Les résidents des rues jouxtant la prison de la Santé, dans le XIVe arrondissement de Paris, subissent une insécurité croissante du fait de l’intrusion de dealers, de menaces de détenus et de projection de colis sauvages vers les cellules.
Depuis la réouverture de La Santé en 2019 après plusieurs années de rénovation, les riverains de l’établissement pénitentiaire parisien connaissent un véritable supplice chaque nuit. Si la journée demeure encore relativement calme, la nuit devient le théâtre d’un vaste réseau de contrebande depuis les rues et même les toits et les jardins des immeubles et maisons.
« Une zone de non-droit en plein cœur de Paris »
Les toits d’ateliers d’artistes qui donnent directement sur les fenêtres des détenus deviennent ainsi de véritables parloirs à ciels ouverts où « des filles, des garçons, des jeunes et des moins jeunes viennent à toute heure de la nuit lancer des colis aux prisonniers. Ils crient, nous réveillent, n’ont peur ni des habitants ni de la police », relate Joëlle*, qui habite un appartement de la rue Saint-Jacques. Chaque matin, son petit jardin est parsemé de sacs, cabas, filets de pommes de terre ou d’oignons vides, explique-t-elle sur L’Express.
On retrouve d’ailleurs des monceaux de patates ou d’oignons dans les coins de rues, les sacs vides, « ils les remplissent de nourriture, d’objets électroniques, de cigarettes, de tout ce qu’ils veulent. Puis ils les envoient dans la cour de la prison, et laissent les déchets ici », précise Joëlle.
Pour Daniel*, un artiste qui vit dans l’un de ces ateliers pris d’assaut chaque soir par ces individus, le quartier est devenu « une zone de non-droit en plein cœur de Paris ».
« Quand j’ai emménagé en 2013, je savais qu’il y avait la prison, mais je me disais : on est en France, ça va aller », confie Daniel sur le JDD. Mais, depuis l’été dernier, les « lanceurs », amis ou parents des détenus, mais surtout dealers venant « approvisionner » les prisons, ne se contentent plus de lancer leurs marchandises depuis les trottoirs.
« Ils escaladent les barrières pour atteindre le petit jardin des ateliers, raconte Daniel. Là, certains peuvent s’arrêter un temps pour fumer ou discuter en squattant, puis ils accèdent au petit escalier en colimaçon de la cour de récréation. Par là, ils montent directement sur le toit. »
En effet, une petite école primaire se trouve également dans le quartier et sa cour subit elle aussi les conséquences de ces agissements. Régine*, voisine directe de l’école interrogée par le JDD, s’en alarme : « C’est ce qui est le plus inquiétant, parfois on retrouve leurs sacs de la veille dans la cour de récré… Vous imaginez le jour où ils oublient des stupéfiants dedans ? »
Ugo Boscain est le président de l’association des riverains de la prison de la Santé. Sur CNews, il témoigne de ce quotidien devenu infernal : « On vit sous le regard des détenus qui nous interpellent de la fenêtre. Il m’est arrivé d’être menacé par les détenus ».
« Aussitôt repartis, les jeunes reviennent »
Ces résidents réclament donc davantage de mesures afin de stopper ces trafics incessants, en rétablissant une forme de dissuasion avec des rondes régulières de policiers. En effet, ces rondes ont été purement et simplement remplacées par l’installation de caméras de surveillance.
Un courrier a d’ailleurs été envoyé au ministère de l’Intérieur début décembre.
« Il faut être honnête, depuis les différentes plaintes au ministère de l’Intérieur, les policiers passent plus. Deux fois par semaine à peu près. Mais jamais au bon moment… regrette Régine sur le JDD. Ils peuvent passer 10 minutes, ce qui nous assure 10 minutes de tranquillité… Mais aussitôt repartis, les jeunes reviennent. »
Sur CNews, l’administration pénitentiaire explique : « Paris la Santé est en relation constante avec la préfecture de Police pour offrir une réponse avec une intensification des rondes de police. Si les nuisances pour le voisinage sont une réalité, le nombre d’incidents constatés est stable depuis 2022. »
Parallèlement, Carine Petit, la maire du XIVe arrondissement, impute ces nuisances à une surpopulation carcérale de 160% et regrette un manque d’actions concrète. « On demande le retour d’une équipe de police nationale spécialement dédiée. En attendant, nous allons financer des aménagements complémentaires par exemple sur les crèches et les écoles voisine », précise Carine Petit sur CNews.
Autre conséquence néfaste et non des moindres : la dévalorisation du quartier. Face à cette insécurité, Ugo Boscain souhaite vendre et racheter ailleurs afin d’élever ses enfants dans un environnement plus sécure. Seulement, la perte de valeur immobilière de son logement constitue un frein pour son projet de départ. « J’ai perdu plus de 25 % de la valeur de mon bien, il n’y a plus d’acheteur, on est bloqués. »
Jean-Pierre, un autre riverain, avocat de profession, déplore, amer : « C’est la triple peine pour nous. La rue est devenue invivable, on n’est pas soutenu par la police et on ne peut pas partir. »
* les prénoms ont été modifiés par mesure de sécurité.
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