Alors que s’ouvre la plateforme numérique « Pass Jeux » permettant d’obtenir un QR code pour se déplacer dans les zones du périmètre de sécurité des JO, l’inscription va s’accompagner d’une enquête administrative de chaque personne résidant, travaillant ou voulant se déplacer dans les zones concernées à Paris.
Ce quadrillage de la ville et l’utilisation d’un QR code est une première pour un évènement de cette taille en Europe et est rendu possible par une loi votée récemment sur les JO. Cependant, si rien n’interdit juridiquement cette forme de contrôle inédite d’une manifestation sportive, les questions de la « stricte nécessité et proportionnalité » de ces mesures, des modalités de contrôle des QR code par les forces de l’ordre et de la protection des données personnelles, sont déjà soulevées par des juristes et pourraient faire l’objet de saisines de la justice.
Pour le gouvernement et la mairie de Paris, en première ligne pour l’octroie des JO à Paris et le choix de la cérémonie d’ouverture au cœur de la capitale, il s’agit d’une question de sécurité, alors que le plan Vigipirate a été rehaussé au niveau Urgence attentat – son niveau le plus élevé. Selon des enseignants-chercheurs en droit et des avocats, il y a une volonté de s’inscrire progressivement dans une surveillance numérique massive, avec derrière un marché de la surveillance numérique en pleine expansion en France.
Éviter les menaces pour la sécurité et la sûreté nationale
Selon le préfet de police de Paris, Laurent Nunez, concernant l’obtention du QR code, une « enquête administrative sera faite pour tout le monde », à savoir « une enquête de sécurité qui nous permettra de nous assurer que la personne ne représente pas une menace pour la sécurité et la sûreté nationale ».
À partir du 18 juillet, les zones situées «autour des sites olympiques» seront interdites d’accès aux véhicules motorisés, mais « les piétons pourront circuler librement dans ces zones, tout comme les vélos et les trottinettes, mais la circulation motorisée sera interdite », a indiqué le préfet de police sur France Info.
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Laurent Nunez en a profité pour dénoncer « les sites complotistes » selon lesquels « on ne pourra pas marcher dans Paris sans QR code » pendant les Jeux. « La vie économique et la vie personnelle des gens pourront continuer à fonctionner » sur cette période, a-t-il affirmé.
Une lente mise en place d’une surveillance numérique de masse
La zone sécurisée autour de la Seine pour la cérémonie d’ouverture va concerner plusieurs centaines de milliers de riverains qui devront obtenir un QR code pour justifier de leur présence. Il en sera de même pour les promeneurs (dans les zones grises) et les véhicules motorisés (zones grises et rouges). À partir du 13 mai, il sera possible à tout personne concernée de faire une demande d’inscription sur la plateforme « Pass Jeux » du gouvernement en justifiant d’une « bonne raison » de se rendre dans les zones proches de la Seine en fournissant une photo, un justificatif d’identité et de domicile. Elle fera ensuite l’objet d’une enquête administrative.
Un criblage sera mené par le service national des enquêtes administratives de sécurité (Sneas), créé en 2017 après la vague d’attentats terroristes au cœur de la capitale. Selon la Cnil, ce criblage permettra de vérifier si un individu n’apparaît pas dans plusieurs fichiers judiciaires existants, comme le fichier de « traitement d’antécédents judiciaires », le « fichier des personnes recherchées », le fichier des « enquêtes administratives liées à la sécurité publique », des fichiers de « prévention des atteintes à la sécurité publique », etc. En tout, 11 fichiers administratifs différents seront utilisés pour vérifier les antécédents judiciaires d’une personne et ce qui pourra, si c’est le cas, le priver de se déplacer dans les zones à risques, à pied ou en voiture.
En plus des enquêtes administratives pour obtenir le QR Code, « près d’un million d’individus » vont être criblés en amont des Jeux, a assuré Gérald Darmanin, parmi lesquels les sportifs, leur équipe, les journalistes, les agents de sécurité privée, les volontaires, etc.
Selon l’enseignant-chercheur en droit privé, Yoann Nabat, et la doctorante en droit public et en informatique, Elia Verdon, de l’Université de Bordeaux, la résurgence régulière de ses dispositifs de surveillance lors d’évènement comme une crise sanitaire, un attentat terroriste ou une manifestation sportive, conduit à s’interroger sur « l’état d’urgence permanent » dans lequel le gouvernement veut entraîner la société. Selon eux, ces dispositifs « risquent d’amenuiser peu à peu la garantie des droits fondamentaux comme, ici, la liberté d’aller et venir et le respect de la vie privée ».
Dans une tribune publiée par la Revue politique et parlementaire, Alexandre Minot-Chartier, avocat spécialisé en droit du numérique, décrit les Jeux comme « le bac à sable de la surveillance du futur ». Selon lui, les Jeux Olympiques 2024 constituent un test grandeur nature pour la surveillance des foules lors de grands évènements : « Derrière un impératif de sécurité pour le pays hôte, se cache un risque de pérenniser l’utilisation de nouvelles technologies de surveillance de masse. »
Le business des nouvelles technologies de surveillance
En plus de l’application d’un QR Code autour des zones olympiques, les JO de Paris vont aussi être le terrain de jeu d’une expérimentation à grande échelle de la vidéosurveillance algorithmique. La loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux Olympiques et Paralympiques autorise le recours à cette technologie pour « tout événement récréatif, sportif et culturel » jusqu’en mars 2025.
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Encore interdits en France il y a quelques mois, ces technologies de surveillance représentent aussi un business juteux et les JO vont avoir un effet accélérateur sur leur développement.
En avril 2022, 25 millions d’euros ont été débloqués par l’État pour tester des dispositifs de sécurité innovants à l’occasion des JO de Paris. Début 2024, quatre entreprises se sont partagées le budget de 8 millions d’euros alloué par le ministère de l’Intérieur : Wintics, Videtics, Orange Business et Chapsvision.
Si le test pour les JO s’avère concluant, ce marché des technologies de surveillance pourrait s’étendre ensuite à tous les évènements sportifs ou culturels, aux grandes et moyennes villes et aboutir à une banalisation des dispositifs de surveillance numérique. Reste encore à anticiper les atteintes aux droits et libertés fondamentaux qu’une telle banalisation peut entraîner.
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