Valérie Boyer : « Préserver la dignité humaine est une question fondamentale »

11 janvier 2017 10:34 Mis à jour: 21 janvier 2017 14:49

Soutien de François Fillon depuis la première heure, Valérie Boyer, députée LR des Bouches-du-Rhône, fait aujourd’hui campagne à ses côtés. Rencontre avec une femme politique engagée sur de nombreux fronts, de la défense des droits de la femme à la reconnaissance des génocides.

François Fillon faisait encore figure d’outsider avant la primaire. À six mois de l’élection présidentielle, quelle est votre analyse ?

C’est vrai que je suis émue d’y avoir participé car au début nous n’étions pas très nombreux… Je n’ai pas fait le choix de l’ambition, mais des convictions. J’ai toujours suivi François Fillon pour des raisons de convictions. Je crois en son honnêteté, en son courage et en sa cohérence intellectuelle. Finalement, l’honnêteté, ça paye, en tout cas, c’est ce que les Français nous ont dit, c’est une très belle histoire. Nombreux sont ceux qui me disent « Bravo, Madame », c’est encourageant. Quatre millions de participants à droite, ce n’est pas un vote mais un plébiscite.

J’ai toujours cru en lui, qu’il serait au second tour de l’élection présidentielle. Pour des raisons qui ont échappé à vos collègues journalistes : il a gagné la bataille de la mobilisation. C’est à ses meetings qu’il y avait le plus de monde. Puis, il a gagné la bataille des idées si l’on considère que ses idées ont été pillées par ses collègues et ses concurrents. Son programme a été également au centre des débats. Enfin, les journalistes qui commentaient les primaires de la droite et du centre ont totalement oublié que Fillon a été le Premier ministre le plus populaire de la Ve République. Les journalistes ont fait comme le médecin qui demande toute une batterie d’examens mais qui reste incapable d’examiner son patient. C’est quelqu’un d’engagé, c’est son courage, c’est le fait qu’il est allé au bout de ses convictions et qu’il n’a pas eu peur. Il a gagné sans faire une seule fois la Une d’un magazine ni d’un journal, il s’est adressé aux Français et non aux médias. Il n’a pas été victime non plus, pas dupe du parisianisme et il a travaillé, fait sa campagne. En s’adressant aux Français, il les a conquis très largement.

Vous avez déposé, en début d’année, un amendement pour que les « racines chrétiennes de la France » soient inscrites dans la Constitution. Pourquoi ? Les Français pourraient-ils avoir oublié ces racines ?

Il me semble aujourd’hui important de rappeler les racines chrétiennes qui font que la France est telle qu’elle est aujourd’hui. De plus, il est vrai que cela nous permet de mieux défendre certains principes fondamentaux, la liberté de conscience, l’égalité entre les hommes et les femmes et cela nous ramène à ce que nous sommes. Que l’on soit croyant ou pas, cela reste constitutif de notre pays et de notre civilisation.

À propos de l’histoire de France, François Fillon souhaiterait rétablir le récit national. Pourquoi vous semble-t-il important de revenir sur cet enseignement ?

Les Français entretiennent un rapport très étroit avec leur histoire. Il existe un problème de chronologie, qui a été perdue. Des personnages ont disparu si ce n’est des programmes, en tout cas des enseignements, qui demeurent entre les mains de ceux qu’on appelle les « pédagogistes », ce n’est peut être pas adapté. Il est très important que l’on partage un récit national.

Quelles parties vous semblent importantes ?

L’histoire de France, telle qu’elle est enseignée, porte une certaine culpabilité ou détestation. Elle ne commence pas à la Révolution Française. Il faudrait parler de ce qui s’est passé durant la Terreur, ce n’était pas une marche ensoleillée et joyeuse, c’est une période qui compte énormément de pages sanglantes.

