Le monde des cosmétiques est régulièrement sujet à polémiques. Celles concernant les produits de protection solaire s’enflamment en général à la fin du printemps, début de l’été. Des débats divers, pas tous scientifiquement fondés, mais qui ont pourtant l’intérêt d’alerter sur un sujet qui mérite qu’on s’y attarde. Les produits de protection solaire ne sont, en effet, pas des cosmétiques « comme les autres » dans la mesure où ils exercent un rôle de protection vis-à-vis des UV et leur usage s’inscrit dans la stratégie globale de prévention de certains cancers cutanés photo-induits.
Certains jugent les produits de protection solaire (PPS) tellement efficaces et les utilisateurs tellement respectueux de leur mode d’emploi (application en quantité généreuse et ce toutes les deux heures) que cela en deviendrait dangereux pour la santé de celui ou de celle qui s’enduirait ainsi. Un déficit en vitamine D (vitamine synthétisée principalement au niveau cutané sous l’action des UVB) serait ainsi à déplorer. On ne peut que relativiser cet avis dans la mesure où les rayonnements les plus efficaces pour la synthèse de vitamine D sont également les plus dangereux pour la santé. La supplémentation en vitamine D lorsque cela s’avérera nécessaire, et seulement dans ce cas, est une solution préférable à une exposition en mode non protégé.
Ingrédients dangereux
D’autres pointent du doigt des ingrédients dangereux. C’est le cas, en particulier, de la vitamine A. Tout a commencé, en juillet 2010, avec les résultats d’une enquête publiée par l’association américaine Environmental Working Group. Il apparaissait alors que 41 % des produits de protection solaire du marché contenaient du palmitate de rétinyle, un ingrédient susceptible de générer des espèces réactives à l’oxygène suite à une irradiation dans le domaine ultraviolet. L’affaire avait été relayée par les médias sur le thème : « Votre produit solaire peut vous donner un cancer ».
Ce type d’information mérite que l’on s’attarde sur la composition des produits solaires retrouvés sur le territoire national. La vitamine A, actif phare des cosmétiques anti-âge, n’est aucunement, en France, un actif de prédilection dans le domaine de la photo protection topique. S’il est utile d’alerter sur les risques représentés par son emploi dans les PPS, il est également important de préciser qu’il n’est utilisé que de manière anecdotique par quelques très rares marques françaises qui seraient bien inspirées de retirer cet ingrédient de leurs formules.
Pour notre part, nous nous sommes attachées à détailler la composition d’une trentaine de produits du commerce. Pour chacun d’eux, la détermination des indicateurs d’efficacité (SPF ou sun protection factor et FP-UVA ou Facteur de protection UVA) a été réalisée in vitro à l’aide d’un spectrophotomètre à sphère d’intégration. Seulement 48 % des produits qui composent l’échantillon affichent un SPF en accord avec les valeurs déterminées par nos soins au laboratoire. Cet accord avec la valeur affichée ne constitue pas pour autant un blanc-seing pour les marques. En effet, dans un certain nombre de cas différents ingrédients indésirables ont pu être retrouvés.
Les produits solaires pour lesquels les valeurs affichées sont en accord avec les valeurs déterminées sont les produits des marques Avène, Lancaster, Lancôme, Galénic, A-Derma, Caudalie, Ambre solaire, Yves Rocher, Bioderma, Biotherm, Corine de Farme, La Roche Posay, Cien. De l’alcool, des allergènes, des extraits végétaux (Uncaria tomentosa, Syzygium jambos…) ou des molécules à propriétés anti-inflammatoires (allantoïne…) ou photosensibilisantes (panicaut de mer, angélique) sont présents dans un certain nombre de produits.
Peu de produits irréprochables
Les produits de protection solaire que nous pouvons qualifier d’irréprochables sont peu nombreux. On peut citer la crème très haute protection SPF 50+ et le produit réflexe solaire enfant 50+ (Gamme Eau thermale Avène, la crème très haute protection SPF 50+ (A-Derma), la crème solaire « dry touch » SPF 50 (Biotherm), Photoderm max crème SPF 50+ (Bioderma), le gel-crème toucher sec Anthélios XL SPF 50+ (La Roche Posay).
Certains produits ne sont pas loin d’être jugés très bons. Encore un petit effort et le produit sera parfait ! C’est le cas, entre autres de la crème Uriage Bariésun 50+. Pas d’alcool, pas d’extraits végétaux anti-inflammatoires, juste un SPF un peu faible (SPF 52 au lieu de 60 attendu)… c’est le cas aussi de la crème solaire enfants 50+ (Cien) qui serait parfaite s’il n’y avait cet alcool gênant en 3e position. C’est le cas aussi de la crème légère visage SPF 50+ (Galénic) qui pourrait se passer aisément de sa liane d’Amazonie.
Concernant les produits 100 % minéraux testés (Bepanthen 50+ et Lovea 100 % minéral), le verdict, une fois de plus, est sans appel. Le SPF obtenu in vitro est respectivement 2 et 3 fois inférieur à celui attendu. Nous ne pouvons que répéter que les produits solaires formulés uniquement à l’aide de dioxyde de titane et/ou d’oxyde de zinc ne peuvent, en aucun cas, assurer un haut (et encore moins un très haut, cela va de soi) niveau de protection.
Le produit Hawaiian Tropic et sa certification par la Skin Cancer Foundation est certainement le produit le plus étonnant. Un SPF trois fois moins élevé que celui attendu, de la papaïne kératolytique, des extraits végétaux apaisants… Cela fait beaucoup pour un produit qui se présente comme irréprochable.
Certains produits hésitent visiblement entre différentes appellations. Le voile urbain Darphin SPF 50 est cinq fois moins efficace qu’il ne l’annonce. La notion de « voile » n’est pas en accord avec les règles d’application des produits de protection solaire (application généreuse et réapplication toutes les deux heures).
Au vu des résultats obtenus, il est évident qu’il reste des progrès à faire dans le domaine de la formulation des produits de protection solaire. Ces produits qui jouent un rôle important dans le domaine de la prévention de certains cancers cutanés doivent être formulés avec le maximum d’exigence et le moins de fantaisie possible.
Pour avoir plus d’informations sur l’ensemble des produits testés, vous pouvez consulter notre blog. Et visionner une vidéo consacrée aux PPS qui récapitule en 10 points les éléments importants à connaître concernant ce type de produits.
Céline Couteau, Maître de conférences en pharmacie industrielle et cosmétologie, Université de Nantes et Laurence Coiffard, Professeur en galénique et cosmétologie, Université de Nantes
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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