La multiplication d’agressions violentes à Abidjan par des bandes de jeunes délinquants, surnommés « microbes » par les Ivoiriens, a fait naître une véritables psychose parmi la population, selon un rapport alarmant de la justice ivoirienne.
Le mobile des « microbes » est le vol (argent, téléphones, sacs à main…), mais ils effraient par la violence subite et disproportionnée de leurs agressions qui touchent de nombreux quartiers de la capitale économique ivoirienne, se soldant parfois par des blessés graves, voire des morts.
Ces raids sont régulièrement dénoncés par les médias et sont au coeur des conversations des Abidjanais.
La police affirme avoir enrayé la vague d’attaques par une opération sécuritaire d’envergure menée ces dernières semaines, mais sans totalement convaincre.
Pour la première fois, la justice ivoirienne a enquêté sur ce phénomène des « microbes », connu depuis plusieurs années, mais qui a pris « une ampleur vertigineuse ».
« Des mineurs de plus en plus nombreux et de plus en plus violents se disputent les colonnes des faits divers de manière quasi quotidienne », écrit la magistrate Mireille Kouassi, auteure de ce rapport présenté lors de la rentrée judiciaire la semaine dernière.
« Ces formes de délinquance bien caractérisées, qui ont pris une ampleur vertigineuse ces derniers mois », provoquent « la psychose et la désolation au sein des populations, tant par la barbarie des agressions que par le nombre croissant des victimes », selon le rapport.
La magistrate déplore une « délinquance juvénile précoce » qui, selon elle, commence dès l’âge de neuf ans.
« Ces délinquants mineurs opèrent en bande de dix, rarement seuls, à visage découvert, de jour comme de nuit. Ils n’utilisent pas d’armes à feu, mais des couteaux, des barres de fer, des machettes (…) et trouvent leur inspiration et leur stimulation dans la consommation de stupéfiants », poursuit-elle.
« Leur méthode d’agression repose essentiellement sur la ruse. Ils miment des scènes de bagarres qui attirent autour d’eux des personnes et les agressent soudainement et atrocement avec violence, de manière brutale, sans état d’âme, sans remords », explique-t-elle, soulignant que « l’ampleur du phénomène engendre un sentiment général d’impunité ».
Les « microbes » créent la panique dans la population
La mort d’un policier, égorgé le mois dernier par des « microbes » à Yopougon, quartier populaire d’Abidjan, a particulièrement scandalisé l’opinion, et poussé le gouvernement à lancer le 21 septembre une vaste opération sécuritaire contre le grand banditisme, baptisée « Epervier 3 ».
Trois semaines plus tard, la police s’est félicitée du bilan de l’opération menée en mobilisant 1.500 policiers à Abidjan et 1.100 en province.
Le phénomène des « microbes est en plein recul », et « le sentiment d’insécurité a baissé parmi la population », a affirmé le porte-parole de la police nationale ivoirienne, le commissaire Charlemagne Bleu, sans toutefois donner de chiffre sur le nombre de bandes démantelées.
Coïncidence ou opération de communication ? La police a donné sa conférence de presse au lendemain de la publication du rapport de la justice.
L’origine du phénomène des « microbes » remonte à la crise des années 2000.
« La délinquance, la déscolarisation, la déstructuration, la disparition de la cellule familiale, la démission des parents et le relâchement dans l’éducation des enfants et l’influence négative des programmes télévisuels » constituent les principales causes de ce phénomène, selon le rapport de Mireille Kouassi.
Les microbes sont généralement issus des milieux défavorisés. Mais on les retrouve aussi parmi les classes moyennes, note-t-elle.
L’ONG ivoirienne Dignité et droit pour les enfants en Côte d’Ivoire (DDE-CI) accuse les médias d’exagérer le phénomène, « entraînant la panique au sein des populations, attisant ainsi l’insécurité et la violence » par le biais de représailles populaires violentes.
« Les médias donnent l’horreur qui accompagne l’infraction sans connaître le profil de ces enfants, leurs réalités sociales, pour évoquer les actions à mener afin de prévenir d’éventuelles récidives de leur part », explique à l’AFP Patrice N’Guessan, un des responsables de l’ONG.
Des « enfants fautifs sont tout simplement livrés à la vindicte populaire et lynchés », dénonce-t-il.
L’organisation a mis en place un programme de prise en charge baptisé « Enfance sans barreaux » qui souhaite « favoriser l’écoute en lieu et place de la stigmatisation ».
La magistrate Mireille Kouassi préconise elle aussi la création de centres d’éducation, de resocialisation et de réinsertion sociale à l’échelle nationale.
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