Un ancien gendarme rwandais, Philippe Hategekimana, naturalisé français en 2005 sous le nom de Philippe Manier, comparaît à partir de mercredi devant la cour d’assises de Paris pour « génocide, crimes contre l’humanité et participation à une entente » en vue de la préparation de ces crimes.
Ancien adjudant-chef à la gendarmerie de Nyanza, dans la préfecture de Butare (sud du Rwanda), Philippe Hategekimana, 66 ans, est soupçonné des meurtres de dizaines de Tutsi, dont le bourgmestre de Ntyazo, Narcisse Nyagasaka, qui résistait à l’exécution du génocide dans sa commune. Selon l’accusation, Philippe Manier, qui conteste les faits, est aussi suspecté d’avoir ordonné l’érection de barrages routiers « destinés à contrôler et à assassiner les civils tutsi ».
Philippe Hategekimana aurait, selon les plaignants, « joué un rôle important dans la perpétration du génocide des Tutsi ». Il aurait « usé des pouvoirs et de la force militaire qui lui étaient conférés par son grade afin de commettre et participer en tant qu’acteur, coauteur et complice au génocide » notamment en participant « activement » à l’ « organisation des exterminations à Nyanza et dans les villages alentour ».
Faits reprochés
Outre le meurtre du bourgmestre de Ntyazo, il lui est notamment reproché l’ « attaque et le massacre » de 300 civils Tutsi réfugiés sur la colline de Nyamugari, le meurtre d’une religieuse, « Maman Augustine », ainsi que son rôle dans l’attaque de centaines de civils tutsi réfugiés sur la colline de Nyabubare. Environ un millier de civils ont été tués au cours de cette attaque.
Quarante parties civiles, dont le Collectif des Parties civiles pour le Rwanda (CPCR), la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) et des rescapés ou proches de victimes, se sont constituées dans ce dossier. Le procès est prévu jusqu’au 30 juin.
Obtention du statut de réfugié sous une fausse identité
L’ancien adjudant-chef est le cinquième accusé renvoyé aux assises en France pour des crimes commis au cours du génocide au Rwanda, qui a fait plus de 800.000 morts selon l’ONU, essentiellement des Tutsi exterminés entre avril et juillet 1994. Parti du Rwanda après le génocide, Philippe Hategekimana, surnommé « Biguma », était arrivé en France en 1999, où il avait obtenu le statut de réfugié sous une fausse identité. Domicilié dans la région de Rennes (Ille-et-Vilaine), il s’était reconverti comme agent de sécurité à l’université de Rennes 2 et avait été naturalisé français en 2005.
Il avait quitté la France pour le Cameroun en novembre 2017, quelques mois avant son arrestation, faisant craindre aux enquêteurs une « fuite organisée » alors que la presse avait fait état d’une plainte déposée contre lui par le CPCR. Interpellé fin mars 2018 à Yaoundé et extradé un an plus tard vers la France, il a été mis en examen le 15 février 2019 et est en détention provisoire depuis cette date. Il se décrit comme « un homme droit, correct, qui n’aime pas les bêtises » et se dit « tolérant » et « sentimental ».
Plusieurs autre procès pour génocide au Rwanda sont en cours
Longtemps, le sort judiciaire des suspects réfugiés en France a été un des points de tension dans la relation compliquée entre Paris et Kigali, empoisonnée par la question du rôle de la France dans le génocide. Le ton est désormais à l’apaisement depuis le rapport de la commission d’historiens présidée par Vincent Duclert, qui a conclu en mars 2021 à des « responsabilités lourdes et accablantes » de Paris lors des massacres.
Dans le cadre des efforts de normalisation des relations franco-rwandaises, Emmanuel Macron s’est engagé « à ce qu’aucune personne soupçonnée de crimes de génocide ne puisse échapper à la justice ». Avant ce procès, quatre dossiers liés au génocide au Rwanda ont donné lieu à des procès en France, dont deux sont définitivement jugés.
Un autre procès lié au génocide au Rwanda est prévu à Paris d’ici la fin de l’année, celui du médecin rwandais Sosthène Munyemana, installé en France depuis septembre 1994.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.