L’époque des Lumières, le Moyen Âge français qui a été particulièrement glorieux, et qui nous a laissé des monuments exceptionnels, ce qu’a fait Henri IV à Paris, ce qu’il a fait dans sa vie politique entre les catholiques et les protestants, c’est essentiel, il nous a laissé la Place Dauphine, la Place des Vosges… Ce sont des choses dont il faut se souvenir. La période du Second Empire, tant au niveau artistique que politique, est une époque de développement, et aussi de grandes lois sociales : c’est l’époque du catholicisme social, de l’industrialisation. Je ne dis pas qu’il faut retirer les parts d’ombre, mais il faut aussi savoir valoriser les parts de lumière de notre histoire.

Il y a beaucoup de choses qui méritent d’être apprises dans un ordre chronologique, pour que les Français assimilent l’œuvre de la France dans le monde. Au-delà d’être un pays, la France est aussi une civilisation, c’est une particularité, cela fait partie de la grandeur de notre pays. Ce que la France a apporté au monde est essentiel en terme de droit, en terme artistique, en terme d’histoire, en terme de langue, en terme politique. Il faut savoir apprendre et comprendre d’où l’on vient pour repérer qui nous sommes.

(JACQUES DEMARTHON/AFP/Getty Images)

Au sujet de la laïcité et de l’identité française, il apparaît difficile de prendre du recul sur les différentes positions. Par exemple, de nombreux médias français et étrangers se sont interrogés sur le burkini, devenu malgré lui le symbole de ce débat complexe…

Par rapport à ce que l’on disait à propos de l’histoire de la France, je pense que la France est le pays qui est à l’origine de l’amour courtois d’abord, et de la galanterie ensuite. La place de la femme et la liberté de la femme sont essentielles en France, elles ont toujours été centrales. Donc aujourd’hui, considérant la période douloureuse dans laquelle nous vivons, avec les menaces d’attentats, je suis choquée que l’on ait ce type de débat, à propos d’une femme qui se soustrait au regard des autres parce qu’elle est en burkini sur la plage. C’est à la fois un défi, on nargue la République, et en plus on bafoue quelque chose qui est essentiel pour nous, c’est-à-dire notre liberté.

Ces femmes en burkini ne sont pas libres. Je sais que, justement, on utilise ce vêtement pour affirmer cette idée « je suis libre de m’habiller comme je veux ». Mais le sens de ce vêtement n’est pas innocent. Doit-on se dire que les hommes sont des bêtes, qu’ils n’arrivent pas à résister à un bout de peau ou un bout de chevelure, et que les femmes sont comme des moins que rien qu’il faudrait cacher? Est-ce ce que l’on veut pour notre société ? Je crois que sous le couvert de la tolérance, on ne peut pas tout le temps tout accepter, notamment quand cela concerne la liberté des femmes. Sur cette affaire, je n’ai pas trouvé les commentaires de très bon niveau. Franchement, si vu d’Angleterre, on rit de nous à cause du débat sur le burkini, moi j’ai plutôt envie de pleurer quand je vois des femmes en niqab à Londres…

Cette question occupera une place importante dans la campagne à venir… On l’a vu à propos des repas scolaires dans les cantines, avec les différentes propositions des candidats de droite.

Vous savez, contrairement aux pays anglo-saxons, on a pensé en France, à un moment donné, qu’il fallait appliquer l’adage « À Rome, vis comme les Romains ». Aujourd’hui, on a ce conflit entre la liberté et le respect. À chaque fois, ces prescriptions vestimentaires sont dans l’exclusion, et je ne suis pas dupe, d’ailleurs tous les spécialistes le disent, ces prescriptions vestimentaires ne sont là que pour que l’intégrisme marque son territoire. Je pense à un reportage récent qui a été diffusé par France 2, qui montre qu’en France, dans certains quartiers il n’y a plus de femmes dans la rue. C’est plutôt cela qui m’intéresse comme débat, parce que je crois que c’est cela le sujet. Je pense à ces écoles où il n’y a que des mamans voilées qui vont chercher leurs enfants, et où, quand on n’est pas voilé, on est la cible des autres. Donc la liberté, c’est aussi respecter ce qui pour nous en France majoritairement, est une liberté, c’est-à-dire qu’une femme qui n’a pas de voile sur la tête, où qu’elle soit en France, peut aller dans un café où dans la rue.

