Que faire ? Le syndicat de médecins libéraux UFML milite depuis des années « pour un droit à facturation des consultations non honorées », titre d’une pétition en ligne qui a réuni près de 10.000 signatures sous une photo de lapins.
Pour cela, il faudrait modifier le code de la santé publique, qui dispose aujourd’hui que les honoraires ne peuvent être réclamés « qu’à l’occasion d’actes réellement effectués ».
Jérôme Marty, le tempétueux président de l’UFML, a calculé qu’une pénalité financière de 5 euros sur 20% des rendez-vous manqués rapporterait de l’ordre de 25 millions d’euros par an. Une somme qui pourrait venir abonder un fonds, « géré par la profession », pour financer des actions de lutte contre les inégalités d’accès aux soins, estime le responsable syndical.
Un appel à plus de souplesse
« Compliqué de rendre payant alors qu’on n’a fait aucun acte… », nuance Isabelle Domenech Bonet, trésorière adjointe de MG France, premier syndicat de généralistes, qui appelle en revanche les plateformes de prise de rendez-vous à « un peu plus de souplesse ».
Actuellement sur Doctolib, poids lourd du secteur, l’annulation d’un créneau n’est plus possible quatre heures avant celui-ci. « Si les gens pouvaient annuler jusqu’à une heure avant, nous pourrions appeler d’autres patients pour combler les trous », relève cette généraliste dans l’Allier.
Un casse-tête pour la plateforme, qui évoque auprès de l’AFP des demandes contradictoires des médecins, les généralistes étant plus souvent sollicités que les spécialistes pour des consultations de dernière minute. Doctolib teste cependant un délai d’annulation plus court auprès de 5000 médecins généralistes et pédiatres.
La plateforme fait aussi valoir que « plusieurs fonctionnalités » permettent déjà de limiter les rendez-vous non honorés : rappels, messages de sensibilisation, blocage d’un patient récidiviste par le professionnel de santé, listes d’attente pour combler les créneaux vides…
Tout en appelant les plateformes à assurer un suivi plus étroit des rendez-vous, France Assos Santé invite surtout à « rechercher les causes » des défections.
Vu les délais qui s’allongent pour voir un généraliste et surtout certains spécialistes, « les patients prennent parfois plusieurs rendez-vous pour espérer en trouver un », remarque Gérard Raymond, président de cette organisation qui rassemble une centaine d’associations de malades.
Dans un pays qui compte plus de 6 millions de personnes – dont 650.000 malades chroniques – sans médecin traitant, l’urgence n’est pas à « cibler une population » par des sanctions mais à « trouver des solutions appropriées », estime ce responsable associatif.
De nombreuses voix appellent à des actions de sensibilisation au fléau des « lapins ». Interrogée par l’AFP, l’Assurance maladie confirme y travailler, dans le cadre d’une campagne de communication plus large sur « le bon usage du système de santé ».
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