Plus répandue en France qu’on ne le croit, la prostitution des mineurs englobe aujourd’hui de nombreux jeunes qui s’y adonnent… de leur plein gré, par appât du gain. La perception de la prostitution chez cette génération a changé. En cause notamment, selon Christophe Molmy, patron de la brigade de protection des mineurs (BPM) de la PJ de Paris : la banalisation du porno et l’influence de célébrités qui donnent le mauvais exemple.
Depuis des années, associations et institutions estiment que 7000 à 10.000 mineurs se prostitueraient en France, une fourchette cependant approximative et peu documentée. Selon une étude menée par Aziz Essadek, docteur en psychologie, et dévoilée en décembre dernier, ce chiffre devrait être revu à la hausse : on envisagerait le nombre d’enfants livrant leur corps moyennant rémunération à environ 15.000, conclut le document. Mais pour Bérengère Wallaert, présidente de l’association Agir Contre la Prostitution des Enfants et les violences sexuelles (ACPE), le compte n’y est pas encore : « Même si ce chiffre fait froid dans le dos, on peut estimer que plus de 20.000 mineurs sont prostitués en France, et ce n’est qu’un chiffre plancher », confie-t-elle au Parisien.
C’est dans ce contexte d’explosion de la prostitution des jeunes que Christophe Molmy, trente ans de police judiciaire (PJ), aujourd’hui à la tête de la brigade de protection des mineurs (BPM) de la PJ de Paris, a décidé de fonder en 2021 le groupe « prox », spécialisé dans les enquêtes sur le proxénétisme des mineures. Première initiative de cet ordre en France.
D’une quinzaine d’affaires en 2013, son service a été saisi sur 122 cas en 2022, rapporte-t-il dans un entretien au Parisien. Une multiplication par dix alors que son équipe concentre son activité uniquement sur Paris intra-muros et ne planche que sur des dossiers concernant des jeunes victimes âgées de moins de 15 ans.
« La prostitution s’est glamourisée »
Pour le policier, la cause de cette augmentation est à rechercher avant tout dans la banalisation de la pornographie qui favorise, selon lui, une ambiance générale d’« hypersexualisation des relations entre ados » : « La génération actuelle s’y plonge dès 8 ans. À 13/14 ans, quasiment tous les garçons et une grande partie des filles y ont eu accès. Les jeunes se filment souvent pendant les actes sexuels. Le fait d’envoyer des nudes (photos dénudées), c’est devenu un mode de séduction tout à fait banal », constate le patron de la BPM, qui souligne l’apparition de « comportements sadomasos à 14 ou 15 ans » et un passage à l’acte sexuel désormais réalisé autour de 12 ou 13 ans. Et d’en conclure : « Tout cela crée un contexte qui surmultiplie le risque de prostitution. »
Comment expliquer, en revanche, ce niveau de prostitution ? De nombreux jeunes s’y lancent non pas par la contrainte, mais de plein gré. Des célébrités comme Nabilla, qui dément s’être prostituée, ou Zahia sont devenues des icônes chez nombre de jeunes filles s’imaginant que ces femmes ont réussi leur vie : « La prostitution s’est glamourisée », analyse M. Molmy. « Dans ma génération — j’ai plus de 50 ans —, les garçons qui allaient voir les prostituées rasaient les murs. C’était un peu tabou. Maintenant, les gamins ne cachent pas qu’ils vont voir des escorts. »
99% des proxénètes sont des « gamins »
À cela, il faut ensuite ajouter un phénomène d’« ubérisation du sexe » depuis l’arrivée des applications de rencontre, renforcé par la promotion de la prostitution sur les réseaux sociaux : « Les jeunes escorts étalent des billets et des accessoires de marque, pour montrer qu’elles ont gagné beaucoup d’argent, en très peu de temps. Elles aiguisent les appétits de certaines jeunes filles. La prostitution est dédramatisée. L’image de soi est préservée. »
Et qui sont donc ces proxénètes ? « Ce sont à 99 % des gamins. » Si certaines jeunes filles travaillent seule, puisque les réseaux sociaux leur permettent de le faire, les « petits proxénètes » se chargent, eux, de trouver chambres, clients et préservatifs, et d’assurer la sécurité de l’escort. En revanche, encore une fois, aucune contrainte : comme le souligne le patron de la BPM, des jeunes filles forcées à se prostituer, il en existe que très rarement. « Les jeunes proxénètes expliquent qu’ils n’ont pas besoin de forcer ces jeunes filles, car il y en a énormément sur les réseaux sociaux qui n’attendent que ça. »
Lorsqu’elles sont confrontées à la police, la majorité d’entre elles, d’ailleurs, s’insurgent : « Je fais ce que je veux de mon corps », ont-elles tendance à siffler. « Une partie de cette génération va le payer. Elles ne se rendent pas compte de ce qu’elles font. Vous avez des jeunes filles qui font une ou deux passes par semaine ou même par mois, et d’autres qui font jusqu’à 30 clients par jour », déplore le policier.
Quid du profil sociologique ? S’agissant des proxénètes, la plupart sont des garçons de cités connus pour des petits délits. Quant aux jeunes filles, si une partie qui deviennent escorts sont aussi issues de ce milieu, beaucoup d’autres viennent « du fin fond de la France ou des beaux quartiers parisiens ».
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