Une note des services de renseignement français, dont les éléments les plus saillants viennent d’être publiés dans les colonnes du JDD, jette une lumière crue sur la mouvance QAnon en France. On y découvre l’anatomie complexe d’une nébuleuse agrégeant des convictions diverses et d’apparence incompatibles, dans un corps protéiforme allant de la lutte contre les sociétés secrètes à la recherche de spiritualité, en passant par des groupuscules semi-militaires dont certains membres vont aujourd’hui, d’après la note, jusqu’à préparer des « projets de coup d’État et d’autres actions violentes ».
Les multiples comptes de réseaux sociaux des relais de QAnon en Occident varient dans leur style, mais se rejoignent sur certains éléments-clés, dont l’idée qu’un pouvoir corrompu œuvre au niveau mondial à la manipulation et l’asservissement des populations. Les multiples théories et rumeurs alimentant cette galaxie ont séduit aussi bien une large frange de survivalistes voyant dans notre mode de vie actuel une folie insoutenable, que des citoyens ne trouvant d’explication possible à l’absurdité du développement du monde que dans l’existence de forces liguées pour le mal de l’humanité.
L’ancien président Donald Trump a d’abord bénéficié, puis subi le fait d’être l’homme dit providentiel de la mouvance QAnon : les premiers patriotes conservateurs emmenant le mouvement ont progressivement été débordés par des messages de plus en plus radicaux, ce qui a offert aux opposants de Trump les munitions pour le qualifier, lui, d’agitateur et de danger pour la démocratie, et eux, d’extrémistes irrationnels.
Or, lorsqu’on observe l’évolution de QAnon, on est frappé de voir, sur le courant de 2020, émerger progressivement des rumeurs de plus en plus diverses et de moins en moins étayées, appuyées par un véritable matraquage sur Facebook. Les révélations factuelles de l’affaire Epstein et de l’implication du clan Clinton dans un trafic sexuel organisé ont ainsi progressivement été élargies, déformées, jusqu’à conduire à des accusations sans aucun élément tangible pour les soutenir. Dans le même temps, une version techno-ésotérique de l’idéal marxiste de lutte des classes s’est insinuée dans les réseaux QAnon, avec une identification du mal chez un « autre » représenté par la classe bourgeoise mondialiste des puissants.
L’observation de cette inquiétante inflexion trouve un éclairage particulier à la lecture du remarquable rapport « Les Opérations d’influence chinoise » de l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire. Celui-ci révèle que la Chine est l’acteur étatique « le plus impliqué dans l’amplification des récits QAnon sur Facebook ». Début 2021 par exemple, plus de la moitié des publications QAnon sur Facebook étaient ainsi originaires de Chine. Ceci éclaire brutalement l’évolution de QAnon, au point que le rapport reprend à son compte les conclusions de ses collègues du Soufan Center, pour qui, à travers QAnon, « l’objectif de la Chine est très probablement de semer la discorde et la division au sein de la population ».
Après le niveau élémentaire de l’infiltration, qui par la corruption et la propagande fait taire toutes les voix critiques, le « raffinement » de la stratégie guerrière du Parti communiste chinois se poursuit donc avec des niveaux secondaires et tertiaires : le régime chinois alimente avec son armée d’internautes des mythes urbains et diversions publiques qui ont le considérable avantage d’occuper les esprits. Cette stratégie permet aussi d’accumuler, petit à petit, tout le combustible pouvant permettre une flambée de guerres civiles dans les pays occidentaux. Démonstration sur le terrain : les partisans QAnon considèrent les progressistes et les électeurs de gauche comme des gens corrompus et dangereux contre qui il faut lutter ; ceux-ci considèrent les QAnon comme des extrémistes qu’il faut enfermer. Le mal est toujours chez l’autre. Pour le régime chinois, il n’est donc plus aujourd’hui nécessaire de soutenir un camp « ami » contre un autre : il est beaucoup plus efficace de pousser tous les camps à s’opposer l’un à l’autre de manière irréconciliable, jusqu’à l’autodestruction. Peu importe le sujet, qu’il s’agisse de lutte des femmes, de lutte des minorités sexuelles ou ethniques, de lutte des modestes contre les nantis : tant que la lutte des classes peut exister, elle peut être amplifiée, hystérisée par l’armée des trolls du Parti jusqu’à faire abandonner toute raison et mener à la censure outrée de toute idée différente.
Ceux et celles qui refusent d’être les marionnettes d’une « doxa », d’un « diktat », d’un « patriarcat » devraient donc aussi prendre garde à ne pas devenir eux-mêmes, involontairement, les idiots utiles de forces étrangères hostiles. C’est dans la capacité à voir que les opinions sont fragiles et ne définissent pas en profondeur qui nous sommes, que se trouve peut-être une partie du chemin vers plus de tolérance et de compréhension d’autrui… et vers l’identification des vrais ennemis.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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