Par PAUL ADAMS
En 1977, quelques années après que les électeurs britanniques eurent décidé de « maintenir » leur adhésion à la Communauté économique européenne et au Marché commun, les Eagles ont sorti leur grand succès, Hotel California. La célèbre phrase de cette chanson, « Vous pouvez payer la note quand vous voulez, mais vous ne pourrez jamais partir. »
Il n’y avait à l’époque pas de lien entre la chanson et le Marché commun européen. Ni le Parlement ni les électeurs britanniques ne croyaient que le Royaume-Uni serait, une fois membre de l’Union, incapable d’en partir. Depuis le vote du Brexit en juin 2016 pour quitter l’UE (le nom actuel de ce que l’on appelait jadis la Communauté européenne du charbon et de l’acier), le gouvernement britannique a négocié un accord qui semble montrer à quel point les paroles de la chanson s’appliquent à l’UE.
Boris Johnson, l’ancien ministre des Affaires étrangères, à l’instar des autres ministres en poste pour accompagner le Brexit, a démissionné du gouvernement pour protester contre ce que la Première ministre Theresa May avait accepté. « Cet accord sur le Brexit revient à nous enfermer dans une prison et à en donner la clé à l’UE », a-t-il déclaré.
Ces mots font d’une certaine manière écho à la description que Lénine donnait de l’empire russe tsariste : une « prison des nations ». Bien que Lénine ait défendu le droit des nations à l’autodétermination, sa description de la Russie des tsars a rapidement été reprise par l’Union soviétique et aujourd’hui par la Fédération de Russie.
Le sentiment d’humiliation nationale, de honte, est palpable, à la fois pour les « remainers », qui ont voté en faveur du maintien de la Grande-Bretagne dans l’UE, et pour les « leavers » qui dénoncent l’accord proposé. C’est le pire de tous les mondes possibles, où le Royaume-Uni reste soumis à la législation et à la réglementation de l’UE dans laquelle il n’a pas voix au chapitre. Il n’est pas libre de négocier avec d’autres nations souveraines, une situation qui doit perdurer indéfiniment. Le Royaume-Uni reste soumis à un contrôle fort par l’UE, sans vote ni participation pour façonner les politiques qui le contrôlent.
Des termes tels que vassalité, fief permanent, asservissement et compromission abondent et, malgré leur dimension hyperbolique, expriment une honte et une consternation réelles et généralisées.
C’est comme si la nation avait enfin pris conscience de la nature de l’UE, conçue dès le début pour envelopper ses membres dans une masse de lois et de règlements auxquels il serait presque impossible de s’échapper.
États-Unis d’Europe
Le projet de l’Union européenne a avancé pas à pas, furtif et trompeur, en prétendant d’abord qu’il s’agissait d’un simple arrangement commercial entre gouvernements, tout en évoluant de manière inéluctable et irréversible vers une union politique et économique complète. Dès les années 1920, ses pionniers idéalistes avaient l’intention de former un nouveau gouvernement supranational doté d’un contrôle central sur les États membres, d’une monnaie unique et de contrôles économiques et politiques forts.
Dans l’étude la plus complète et la mieux documentée de l’histoire de l’UE, intitulée The Great Deception (« La Grande Tromperie »), Christopher Booker et Richard North montrent comment la vision du père fondateur de l’Union européenne, Jean Monnet, selon laquelle les États-Unis d’Europe seraient un gouvernement supranational qui dépasse les droits de veto de chacun de ses États membres, a triomphé de la vision portée par Winston Churchill d’un Conseil de l’Europe intergouvernemental.
Dès le début, la vision de J. Monnet impliquait la limitation de la démocratie et de la souveraineté nationale ainsi que des pouvoirs des institutions nationales établies, en les réduisant à des structures plus proches de gouvernements municipaux que de forces pour guider le destin des nations.
Comme les tentatives de passer à l’union politique – avec une bureaucratie centrale puissante, non élue, non responsable devant les peuples et donc inévitablement impopulaire – ont été repoussées, il est devenu essentiel pour le succès du projet de se dissimuler. Lorsque la Communauté européenne du charbon et de l’acier a été créée, avec à sa tête Jean Monnet, elle ressemblait à un arrangement commercial d’ampleur limitée. Mais déjà, M. Monnet l’appelait « le gouvernement de l’Europe ».
Lorsque la tentative de J. Monnet de pousser les États membres vers l’union politique a été repoussée, la stratégie de communication s’est réorientée pour indiquer qu’il n’existerait qu’un arrangement commercial, un Marché commun. Mais cette structure du marché commun comprenait toutes les institutions de base nécessaires à la gestion d’un futur gouvernement européen.
MM. Booker et North détaillent la collusion honteuse des Premiers ministres britanniques Macmillan et Heath dans cette tromperie des années 1960 et 1970. Les deux hommes avaient été pleinement informés du but ultime du projet, à savoir une union économique et politique complète. Mais ils étaient déterminés à cacher la vérité au public et au Parlement britannique. L’entrée britannique devait être vendue aux électeurs comme un simple « marché commun », une question de commerce et d’emploi, pas de souveraineté ou de démocratie. On a dit au public qu’il n’y aurait « pas de perte essentielle de souveraineté », mais le gouvernement savait que ce n’était pas vrai.
Les développements ultérieurs ont suivi le même cours. L’Acte unique européen de 1986 devait transformer le Marché commun en un marché unique, mais il a en réalité donné à Bruxelles le contrôle de plusieurs autres domaines importants non liés au commerce. Chaque nouveau traité ou acte a renforcé ce processus, allant vers toujours plus d’intégration et une union plus politique, sans jamais revenir en arrière.
Le traité de Maastricht de 1992 a été une étape importante vers cette intégration plus poussée, vers une monnaie unique et vers la définition par l’UE de sa propre politique étrangère, de sa politique de défense et de sa propre constitution. L’UE devait être un gouvernement souverain actif sur la scène internationale, ses États membres étant des entités subordonnées dotées d’un pouvoir limité.
Lorsque les électeurs français et néerlandais ont rejeté le projet de « Constitution européenne » en 2005, les dirigeants de l’UE ont repris le même document, sous le nom moins menaçant de « traité de Lisbonne ». Ce traité fait du Conseil européen l’institution officielle du « gouvernement de l’Europe ».
« Le piège s’est refermé », commentait M. Booker dans le journal The Telegraph juste avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
Vaclav Klaus, qui a occupé le poste de président de la République tchèque de 2003 à 2013, prédisait juste avant l’adhésion de son pays à l’Union européenne en 2004 que ce serait la fin de la courte vie de son pays en tant qu’ « État souverain indépendant ».
Comme le dit le journal russe Pravda, non sans ironie, l’UE actuelle est une réincarnation de l’URSS. C’est une nouvelle prison des nations, un triomphe de l’empire sur les nations, le remplacement d’un ordre de nations et de démocraties souveraines par un empire supranational. Et, comme l’a dit M. Booker, un nouveau mur qui protège les hommes politiques européens des peuples qui le composent.
Paul Adams est professeur émérite de travail social à l’université d’Hawaii et a été professeur et doyen associé des affaires universitaires à la Case Western Reserve University. Il est co-auteur de Social Justice Isn’t What You Think It Is (la justice sociale n’est pas ce que vous en pensez) et a écrit de nombreux articles sur les politiques de protection sociale et l’éthique professionnelle.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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