Y a-t-il un manque de courage politique ?

Le problème nous explose aujourd’hui à la figure, mais il y a eu un manque de courage politique parce que l’on a subi le diktat et la censure des médias. À chaque fois que l’on parle de ces sujets, on est vilipendé sur les réseaux sociaux, on est méprisé par la plupart de la presse, mais aujourd’hui, le problème est tellement prégnant et tellement angoissant que l’on en parle. Il est tard, mais il n’est pas trop tard.

En 2013, vous avez défendu le projet de loi relatif à la situation juridique du savon de Marseille, qui prévoit l’extension des indications géographiques protégées aux produits manufacturés. Aujourd’hui, le savon de Marseille est un produit extrêmement consommé et 80 à 90% des savons vendus sont des contrefaçons. Quel bilan tirez-vous de votre action ?

Il s’agit d’une AOC non alimentaire, le texte a été voté mais n’est pas encore appliqué. Ce que je recherchais, c’était protéger l’authentique savon de Marseille. Le sujet, c’est de protéger notre savoir-faire artisanal et commercial, et en l’occurrence, pour le savon de Marseille, il y a une recette protégée, un terroir protégé, c’est ce que la loi prévoit. Ensuite, les savonniers répondent à l’appel d’offres du moment, donc c’est en cours. En fonction de la réussite de leur appel d’offres, on verra si ce texte atteint son but. Vous savez que le savon de Marseille a servi de modèle pour de nombreux produits, la porcelaine de Limoges, le couteau de Thiers, la dentelle de Calais, etc. donc tous ces produits, très particuliers, qui étaient attachés à un savoir-faire et à un terroir et qui n’étaient pas protégés étaient susceptibles d’être copiés… Vous savez, si j’appelle ceci [elle saisit une trousse de bureau] « Savon de Marseille », aujourd’hui, je ne suis pas attaquée.

C’est un grand pas en avant pour le MIF ?

Je l’espère. C’est vrai que là, on a plutôt fait du « Made in Marseille » que du Made in France, mais ces choses se protègent. À présent, je vais voir ce qui va en sortir. Je suis contente que cela ait été voté, mais le reste n’est pas entre mes mains. Je ne suis pas très rassurée non plus.

Vous défendez également la non marchandisation du corps humain, notamment à travers une proposition de loi que vous avez déposée en 2010. Pensez-vous qu’il faille aller plus loin, dans l’interdiction de la Gestation pour autrui (GPA) ?

Bien sûr, la GPA est soi-disant interdite en France mais on reconnaît le fruit, l’objet, la marchandise de cette GPA. Les parents peuvent aujourd’hui transgresser la loi, louer le corps des femmes qui achètent et fabriquent des enfants. Je suis contre la vente d’enfants, et je suis opposée au fait que l’on prenne les femmes pour des vaches.

De la même façon que je m’étais opposée au trafic d’organes, j’ai fait en sorte de préserver l’intégrité du corps des femmes en leur permettant, par cette proposition, de congeler leurs ovocytes comme les hommes peuvent congeler leur sperme. Je suis très attachée à ces questions de dignité humaine. C’est un petit peu le fil rouge de mon travail parlementaire tant sur le plan de la santé que dans la pénalisation du négationnisme ou de la reconnaissance des génocides. Le fait que l’on permette aux hommes de préserver leur patrimoine génétique et pas aux femmes est aussi quelque chose contre lequel il fallait lutter. La même chose quand j’ai travaillé sur l’extrême maigreur, l’obésité, les photos retouchées, etc. Il s’agit de la préservation de l’intégrité corporelle et de la dignité humaine, c’est une question fondamentale.

 

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